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Ecrire pour extérioriser ses émotions

Olivier Chapuis trouve à travers ses récits un moyen de se créer un autre monde.
© Olivier Vogelsang

Olivier Chapuis trouve à travers ses récits un moyen de se créer un autre monde.

Privilégiant les histoires sombres, l’écrivain Olivier Chapuis n’aurait jamais pris la plume dans un monde parfait

L’univers littéraire d’Olivier Chapuis évolue au gré de drames. Pas d’histoires qui finissent vraiment bien, lui donnant des impressions de «factice». Tout au plus des touches d’humour noir propres à «alléger la sauce»... Et des récits abordant des dysfonctionnements de la société ainsi que des thèmes récurrents comme l’abandon et la culpabilité qui mettent de la chair autour de l’os. Et tendent à susciter la réflexion. «Dans un monde parfait, je n’écrirai pas», affirme l’écrivain vaudois de 54 ans, qui a publié onze livres et nouvelles et continue à exercer le métier de correcteur nécessaire à sa subsistance. Sa passion de l’écriture remonte à sa prime jeunesse. Une période de sa vie plutôt difficile que l’enfant d’alors, très timide, fils unique, adoucira à travers des textes l’aidant à s’échapper de la réalité. «Déjà à 10 ans, j’adorais les rédactions. J’aimais alors surtout les histoires fantastiques. Et puis, nous n’avions pas des écrans comme aujourd’hui. La télévision, que je refuse toujours d’avoir au demeurant, comptait trois chaînes», raconte Olivier Chapuis qui, à 24 ans, retrouve, des compositions rédigées au collège, les améliore et participe à des concours de nouvelles avec bonheur. De quoi lui donner envie de poursuivre dans cette voie. A force de persévérance – son maître-mot, une qualité en laquelle il croit –, il publie en 2013 son premier ouvrage. Pied désormais clairement à l’étrier.

Imagination débridée

«Ça marche plutôt bien, j’ai de la chance», note celui qui vient aussi de rédiger une série de Brèves de salon, parues aux Editions Montsalvens. Et envisage d’étoffer ce premier recueil. Un ouvrage qui se décline en anecdotes, saynètes liées à la sphère littéraire entre salons, séance de dédicaces... «J’ironise alors sur moi, le milieu, les magouilles cachées, le rapport avec le public à travers des textes courts. Certains écrivains se prennent pour des dieux. On se croit exceptionnel, irrésistible», s’amuse Olivier Chapuis, qui anime aussi des ateliers d’écriture. «Ils réunissent des personnes très motivées des deux sexes – avant il y avait surtout des femmes, c’est désormais plus équilibré. Je donne des consignes, les épaule... Très intéressant», explique l’homme de plume, qui a par ailleurs fondé, avec sa compagne Sabine Dormond, elle aussi écrivaine, Les dissidents de la pleine lune. Il s’agit d’un groupe d’auteurs qui se réunissent une fois par mois et partagent leurs écrits sur un thème et une longueur maximale donnés. Le dernier était consacré au «Déni du dindon». «On lit nos textes, on les commente et on mange ensemble. C’est une stimulation pour les participants âgés de 20 à 80 ans – la majorité d’entre eux n’a pas publié – et un moment de convivialité, de partage. On se produit parfois aussi sur scène», complète Olivier Chapuis jamais en rade d’idées. «J’ai beaucoup d’imagination; je fais également du théâtre d’impro», souligne l’écrivain, ajoutant ne pas connaître l’angoisse de la page blanche. «Mais évidemment, le doute m’accompagne. Le doute de ne pas parvenir à toucher le cœur des lecteurs.»

Besoin d’être aimé

Musique techno propre à l’isoler des distractions du quotidien et en compagnie de Sagex, son chat, Olivier Chapuis privilégie la tranquillité de son petit appartement pour écrire. Et se met plus volontiers au travail les après-midi et les soirées. Après une lutte qu’il finit toujours par remporter contre une tendance à la procrastination. «J’écris pour me créer un autre monde. Au début, il s’agissait surtout d’échapper au mien, puis d’extérioriser des émotions. J’ai aussi besoin de publier et d’être aimé du public, d’être reconnu. Si je ne l’étais pas, je ne continuerai pas nécessairement», confie le Vaudois, animé par ce souci de partage alors même qu’il peut se montrer assez détaché. «Non pas par manque d’empathie, mais par protection. De peur d’être submergé par mes sentiments. Ce détachement, qui peut en irriter certains, m’aide à vivre.» Le quinquagénaire «plutôt réaliste et un peu pessimiste», s’attendant toujours à une catastrophe, a toujours pratiqué des sports, propres à le ressourcer. «J’en fais depuis l’âge de mes 10 ans. Ça a contribué à me sauver, gamin. Je nage et suis aussi un adepte des baignades hivernales dans le lac. Je fais par ailleurs beaucoup de vélo. J’apprécie aller au bout de mes limites. Et puis, je marche énormément», précise celui qui ne possède pas de permis de conduire. Aussi par souci écologique. A ce propos, Olivier Chapuis s’irrite de l’inertie face au dérèglement climatique: «Chacun trouve toujours un prétexte pour ne pas en faire davantage. Mes efforts? Je ne prends plus l’avion, je consomme des produits locaux et mange très peu de viande.»

Le luxe du temps

N’appréciant guère le mot «bonheur», Olivier Chapuis préfère à ce concept «le luxe d’avoir du temps.» Et confie sa peur de mourir. «L’idée que tout se termine, qu’on ne revienne plus jamais m’effraie.» Cet athée confesse également sa crainte de la violence. «Elle me tétanise», affirme-t-il, malgré une tendance à endosser un rôle de médiateur. Au petit jeu du choix d’un animal, d’une couleur et d’un végétal, Olivier Chapuis répond respectivement «le chat, faussement indépendant, on se ressemble; le bleu, apaisant et qui m’évoque l’océan que j’adore; et le cactus, à l’aspect hostile mais renfermant de l’eau». Quant à ses rêves, l’écrivain, fan de Jean-Philippe Toussaint et qui parlerait volontiers féminisme avec Virginie Despentes, partage son espoir de pouvoir poursuivre sur sa lancée et d’élargir le cercle de son lectorat au public français. Non pas pour l’argent mais toujours en raison de ce besoin de reconnaissance. «J’ai des projets littéraires pour les vingt prochaines années au moins», sourit-il, avant de conclure, une ombre au front: «Pourvu que la littérature ne soit pas trop empoisonnée par la censure!» Un souhait à prendre à la lettre...