«On est presque en prison»
A Fribourg, une large coalition se mobilise pour la régularisation des requérants déboutés, interdits de travailler et d’avoir une vie décente
Une vie digne et le droit au travail pour les personnes à l’aide d’urgence. Telle est l’exigence de la Coordin’action Fribourg Solidaire et du collectif Poya Solidaire exprimée le 7 novembre dernier devant le Grand Conseil fribourgeois. 2400 papiers colorés, pareils à des drapeaux de prière tibétains, ont été déployés pour sensibiliser les députés et présenter la pétition, ayant réuni 2400 signatures, déposée deux jours plus tard. Une pétition exigeant du Conseil d’Etat fribourgeois et du Grand Conseil d’agir en faveur de requérants d’asile déboutés, à l’aide d’urgence et vivant dans une précarité absolue. Un appel de personnalités a également été présenté ce jour-là à la presse, appel soutenant les revendications des collectifs qui demandent aux autorités de faire usage du droit qui est le leur de régulariser, avec l’octroi d’un permis humanitaire, les requérants à l’aide d’urgence, de ne pas exécuter de renvoi et, dans l’attente d’une régularisation, d’octroyer une autorisation de travail aux personnes concernées. Cet appel est soutenu notamment par l’ancien conseiller d’Etat en charge de la Sécurité et de la Justice Erwin Jutzet, par le vice-président des Verts suisses Gerhard Andrey, par des syndicalistes comme Armand Jaquier et Xavier Ganioz d’Unia, et par de nombreux artistes.
Inhumanité et précarité
Guy Zurkinden, membre de Fribourg Solidaire, estime à 285 le nombre de personnes à l’aide d’urgence dans le canton, dont près de la moitié en Suisse depuis longtemps. «Nous nous battons pour que les personnes à l’aide d’urgence puissent avoir un statut, un permis leur permettant de travailler. A l’aide d’urgence, tu ne peux rien faire, tu n’existes pas, c’est la mort sociale pendant des années», souligne-t-il, précisant que la majorité des requérants déboutés viennent d’Ethiopie et d’Erythrée, pays où un renvoi les mettrait gravement en danger. Or, «il est possible que des vols spéciaux se préparent», alerte-t-il. Après une première manifestation en juin, la Coordin’action demande une entrevue avec les conseillers d’Etat en charge du dossier. Le mouvement est soutenu par de nombreuses associations, partis et par l’Union syndicale fribourgeoise.
Organisés dans le collectif Poya Solidaire, des requérants déboutés dénoncent la précarité et l’inhumanité dans laquelle ils sont contraints de survivre, avec 10 francs par jour, sans droit à une formation, à un emploi, ni celui de se déplacer dans un autre canton, forcés aussi de vivre dans un foyer où les tensions sont extrêmes. «Cela fait quatre ans que je suis en Suisse. En deux ans, j’ai eu seulement un cours de français de six mois. Après, j’ai reçu la décision négative. Je n’avais plus le droit de travailler ou de recevoir un cours. J’ai trouvé un stage, mais ils ont refusé. On est presque comme dans une prison», témoigne l’un d’eux. «Nous avons dû laisser nos pays afin de fuir des régimes dictatoriaux et totalitaires. Nous avions de l’espoir et la perspective d'améliorer et de changer notre vie. Mais la situation que nous affrontons ici est le contraire. Cela fait plus de quatre ans que j’attends, que je subis une inactivité forcée. C’est très dur», explique un autre, qui conclut: «Nous ne sommes pas des criminels. Nous sommes jeunes, pleins de force et d’espoir. Tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir travailler et vivre dignement.»