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Des mesures d’accompagnement plus précieuses que jamais

A l'entrée d'un chantier, un panneau sur lequel on peut lire: Des chantiers dignes, un travail décent!
© Neil Labrador

Les contrôles des salaires et des conditions de travail permettent de débusquer de nombreuses infractions. Dans le bâtiment, mais pas uniquement. Les branches de la sécurité, de la coiffure et de l’horticulture sont aussi aux premiers rangs des abus.

Comme le montre le Rapport annuel du Secrétariat d’Etat à l’économie, trop d’entreprises continuent de tricher, rendant indispensables les contrôles

Les mesures d’accompagnement sont plus indispensables que jamais. C’est ce que démontre encore le Rapport annuel du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes rendu public jeudi dernier.

En 2018, les commissions tripartites (Etat, employeurs et employés) et paritaires (employeurs et employés) ont vérifié le respect des conditions de travail et de salaire dans 42000 entreprises suisses et étrangères, et auprès de 173000 employés. 7% des entreprises suisses, 35% des travailleurs détachés et 31% des prestataires de services indépendants ont fait l’objet d’un contrôle. Grosso modo, les taux d’infraction restent stables par rapport à la période précédente. Dans les entreprises suisses, le niveau de sous-enchère salariale relevé par les commissions tripartites cantonales reste à 13%, tout comme le degré d’infraction aux salaires minimums, constaté par les commissions paritaires, de 24%. Dans les entreprises de détachement, les taux de sous-enchère annoncés par les commissions tripartites et les commissions paritaires baissent respectivement de 16 à 15% et de 25 à 21%. Parmi les près de 6000 indépendants contrôlés, une indépendance fictive a été soupçonnée dans 6% des cas. Enfin, 12000 entreprises et 37000 travailleurs ont été contrôlés dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, principalement dans les secteurs de la construction, de l’hôtellerie-restauration et du commerce. 15000 situations ont donné lieu à un soupçon et 4000 mesures et sanctions ont été décidées, soit une progression respectivement de 18% et de 36% par rapport à 2017, que le SECO explique par la révision de la Loi fédérale sur le travail au noir entrée en vigueur en janvier 2018.

Patrons voyous

Dans leur prise de position sur ces résultats, l’Union syndicale suisse (USS) et Unia remarquent qu’il suffit de contrôler un peu pour débusquer une flopée d’infractions! Sur les 42000 entreprises suisses examinées, 6500 accusaient en effet des salaires trop bas ou de l’indépendance fictive. «Cela montre que les mesures d'accompagnement sont de la plus haute importance et ne peuvent subir aucun affaiblissement», juge Unia. La tricherie atteint des sommets dans la sécurité privée (88%), la coiffure (55%), la construction (41%), l’horticulture (36%) ou le second œuvre (30%), comme le met en évidence un petit film réalisé par le syndicat. Visible sur unia.ch et les réseaux sociaux, la vidéo montre aussi qu’environ 4000 employeurs ont reçu une amende pour ne pas avoir respecté le salaire minimum de leur branche, mais que certains ont l’outrecuidance de ne pas la payer! Le pourcentage d’amendes acquittées atteint 70% à Genève et dans le Jura, mais il ne dépasse pas les 30% à Neuchâtel. Dans les branches dépourvues de salaires minimums, les cantons enjoignent les entreprises convaincues d’abus d’adapter les rémunérations aux salaires usuels. Si 81% des entreprises étrangères donnent suite à cette demande, près de 50% des employeurs suisses refusent d’adapter leur grille salariale. «On ne peut tolérer ce comportement», lâche l’USS. Pour finir, les syndicats constatent que certains cantons continuent de ne contrôler qu’un nombre très faible d’entreprises. En Suisse romande, Fribourg est montré du doigt. Et seuls quelques cantons ordonnent des interruptions de travail en cas d’infraction. Les commissions tripartites cantonales ont prononcé 87 suspensions dans six cantons: Berne (55), Genève (21), Vaud (4), Grisons (3), Saint-Gall (2) et Appenzell Rhodes-Extérieures (2).

Fortifier plutôt qu’esquinter

Les mesures d’accompagnement ont été introduites en 2004 pour encadrer quelque peu la libre circulation des personnes avec l’Union européenne. Depuis lors, les défis en matière de contrôle du marché du travail deviennent toujours plus importants. Comme le souligne Unia, en 2018, près de 245000 résidents étrangers de courte durée soumis à l’obligation d’annonce, soit engagés pour moins de trois mois, ont été recensés. Ils étaient moins de 100000 il y a quinze ans. En outre, avec quelque 114000 travailleurs détachés et prestataires de services indépendants provenant de l’UE, la Suisse occupe toujours l’une des premières places en comparaison européenne. En chiffres absolus, il n’y a qu'en Allemagne et en Belgique que le solde net (travail détaché entrant moins travail détaché sortant) est plus élevé. «Si la Suisse devait réduire le nombre de contrôles en raison de l'accord-cadre institutionnel avec l'UE ou si elle ne pouvait plus en effectuer autant à cause d'un délai d’annonce plus court, cela aurait de graves conséquences», prévient Unia. «Les syndicats demandent le développement et non le démantèlement des mesures d’accompagnement», conclut l’USS.

A Genève, le taux d’infraction reste élevé

A Genève, le Conseil de surveillance du marché de l’emploi (CSME), qui fait office de commission tripartite cantonale, a aussi présenté ses résultats jeudi dernier. Le taux de sous-enchère salariale dans les sociétés suisses relevé par l’Office cantonal de l'inspection et des relations du travail est passé de 12% en 2017 à 7% en 2018 et, respectivement, de 30 à 36% pour les entreprises étrangères détachant du personnel. De son côté, l’Inspection paritaire des entreprises (IPE) a constaté 18% de sous-enchère dans les sociétés visitées. Enfin, les commissions paritaires en ont dénoncé en moyenne 27% dans les sociétés suisses et 39% dans les étrangères avec un pic dans le gros œuvre (66% et 63%).

Les techniques de triche se développent

Genève est l’un des cantons au plus grand volume de contrôles et se distingue par ses organes de contrôles tels que l’IPE. Reste que, comme le note le secrétaire régional d’Unia Genève et président de la Communauté genevoise d’action syndicale, Alessandro Pelizzari, «le taux d’infractions reste élevé». «Pas seulement du fait des entreprises étrangères, du travail détaché, mais aussi de sociétés suisses. Et les techniques de triche se développent», souligne ce membre du CSME et de la Commission tripartite fédérale. «Autre sujet de préoccupation, l’augmentation du nombre de permis de très courte durée et notamment les prises d’emploi auprès d’entreprises temporaires, une main-d’œuvre fragilisée et facilement exploitée. Devant cette précarisation du travail et face à ces entreprises criminelles, un affaiblissement des mesures d’accompagnement lors de la conclusion de l’accord-cadre avec l’UE serait irresponsable. Nous devons en outre mettre toutes les chances de notre côté pour gagner l’année prochaine la votation sur l’initiative de résiliation de l’UDC.»

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