Des millions de francs de manque à gagner
A Genève, la gauche et les syndicats attaquent par référendums la réforme fiscale des biens immobiliers, jugée comme un nouveau cadeau aux propriétaires les plus aisés
La réévaluation de la valeur fiscale des biens immobiliers était très attendue à Genève, qui n’avait pas effectué de véritable réforme en la matière depuis 1964. Cependant, en novembre dernier, le Grand Conseil et sa majorité de droite approuvait le projet de loi 13030. Un texte «très favorable aux propriétaires», qui «torpille» du même coup la réforme proposée par le Conseil d’Etat, estiment la gauche et les syndicats, pour qui le texte voté n’est ni plus ni moins qu’un énième cadeau fiscal aux plus fortunés. Les partis de l’Alternative ainsi qu’Unia et le Sit ont tout de suite annoncé vouloir attaquer cette réforme par référendums.
Quelques semaines plus tard, juste avant Noël, les référendaires ont déposé trois référendums totalisant 1795 signatures contre ce projet «scandaleux» et demandant que cette loi, qualifiée de hold-up fiscal, soit soumise à la votation. «La valeur fiscale des biens immobiliers n’ayant pas été réévaluée dernièrement, les propriétaires, en particulier les plus anciens, paient des impôts largement inférieurs à la valeur réelle de leur bien, voilà pourquoi le Conseil fédéral considère que Genève n’est pas en conformité avec le droit fédéral», explique Jean Burgermeister, assistant de direction d’Unia Genève.
Doublement privilégiés
Les référendaires estiment les pertes à plusieurs centaines de millions de francs. Le syndicaliste détaille: «En 2020, le Conseil d’Etat genevois avait proposé un projet qui prévoyait un ajustement à la hausse de l’évaluation fiscale des biens immobiliers, ainsi qu’une baisse de 15% de l’impôt sur la fortune. Cette réforme aurait rapporté environ 100 millions de francs par an.» A noter que des adaptations étaient prévues pour les petits propriétaires. «La droite parlementaire a refusé cette version et proposé le projet de loi 13030 qui maintient la baisse de 15% de l’impôt sur la fortune, et qui prévoit une indexation sur les biens immobiliers non pas sur leur valeur marchande mais sur l’indice du coût de la vie, qui est bien moins important et qui maintient ce grand écart.» Pour Jean Burgermeister, le cadeau fiscal est donc gigantesque. «Non seulement ce projet de loi ne rapporte pas 100 millions, mais il engendre au contraire une perte de 100 millions supplémentaires par année.»
Et les services publics?
Autant de moyens qui ne sont pas mis au service de la collectivité et de la population, dont les besoins sont pourtant en constante augmentation, regrettent la gauche et les syndicats.
«Il s’agit d’une sous-estimation chronique de la valeur fiscale des immeubles qui n’a pas seulement pour effet de priver l’Etat de recettes substantielles, mais qui entraîne également une inégalité de traitement injustifiable entre anciens et nouveaux propriétaires», peut-on lire dans leur communiqué de presse unitaire. Ces organisations appellent les forces progressistes à s’unir pour mettre ce projet «indigne» en échec dans les urnes et qu’une réforme juste soit «enfin» menée.