Faute de moyens, l’entier des soins requis par les aînés n’est pas couvert. Les syndicats interpellent les autorités
Unia et le Syndicat des services publics (SSP) se sont procurés un document de l’Etat montrant que la dotation en personnel soignant n’atteint que 86% dans les EMS genevois.
Faute de personnel, l’Etat ne couvre pas l’entier des soins requis par les personnes âgées dans les EMS genevois. Les syndicats dénoncent cette situation depuis plusieurs années. La semaine dernière, au cours d’une conférence de presse, Unia et le Syndicat des services publics (SSP) ont présenté un document appuyant cette affirmation. Dans une communication de la Direction générale de la santé adressée aux directions des établissements datant de l’été passé, que les syndicats se sont procurée, il est en effet indiqué que le taux de couverture de l’outil «Plaisir», le logiciel qui permet de calculer la dotation en effectif soignant dans les EMS, atteint 86% seulement. «Nous en avons aujourd’hui la preuve, il manque 14% de personnel soignant dans les EMS», indique Giulia Willig, secrétaire syndicale d’Unia Genève. «La conséquence est une pression toujours plus grande sur les employés, des cadences infernales, une augmentation du taux d’absentéisme et des usagers qui sont traités à la chaîne.»
«Du temps, on n’en a plus»
«Du temps, on n’en a plus. A titre d’exemple, une toilette c’est 20 minutes, le repas c’est entre 7 et 10 minutes», confirme Sylvie Brun, aide-soignante à l’EMS de Vessy. «Il y a 14 résidents par étage et seulement deux employés pour les préparer le matin et leur donner à manger. Le soir, une seule personne doit les coucher en l’espace de 2 heures, je vous laisse imaginer comment ça se passe», explique, de son côté, Mohammed Kenzi, aide-soignant tout juste retraité de l’EMS Notre-Dame. Infirmier à l’EMS de Vessy, Thierry Daviaud abonde dans ce sens: «Il y a une pression sur la vitesse d’exécution, des amplitudes horaires qui atteignent 10 à 12 heures et parfois des semaines de 50 heures. Le sous-effectif chronique entraîne beaucoup de souffrance au sein du personnel. A Vessy, le taux d’absentéisme est en moyenne de 14% avec dans les soins des pics à 25%. On dénombre des personnes atteintes de troubles musculo–squelettiques, de burn-out et de cancer.» Et, comme le souligne Giulia Willig, le manque de moyens à disposition favorise le recours à la sous-traitance et au travail intérimaire. «Le problème touche l’ensemble des employés, le personnel hôtelier est ainsi appelé à être de plus en plus polyvalent.»
«On doit lâcher une main»
Pour Thierry Daviaud, c’est certain, «conditions de travail et qualité de vie des résidents sont liées de manière indissoluble». «Les résidents doivent s’adapter, c’est l’institution qui choisit à quelle heure ils se lèvent, mangent et se couchent, alors que ça devrait être le contraire. On a tendance à donner des médicaments, qui deviennent l’outil pour résoudre la demande de présence des résidents. Ce non-respect des rythmes et cette négligence d’attention constituent une forme de maltraitance», relève l’infirmier. «Souvent, on a des gens qui sont en train de mourir et on doit lâcher une main pour répondre à une sonnette», témoigne Mohammed Kenzi. «On aime notre travail et c’est frustrant de ne pas pouvoir le faire dans de bonnes conditions», soupire Sylvie Brun.
«Des déserts de solitude»
«Il en va de la qualité des soins offerts à la population», estime Giulia Willig. «En 2007, les Genevois avaient pourtant accepté à près de 60% l’initiative pour une meilleure prise en charge des personnes âgées en EMS, qui réclamait la totalité du personnel nécessaire. Plus de dix ans après, ce texte n’est toujours pas appliqué. 620 postes étaient nécessaires, selon les chiffres de 2007, l’Etat n’en a ouvert que 125 seulement», détaille la secrétaire syndicale. «On ne peut pas continuer comme ça, nous avons donc interpellé le conseiller d’Etat Mauro Poggia», ajoute Sabine Furrer, secrétaire syndicale du SSP. Surtout que, comme le pointe Thierry Daviaud, avec «Plaisir», «on est encore loin des besoins réels». «L’outil ne tient pas compte des aspects psychologiques. On passe ainsi beaucoup de temps à négocier avec les résidents et à les calmer.»
Alors que va s’ouvrir une nouvelle législature, les syndicats demandent aux politiques de prendre leurs responsabilités. «Avoir plus de personnel, c’est répondre à des besoins fondamentaux, conclut Thierry Daviaud. Les EMS sont des déserts de solitude, ils pourraient, au contraire, devenir des lieux de vie, en plaçant au centre des préoccupations le bien-être des résidents.»