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Talentueuse danseuse burlesque, Misty Lotus associe l’effeuillage à la reconquête du pouvoir féminin. Loin des stéréotypes
Elle a le sens du spectacle. A la ville comme à la scène. Et son allure flamboyante ne passe pas inaperçue. Volubile et attachante, drapée ce jour-là dans une robe rose soulignant ses courbes généreuses, longs ongles sombres et yeux ourlés de noir, Misty Lotus assume pleinement son côté femme fatale. Un trait de sa personnalité encore exacerbé sur les planches. Danseuse burlesque figurant parmi les dix meilleures d’Europe dans sa catégorie, la jeune femme de 31 ans s’est spécialisée dans l’effeuillage. Un art que l’Indo-Suissesse a adapté à sa sensibilité et à ses origines. A sa nature solaire, déterminée et généreuse aussi. Ses représentations se déroulent au rythme d’une gestuelle et d’une musique mâtinée de sonorités indiennes en écho à ses racines paternelles. Elle y intègre des jeux avec le feu, exécute des chorégraphies «mystiques et puissantes», incarne différents rôles, comme le paon, illustrant l’amour, ou le dragon, la férocité, avant de tomber le costume. «Danser, c’est la liberté. Quand je me produis, je suis complètement moi-même. C’est une véritable expérience spirituelle. Je suis totalement habitée. Femme à 200%. Encore plus que dans la vie. C’est un moment de reconquête du pouvoir féminin», affirme Misty Lotus qui, en coulisses, se prépare à sa prestation en méditant, en se connectant à ses émotions. Et de souligner encore «la force qui émane de la vulnérabilité» quand, à la fin du show, elle se tient, presque nue, immobile devant l’assistance.
Une invite à l’inclusion
Outre la satisfaction d’offrir un moment de bonheur, de divertissement pailleté à son public, au demeurant essentiellement féminin, Misty Lotus entend également délivrer un message. Politique et féministe. Son propos évoque l’unicité, la particularité de chacun et le droit inaliénable à la différence. «Trop de personnes se laissent enfermer dans des codes sociaux d’esthétique, paralysées par la peur. Le fait de me déshabiller sur scène donne un signal fort. Et lance une invite à oser être telle que l’on est», note la trentenaire sortant des canevas d’une beauté stéréotypée valorisée par la société. «Peu importe la couleur, la taille, le poids, l’origine... mes spectacles parlent en filigrane d’inclusion. Chaque personne se révèle spéciale, belle et dispose d’un pouvoir magique», complète la passionnée, qui a interrompu des études universitaires en sciences politiques pour se consacrer entièrement à son art. «J’avais choisi cette branche animée par l’envie de faire bouger les choses. Une volonté que, désormais, j’exprime sur scène. C’est bien plus drôle», raconte Misty Lotus qui, ambitieuse, a pris le pari d’en vivre, encouragée par des retours positifs à la suite de ses premiers spectacles. «A l’issue des représentations, nombre de femmes venaient vers moi pour me féliciter. Me dire que je dégageais de la beauté, de la séduction. Ça m’a donné confiance.»
Petits copains inquiets...
En 2016, Misty Lotus part à Berlin tenter sa chance. Une capitale ouverte à la diversité artistique, «plus désinhibée», et comptant un large éventail de scènes. Un lieu où elle affinera encore sa pratique, sa signature, après avoir déjà suivi des cours dans nos frontières. «Une expérience géniale. J’y ai fait de belles rencontres, j’ai travaillé avec des Drag Queens, me suis démenée pour décrocher des mandats», rapporte Misty Lotus, précisant s’être ainsi forgée au métier. De retour en Suisse, elle poursuit sur sa lancée et se produit régulièrement à l’étranger. En 2019, elle ouvre une école à Lausanne et engage d’autres professeures. Une cinquantaine de femmes et quelques élèves non-binaires âgés de 20 à 65 ans suivent les cours. Si les profils des intéressés varient, tous, affirme Misty Lotus, font preuve d’une grande ouverture d’esprit. «Nous nous amusons beaucoup. Même les personnes timides parviennent à s’affranchir. Elles rayonnent», s’enthousiasme l’indépendante, qui organise avec ses classes des spectacles réservés à leurs invités. Et d’ajouter, sourire aux lèvres: «Certains petits copains de danseuses s’inquiètent de les voir acquérir trop de confiance. Ils me reprochent ma mauvaise influence. Révélateur aussi de la puissance du collectif. De quoi mener une mégarévolution», lance la jeune femme à la conscience féministe aiguisée.
Parcours difficile
Epanouie, rayonnante, Misty Lotus n’a pas toujours été aussi bien dans sa peau. Et a parcouru un chemin douloureux avant de parvenir à l’acceptation de son corps et à cette assurance. A 5 ans, elle subit des abus sexuels commis par un proche de la famille. Et n’ose pas en parler à ses parents. L’inconcevable durera deux ans... Arrivée en Suisse à 9 ans, elle qui a été élevée dans des valeurs de respect et de bienveillance, de non-jugement, se heurte au racisme. Adolescente, Misty Lotus souffre de troubles alimentaires... A 17 ans, une sortie nocturne avec un ami tourne au cauchemar. «J’ai compris à mon réveil qu’il m’avait droguée et violée. C’était d’une telle violence», témoigne Misty Lotus, qui ne portera toutefois pas plainte, animée par un sentiment de culpabilité. «J’ai aujourd’hui pardonné... Et changé ma relation au sexe, reprenant le contrôle sur mon corps. Je le montre, car j’ai envie de le montrer», poursuit cette femme de caractère, d’une grande capacité de résilience, estimant qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour atteindre une égalité dans les faits. Et de s’agacer encore de la récurrence des commentaires de certaines personnes en relation avec son travail. «On me demande souvent si mon compagnon n’est pas dérangé par ma profession. Non. Il en est très fier et content de mon bonheur», déclare l’Indo-Suissesse, fiancée, avant d’ajouter, malicieusement: «Bien sûr, il sait aussi que, le rideau tiré, c’est de toute façon avec lui que je rentrerai à la maison...»