Chef du sport d’élite Speed au sein de la Swiss Ice Skating, formateur pour professeurs de sports aquatiques à Macolin et fromager, François Willen vit sa vie à 200%. Rencontre avec un homme aux multiples passions
«Il y a dix minutes, je parlais de politique internationale du sport et, maintenant, j’affine mes fromages!» s’exclame François Willen, 46 ans, de son air jovial. L’homme s’active au milieu des étagères remplies de meules. Des effluves d’ammoniac chargent l’atmosphère. «L’odeur vous dérange?» questionne-t-il, une pièce de 32 kilos dans les mains. Plein d’humour, l’entrepreneur saute du coq à l’âne, dépeignant ainsi une vie haute en couleur et… en saveur! Installé dans sa cave, dans la maison de ses parents au Mont-sur-Lausanne, l’artisan lève un pan de voile sur son existence. «De mes 0 à mes 40 ans, j’ai toujours été heureux. Puis, j’ai divorcé et j’ai aussi connu la tristesse.» Non sans rebondir… Aujourd’hui domicilié à Bienne, avec son garçon de 10 ans et sa fille de 14 ans, l’homme partage désormais sa vie entre le canton de Vaud et celui de Berne. Mais précise, en indiquant les murs qui l’entourent: «C’est ici que j’ai grandi. J’ai fait mon école primaire juste à côté.» La suite? Le fromager raconte avoir échoué aux Hautes études internationales à Genève à cause d’une mauvaise gestion de son temps. «A l’époque, j’entraînais des jeunes à la natation et je n’ai pas réussi à allier les deux.» Pas découragé pour autant, le jeune homme d’alors effectue avec succès une licence en histoire contemporaine, en sociologie et en économie politique à Fribourg. «J’étais tellement déçu d’avoir raté mon premier essai que j’ai même étudié, en plus, l’ethnologie.»
Complémentarité des métiers
Bien que sportif depuis toujours, François Willen a préféré aux compétitions le seul plaisir procuré par ce loisir. «Le sport est devenu pour moi une façon de communier avec la nature mais aussi une activité sociale me permettant de nouer des contacts», explique le quadragénaire qui pratique régulièrement ski ou natation. «Mon palmarès est plus que moyen. J’étais un bon nageur régional, mais après trois années d’entraînement, mes élèves m’ont dépassé!» Modeste, François Willen peut pourtant s’enorgueillir d’une carrière impressionnante dans le domaine. De 1992 à 2004, l’homme est employé comme coach à Renens-Natation. Puis, en 2004, la Fédération suisse de natation l’approche pour lui proposer de devenir entraîneur national à Macolin. Un poste que François Willen occupera pendant près de quatre ans. Des années de gloire où il mène plusieurs athlètes comme Nicola Spirig aux Jeux olympiques. Mais si son métier le passionne, il confie que l’ego de certains athlètes a fini par le fatiguer. L’homme devient alors, en 2012, chef du sport d’élite et de la formation des entraîneurs à Swiss Triathlon. Il remplit encore plusieurs autres activités dans le domaine avant d’être, en 2019, engagé par la Swiss Ice Skating. «Il n’y a qu’une trentaine d’athlètes en Suisse qui pratiquent le patinage de vitesse. Mon travail consiste à augmenter ce chiffre d’ici à une dizaine d’années, notamment en faisant la promotion de cette discipline.» Une activité intéressante, mais François Willen ressent le besoin d’exercer, en parallèle, un métier plus pragmatique. «Je passe la journée devant un écran et je m’occupe de mes fromages le soir. Une belle complémentarité.»
Une histoire de fromages
Venu aider son fils pour le marché du lendemain, le père de François Willen, entre deux rangements, intervient: «J’ai eu 85 ans il y a deux ans. Il était temps de passer la main.» Et d’ajouter, des étoiles dans ses yeux bleus: «Ce travail était une vraie passion pour moi!» Un engouement transmis à son garçon qu’il a initié au travail d’affinage des fromages. «J’avais l’impression d’avoir fait le tour dans le domaine du sport. L’envie de mon père de se retirer tombait bien, enchaîne François Willen, séduit lui aussi par l’activité. Il existe un lien entre mon métier d’entraîneur et celui de vendeur. J’aime les gens et ils me le rendent bien. Certains clients viennent toutes les semaines simplement pour discuter ou me dire bonjour.» François Willen apprécie aussi de partager ses connaissances. «J’ai du plaisir à expliquer aux clients comment sont conçus mes produits. Les gens ignorent souvent ce qu’ils mangent.» Lors du semi-confinement, l’artisan a dû toutefois arrêter son stand au marché. Mais il n’en est pas resté les bras croisés pour autant. En accord avec la commune, il a dressé un étalage… devant la maison familiale! Aujourd’hui, le fromager projette encore d’élargir son affaire en participant à d’autres marchés.
«Les gens sont des miroirs»
Content au milieu de ses meules, François Willen n’a pourtant jamais imaginé gagner sa vie en tant que fromager, ni comme entraîneur sportif. «Enfant, je rêvais de devenir journaliste ou photographe. J’ai essayé d’obtenir des bourses et d’entrer dans une école de photo, mais ça n’était pas fait pour moi.» Ce rêve s’est tout de même en partie concrétisé, l’homme rédigeant des chroniques pour La Région. «Je collabore deux fois par mois avec ce journal. J’en profite pour parler de sport mais aussi des choses qui m’intéressent.» De nature curieuse, le Vaudois aux multiples casquettes n’hésite pas à se remettre en question… sauf peut-être quand la discussion porte sur l’évidence du réchauffement climatique. Et confie encore placer les relations au centre de ses actions. «Les gens sont des miroirs. Ils nous renvoient des reflets que l’on peut choisir de prendre… ou pas.» Au chapitre de ses loisirs, François Willen cite la lecture. Et notamment la poésie, comme Paroles de Prévert qu’il parcourt sans se lasser. «ça fait du bien de se pencher sur de jolies choses en cette période», déclare le fromager et formateur qui définit le bonheur comme un accord avec soi-même mais aussi un partage de connaissances et de nourritures. Et assure être heureux. Personnalité sympathique et accueillante, sourire rieur… on le croit volontiers.