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Désarroi et système D

Etudiante, chez elle, suivant des cours à distance.
© Olivier Vogelsang

Les cours à distance ôtent pour nombre de jeunes du sens à leurs études, privés d’échanges essentiels à la formation.

La crise sanitaire a des effets délétères sur le moral des jeunes, en particulier ceux contraints au télétravail. Témoignages

Que signifie être étudiant en 2021? Comment gérer un apprentissage à distance? Et de quelle manière la pandémie affecte-t-elle les jeunes? Entre isolement social, démotivation, résilience... quatre jeunes se confient.


Inès, 19 ans, étudiante au CMS (Cours de mathématiques spéciales, année préparatoire) à l’EPFL

Manque de diversité

«Je travaille généralement sur mon lit parce que mon bureau est trop petit, sur le canapé du salon ou sur la table de ma cuisine.» Inès, 19 ans, étudiante à l’EPFL, raconte son expérience d’un an déjà en télétravail et confie le poids que représente le manque de diversité dans son quotidien. «Toutes mes journées se ressemblent. Je vais toujours aux mêmes endroits et je vois les mêmes personnes. Je trouve aussi vraiment bizarre qu’il n’y ait pas de délimitation entre le week-end et la semaine.» Interférences dans son cadre de vie mais aussi chamboulement dans ses loisirs. Sportive, Inès a dû arrêter ses entraînements de danse et de crossfit. Elle a alors pris un abonnement dans un fitness… qui a lui aussi fini par fermer. La jeune femme a néanmoins su trouver un certain équilibre entre études… et santé mentale! «Je suis superorganisée. Du coup, j’arrive plutôt bien à structurer mes journées», affirme-t-elle. Et d’ajouter: «Je suis seule à travailler chez moi, mais je mange les midis avec mes sœurs quand elles rentrent de l’école. Je préfère toutefois aller chez mon copain parce qu’il a plus d’espace. Sa sœur étudie elle aussi à distance et on peut ainsi échanger.» Cet été, l’étudiante a dû arrêter son travail de serveuse à cause de la pandémie et… annuler des vacances par manque d’argent. Inès ne se décourage pas pour autant et garde confiance en l’avenir: «L’année prochaine, je vais commencer un bachelor en sciences du vivant à l’EPFL. La crise sanitaire m’a d’autant plus motivée à effectuer ces études car elles couvrent un domaine très actuel allant de la biotechnologie à l’immunologie. Surtout qu’avec le réchauffement climatique, il faut s’attendre à affronter d’autres virus.»


Mélina, 19 ans, étudiante en première année de médecine à l’Université de Lausanne

Vaisselle et ménage pour ne pas se sentir coupable

Le ton se crispe lorsque Mélina, 19 ans, parle de ses études à la maison. Etudiante en première année de médecine, la jeune femme se trouve en télétravail depuis le mois d’octobre. Un système qui ne la satisfait pas. La jeune femme rêve d’un retour à la normale, en présentiel: «L’absence de déplacement jusqu’à l’université est très dure à vivre. Normalement, mon chez-moi est un lieu de repos, de calme et non pas d’études.» L’étudiante se lève généralement à 8h, suit des cours jusqu’à 12h, puis travaille ensuite de son côté jusqu’à 19h. La deuxième partie de sa journée s’avère bien plus compliquée, puisqu’elle doit se mettre son propre cadre. «Je suis surtout inquiète de ne pas savoir combien de temps cette situation va durer. En ce moment, je n’ai des contacts sociaux qu’avec ma famille, car je ne trouve souvent pas l’énergie de voir des amis quand je finis ma journée.» Mélina ajoute encore qu’elle se sent souvent coupable lorsqu’elle prend des pauses et essaie donc de les optimiser en faisant le ménage ou la vaisselle. Le télétravail n’est pas non plus sans incidences sur sa situation financière «D’habitude, je donne des cours de soutien une à deux fois par semaine, mais l’association avec laquelle je collabore a dû interrompre ses activités», raconte Mélina qui, de ce fait, a eu notamment de la peine à payer son matériel de cours. Anxieuse à l’idée que la situation puisse s’éterniser, Mélina confie: «Commencer ses études en période de Covid rend l’université encore moins accessible. J’ai peur de ne pas pouvoir continuer à cause du système à distance actuel. Je ne saurais surtout pas que faire d’autre si j’arrêtais.»


Jonathan, 21 ans, apprenti médiamaticien en 3e année

La menace d’un CFC au rabais

«Au début ma mère avait de la peine à comprendre que je n’étais pas en vacances. Elle me donnait des tâches à effectuer pour la maison alors que je devais travailler», indique Jonathan, 21 ans, avant d’ajouter qu’ils ont aujourd’hui trouvé un équilibre. Apprenti médiamaticien en 3e année, le jeune homme travaille à 100% chez lui depuis décembre. Il raconte qu’il a dû repenser toute sa chambre: «J’ai créé une séparation, à l’aide d’une armoire, au milieu de la pièce. D’un côté, se trouvent le lit et la télé et, de l’autre, le bureau.» Malgré des matins plus durs que d’autres, il explique qu’il a réussi à prendre ses marques et trouver un rythme semblable à celui de son lieu de travail. L’apprenti reste néanmoins mitigé sur la question du travail à la maison et confie que les contacts sociaux et les sorties entre amis lui manquent. Alors il part s’aérer pour tenir le coup ou téléphone à des proches. Et si sa formatrice l’appelle tous les deux jours, Jonathan n’est pour autant pas convaincu d’acquérir les mêmes connaissances: «Ça me force à me débrouiller seul mais c’est quand même très différent.» Inquiet quant à ses chances de trouver une place de travail par la suite, il reste néanmoins positif: «J’ai un peu peur de me dire que mon papier peut valoir moins qu’un autre. On a d’ailleurs souvent entendu parler de CFC au rabais. Ça pourrait évidemment me porter préjudice, mais je garde l’espoir qu’il n’en soit rien.»


Estevan, 20 ans, apprenti polygraphe en 1re année

Plus autonome

Deux jours par semaine en télétravail et trois en cours, Estevan, 20 ans, vit depuis décembre son apprentissage de polygraphe à distance. Le jeune homme travaille et s’est installé dans son salon. «J’ai besoin de compartimenter ma vie en séparant mon espace privé de celui professionnel. En ce moment, les deux empiètent l’un sur l’autre et c’est très désagréable», explique l’apprenti, estimant l’exercice d’autant plus compliqué qu’il se trouve en première année d’apprentissage. «J’ai encore beaucoup de questions et c’est parfois dur de les résoudre à distance.» Une situation qui comporte, malgré tout, des avantages: «Au travail, on met souvent de la musique et là je peux choisir ce que je veux écouter», plaisante-t-il avant d’ajouter: «C’est un mal pour un bien. Je passe parfois beaucoup de temps à chercher des réponses seul sur internet, mais ça me rend plus autonome.» Ses tâches notées sur un planning en ligne, Estevan écrit et passe des appels vidéo tous les jours à ses supérieurs. Et s’il ne juge pas le système idéal, il tente de se changer les idées en continuant à faire du sport. «J’ai la chance d’avoir ma prof de yoga qui vit dans le même immeuble que moi. J’en profite pour faire des cours en vrai avec elle, en maintenant évidemment les distances. Sinon je vais courir ou marcher.» Quant à son avenir professionnel, la seule inquiétude du jeune homme serait que son entreprise ferme et qu’il perde sa place d’apprentissage.

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