Des vibrations faites peinture
Les chants spirituels et les grands poètes persans nourrissent la peinture de l'artiste irano-suisse Afi Nafissy
Une jeunesse iranienne
Afi Nafissy est née à Téhéran, la capitale iranienne, en 1958. Elle y vit ses 17 premières années, avant de s'envoler pour la Suisse. «Je rêvais de faire une école d'art à Rome, mais mon père préférait la Suisse, qui avait une aura d'excellence et de sûreté. Le Shah y avait d'ailleurs suivi des études», raconte celle qui étudiera l'architecture d'intérieur et rencontrera son futur époux à Genève, également étudiant iranien. «On pensait revenir s'installer en Iran, et puis finalement on est resté en Suisse. Mais j'ai besoin de retourner dans mon pays chaque année.» Afi Nafissy travaillera peu de temps comme architecte d'intérieur pour se concentrer sur sa passion première, la peinture. Dans ses toiles, on retrouve toutefois des cadres et des éléments géométriques comme un lointain écho à l'architecture. «Je me perds avec le rond, mais j'essaie de l'apprivoiser», sourit celle qui ne cesse d'évoluer, de la figuration à l'abstrait, depuis qu'elle s'est plongée dans les poèmes de Rûmi, redécouvert en Suisse. «Ado, on le lisait à l'école, mais cela ne m'intéressait guère. En m'y replongeant, j'ai eu besoin d'exprimer ce que je ressentais, mais c'était impossible avec du figuratif. J'ai commencé aussi à utiliser de la couleur, des techniques mixtes, du collage, beaucoup de couches. Je ne prépare rien, je compose ma toile pour trouver une harmonie, un équilibre. Je n'ai pas de message conscient à faire passer. Chacun peut y voir ce qu'il veut.» Peut-être une ode au voyage, dans l'espace et dans le temps, ou à l'intérieur de soi. Comme un poème, sans mot, composé de lumière et de couleurs.
Deux cultures
Pédagogue, Afi Nafissy donne des cours de peinture à St-Prex, tout en continuant son travail personnel d'exploration, notamment au travers de la gravure dans l'atelier Aquaforte de Monique Lazega. «La gravure est plus technique, plus cérébrale, plus réfléchie... Cela fait dix ans que je m'y suis mise et elle ne cesse de m'étonner», explique l'artiste éclectique.
Sa fibre picturale? «Depuis enfant, j'ai toujours aimé dessiner et l'art est très présent en Iran», dit-elle simplement. «Mon père était un scientifique, ma mère, enseignante en littérature. Mon grand-père était écrivain, journaliste et calligraphe», raconte celle qui utilise aussi la calligraphie dans ses tableaux. Des mots perses (langue indo-européenne écrite avec l'alphabet arabe) ni religieux ni politiques, toujours poétiques. «Je n'aime pas quand on me demande si je mets le foulard en Iran. Pour moi, c'est un détail insignifiant face à la culture grandiose de l'Iran», explique Afi Nafissy qui parle le farsi et le français avec son mari et ses deux fils. «Quand je suis à Téhéran, tout le monde sait que je vis ailleurs. Je suis trop polie et j'ai gardé le farsi des années 1970... L'accent et la langue ont évolué depuis. Mais c'est riche d'avoir deux cultures.» Une richesse qui se ressent dans ses œuvres qu'elle expose avec bonheur lorsque le lieu et le galeriste lui parlent, comme c'est le cas à Champtauroz, à la galerie du Tilleul, où elle exposera cet automne. «Il faut que je sente une bonne vibration. C'est essentiel.»
Aline Andrey
www.afinafissy.com
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