Chanteur, poète et musicien, Stéphane Blok s’épanouit avec bonheur dans la diversité des supports artistiques et des genres
C’est un homme-orchestre dans tous les sens du terme. Un touche-à-tout atypique aussi à l’aise avec les notes que les mots. Un griot qui unit sa voix aux accents de sa guitare baryton sans frettes – comprenez au manche lisse dépourvu de repères. Un féru de pop formé à l’Ecole de jazz et de musique actuelle de Lausanne, qui s’épanouit dans nombre de registres et au gré d’amitiés de longue date, de rencontres, d’opportunités, de commandes. Un artiste accompli, également (re)connu pour ses recueils de poésie, ses scénarios de films, ses nouvelles pour le théâtre ou encore la composition de livrets de chœurs. Ce large éventail d’activités, l’homme le déploie en Suisse mais aussi dans les pays francophones. Avec notamment à la clef plus d’une dizaine d’albums dont plusieurs récompensés, des publications aux Editions Campiche et des centaines de concerts. «J’aime la diversité», résume Stéphane Blok, qui considère son éclectisme comme naturel. «Tous ces modes d’expression servent à décliner mon propos, mon esthétique.» Une approche et un talent qui l’ont propulsé colibrettiste de la Fête des Vignerons 2019 ou rappeur mélancolique scandant, sur fond de musique ethno, ses Poèmes de la veille, sortis en vinyle l’an passé. Une prose nourrie à la source intarissable du quotidien, «bien plus impressionnant que l’imaginaire».
Sacrée responsabilité
Aujourd’hui, le Vaudois de 50 ans vient de terminer un texte relatant la Passion du Christ du point de vue de Marie et de Marie-Madeleine. Un mandat qualifié de passionnant en raison de l’originalité de l’angle choisi, concentré sur des regards féminins, et de son caractère. «C’est mon premier travail touchant au sacré. Une sacrée responsabilité. J’ai visité plusieurs édifices religieux, observé statues et tableaux. J’ai tenté dans mon domaine, avec mon savoir, de “refaire des vitraux”, d’y mettre la même lumière dans ma création», illustre Stéphane Blok, précisant que l’œuvre – qui sera chantée par une centaine de femmes – sera présentée durant la période pascale dans les cathédrales de Lausanne et de Genève, la basilique de Saint-Maurice et le Temple du Sentier. Dans un tout autre registre, l’artiste s’est fait le complice musical du rappeur Abstral compost. Ce dernier scande des articles remaniés du Père peinard, l’hebdomadaire anarchiste fondé à la fin du XIXe siècle par le syndicaliste révolutionnaire et antimilitariste Emile Pouget. Le duo travaille à la réalisation d’un album et à la tournée, ce printemps, de ce Récital de la Mistoufle. Une misère mâtinée de gouaille parisienne, source de critiques acerbes contre la bourgeoisie et les exploiteurs. La démarche n’est pas pour déplaire au libertaire Stéphane Blok, qui estime que rien n’a changé. «Ils espéraient à l’époque construire un monde plus juste. Même s’il y a eu des progrès, notre planète demeure toujours aussi inégalitaire avec ses poignées de milliardaires accaparant la majorité des richesses», constate le jeune quinquagénaire, qui utilise son pessimisme comme moteur. Qui continue à espérer «pour ne pas vivre en malheureux», même s’il pense que nous allons droit dans le mur. Et qui cultive une vision de tolérance et d’ouverture.
Créateur de cérémonies
«Je crois à l’horizontalité, à l’absence de suprématie d’une espèce sur une autre – nous sommes particulièrement invasifs. Je suis antipartis, anti-autoritariste et je n’aime pas la morale», confie celui qui a fait sienne la devise anarchiste «Ni Dieu, ni maître». L’homme exerce malgré tout son droit de vote... un peu à reculons toutefois. Et place au rang de ses valeurs cardinales le respect et la curiosité de l’autre, «celle que n’ont pas eu les Colons, celle des hommes pour les femmes, celle de l’intelligence...». Alors qu’il s’énerve face à la bêtise et les «clivants, les racistes, les ségrégationnistes de tous poils». Une attitude aussi forgée par son environnement: Stéphane Blok a grandi dans la région de Renens-Crissier accueillant une population multiculturelle. «La mixité, c’est mon identité.» Mais pas question pour autant de consacrer son travail à défendre une cause ou une autre. La création artistique est appréhendée comme une «manière d’être dans la vie». Comme une participation à la culture, «aussi inutile qu’essentielle». «Je ne suis pas un artisan, ne fabriquant rien, mais un artiste. Je fais du vent. Je crée des cérémonies pour les personnes et vise à une forme de catharsis proche du monde onirique auquel on n’accorde pas assez d’importance. Une démarche qui évoque l’invisible, l’univers des possibles», précise Stéphane Blok, séduit par la croyance animiste, mettant de l’âme dans les plantes, les cailloux, les éléments naturels... «L’humain aime penser qu’il se trouve au sommet de la pyramide. Non, il y participe au même titre que le reste de la nature.»
Magie de la scène
Si l’artiste rencontre la même facilité à jouer, écrire ou composer et ne connaît pas l’angoisse de la page blanche, il reste habité par le doute. «Il est tout le temps présent. Ceux qui ne doutent pas me terrorisent. Mais on ne peut gravir une montagne en cédant au vertige», note Stéphane Blok qui, parmi ses activités plurielles, apprécie par-dessus tout la scène. «C’est pour ça que j’ai choisi ce métier... Pour draguer les filles», rigole le sensible et sympathique artiste, cheveux bouclés et douceur dans le regard, cultivant volontiers l’humour. Plus sérieusement, ce père d’une petite fille de 6 ans, en couple, précise adorer ces rencontres avec le public, ces moments où voix, respiration se conjuguent et vibrent... «Je ne cherche pas la reconnaissance. Je ne l’attends pas. Je me contente d’agir. La reconnaissance est une conséquence.» Et le fruit de son talent et d’un travail soutenu. Une voie artistique que Stéphane Blok affirme avoir choisi «par défaut». «Aucune profession ne m’intéressait. J’étais seulement charmé par la vie de musicien.» Enchantement jamais rompu...