«La droite va cibler les étrangers et les sans-papiers»
A la suite d’une multiplicité de contrôles d’identité de sans-papiers à Genève, le débat se politise
Début février, des associations de soutien aux sans-papiers ont dénoncé une recrudescence des contrôles d’identité et d’arrestations de personnes sans statut légal. Ces dernières se sont vu signifier, pour la plupart, une interdiction d’entrée sur le territoire.
Cette alerte a été relayée par Unia Genève, entre autres organisations (L’ES du 17 février), puis, fin février, par la Plateforme nationale des sans-papiers. Celle-ci fustige cette augmentation des contrôles d’identité par l’Administration fédérale des douanes (AFD) à Genève, accroissant encore la précarité des personnes sans statut légal: «Ces pratiques les découragent de se tourner vers les associations de soutien pour obtenir des conseils juridiques ou une aide alimentaire, voire de quitter leur domicile pour aller travailler ou chercher leurs enfants à l’école. Cela les pousse encore plus dans la clandestinité, les rendant d’autant plus vulnérables à toute forme d’abus de la part d’employeurs et de propriétaires peu scrupuleux, ou de personnes malintentionnées.»
Les autorités genevoises ne semblent pas avoir été consultées concernant ces contrôles, à en croire les propos du conseiller d’Etat Mauro Poggia, relayés par Le Courrier du 25 février. De son côté, l’AFD a démenti à plusieurs reprises dans les médias cibler les sans-papiers et explique l’augmentation de ses agents par la situation du Covid-19.
Un débat politique
Pour clarifier la situation, une question urgente a été déposée la semaine dernière au Grand Conseil genevois par le député socialiste Diego Esteban et deux interpellations ont été transmises au Conseil fédéral lors de la session parlementaire. Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale Verte, demande notamment: «Alors que les franchissements de frontière ont beaucoup diminué en raison de la crise sanitaire, pour quels motifs le Conseil fédéral intensifie-t-il les contrôles d’identité et de permis de séjour?»
Son homologue socialiste Christian Dandrès questionne, quant à lui, le Conseil fédéral sur les critères des contrôles menés par l’AFD hors espace frontalier. Et élargit le débat: «La révision de la Loi sur les douanes risque-t-elle d’impliquer un développement et une généralisation de ce type de pratiques sur l’ensemble du territoire national?»
Selon le conseiller national et avocat genevois, une mise au pas des cantons jugés trop humanistes par les autorités fédérales pourrait être ainsi à l’œuvre. «Genève a fait preuve d’une politique de tolérance avec comme point culminant les régularisations dans le cadre de Papyrus. Aujourd’hui, Berne pourrait vouloir lui serrer la vis. Le débat est politique et touche tout le territoire. Pour faire face à la crise économique liée au Covid-19, la droite va cibler les étrangers et les sans-papiers, dans sa ligne habituelle, en mystifiant la frontière pour écarter la question sociale.»