Il faut recaser les ouvriers de la Tuilerie de Bardonnex
Le Conseil d’Etat genevois renonce à prendre des mesures de protection de l’usine. Syna et Unia exigent le reclassement des travailleurs licenciés
La procédure de classement de la Tuilerie de Bardonnex est abandonnée, a annoncé le Conseil d’Etat genevois le 7 juillet. L’instruction aurait montré que «ni le bâtiment ni les outils de production n'ont de valeur intrinsèque digne de protection». «Tous les préavis des instances consultées sont défavorables au classement», écrit le gouvernement cantonal, qui «renonce à prendre toute autre mesure de protection» faute «d'une base légale permettant de protéger le patrimoine immatériel». La commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) se serait toutefois prononcée en faveur d'un plan de site permettant de conserver les halles.
Pour mémoire, les travailleurs de la tuilerie, soutenus par les syndicats Syna et Unia, se battaient depuis l’été dernier pour sauver leur usine, les emplois et leur savoir-faire. L’exploitant, le groupe Gasser Ceramic, ayant décidé de délocaliser la production à Rapperswil (BE) a licencié les treize ouvriers à la fin de l’année 2020. Une coopérative ouvrière a été créée pour reprendre l’exploitation. Le Conseil d’Etat a trouvé six millions de francs pour poursuivre la production durant deux ans au moins et constituer des stocks de cette tuile plate et jaune si caractéristique. La société propriétaire du site a toutefois rejeté cette solution et a refusé de rencontrer les représentants de la coopérative. Argramat projette de faire à Bardonnex un «site éco-industriel», entendez une décharge de matériaux. Face à cette obstruction, les salariés et leurs soutiens ont invité l’exécutif à déclarer la tuilerie d’intérêt public et à la faire passer dans le giron public, «soit par le rachat de l’usine et du gisement de terre, soit par la nationalisation».
Leviers de reclassement
«Nous regrettons fortement la décision d’abandonner la procédure de classement. Le Conseil d’Etat a fait la sourde oreille à la position de la CMNS, il s’est plié aux intérêts privés, il accepte la destruction d’un patrimoine unique et la fin de la production de tuiles à Genève», commente José Sebastiao. Le secrétaire syndical d’Unia Genève s’est battu comme un beau diable depuis une année pour sauver la tuilerie. Tout en se démenant parallèlement pour un plan social en faveur des employés licenciés, qu’il a obtenu. «Il va de soi pour nous que les travailleurs licenciés qui n’ont pas retrouvé un emploi devront être les premiers à être engagés si des activités sont menées sur le site. Nous attendons que l’Etat soit ferme sur ce point et resterons vigilants.» Plusieurs travailleurs sont âgés de plus de 50 ans et risquent d’atterrir à l’aide sociale à l’issue de leur période de chômage, craint le syndicaliste. Le Canton dispose de plusieurs leviers pour reclasser ces ouvriers, le projet d’Argramat ne pouvant être réalisé qu’avec le feu vert de l’Etat et en partenariat avec lui.