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«La pauvreté est un risque auquel le Jura doit remédier»

Les Jurassiens devront se prononcer le 10 juin sur l’initiative populaire cantonale «Prestations complémentaires pour les familles» et sur le contre-projet du Parlement. Enjeux

Déposée en avril 2016 dans le Jura, l’initiative pour des prestations complémentaires bénéficiant aux familles sera enfin soumise au vote populaire le 10 juin prochain, aux côtés du contre-projet proposé par le Parlement en novembre 2017. Les électeurs seront amenés à se prononcer sur les deux objets. Celui qui aura recueilli la majorité et le plus grand nombre de voix sortira vainqueur de la votation.

Soutenue activement par les syndicats, notamment Unia, l’initiative prévoit de donner un coup de pouce aux familles dont les revenus sont insuffisants pour subvenir aux besoins de l’ensemble de leurs membres. Les conditions finales seront à définir une fois l’initiative approuvée, mais si l’on se base sur les autres cantons où les Prestations complémentaires pour les familles (PCFam) existent (Vaud, Genève, Tessin, Soleure), ce sont environ 990 ménages jurassiens qui pourraient y prétendre, représentant 2870 personnes vivant dans la précarité, soit pas moins de 4% de la population, 12% des ménages ou encore 28% des familles monoparentales. Les montants mensuels alloués seraient de l’ordre de 800 à 1000 francs, pour un budget d’environ 5 millions de francs par an, soit 0,5% du budget cantonal. «L’idée est de rendre de la dignité à ces familles, explique Jean-Paul Miserez, responsable de la campagne pour l’initiative. Il ne s’agit pas de les assister mais d’instaurer une relation de confiance et de les encourager à gérer leur budget en toute autonomie.»

Les objectifs sont multiples. A l’image des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI qui ont fait leurs preuves, il s’agit avant tout d’abaisser le taux de pauvreté et d’améliorer la situation des familles à faible revenu. Il est aussi question de décharger l’aide sociale et d’alléger l’administration. En effet, un salaire insuffisant ne justifie pas, selon les initiants, d’ouvrir un lourd dossier d’aide sociale. Quant à un dossier PCFam, il demande trois fois moins de temps annuel qu’un dossier d’aide sociale. Dans le seul canton de Vaud, 1400 ménages sont sortis de l’aide sociale après leur introduction. Au Tessin, les PCFam ont permis de réduire de plus de 50% les prestations de l’aide sociale. «Les partisans du contre-projet disent que les frais d’administration engendrés par les PCFam vont s’élever à 600000 francs par an, mais si 300 familles sortent de l’aide sociale, le problème est résolu», rétablit Jean-Paul Miserez.

Contre-projet insuffisant

Le Parlement et le Gouvernement jurassiens ne nient pas l’existence des travailleurs pauvres et de la précarité, ils se disent d’ailleurs «conscients de l’importance de l’enjeu et de la nécessité d’agir rapidement». Cela dit, ils estiment que les moyens financiers de l’Etat ne permettent pas de mettre en œuvre un système de prestations complémentaires. C’est pourquoi ils opposent à l’initiative un contre-projet visant à renforcer le subside pour les primes d’assurance maladie des familles à bas revenu dont l’un des parents au moins exerce une activité lucrative. Selon ce modèle, ces familles pourraient bénéficier d’une aide supplémentaire allant de 225 francs par mois par personne pour un couple à 250 francs pour un parent seul. Cela coûterait environ 2,2 millions de francs par an et toucherait un peu plus de 600 familles représentant environ 2000 personnes.

«Il est évident qu’un canton doit gérer ses dépenses de près, admet l’ancien député jurassien. Quand des situations à risque se présentent, on prend des mesures. La pauvreté en est une pour l’avenir de notre canton, il faut donc y remédier.»

Pour les initiants, le contre-projet soutenu par le Gouvernement est lacunaire. «Ce renforcement des subsides ne concernera que les personnes dont le revenu fiscal est inférieur à 15000 francs, souligne Jean-Paul Miserez. De même, les familles monoparentales seront moins aidées que les couples alors que ce sont elles qui en ont le plus besoin. Enfin, les sommes seront directement versées aux assurances, qui auront encore moins de scrupules à augmenter des primes dont la prise en charge sera, au final, assurée par les deniers publics.»

Bien que le Parlement jurassien recense une majorité de droite, l’ancien élu du Parti chrétien-social indépendant (PCSI) se montre optimiste pour le 10 juin. «Je suis assez confiant pour cette votation.»

 

Est-ce vraiment à l’Etat de payer?

Le Parlement jurassien a décidé, en 2017, d’instaurer un salaire minimal cantonal à 20 francs de l’heure, censé garantir le minimum vital. Partant, certains posent la question de la légitimité de ces prestations complémentaires famille. «Le salaire minimal suffit à couvrir les besoins vitaux du travailleur, mais pas de sa famille, nuance Jean-Paul Miserez, en charge de la campagne. Bien sûr, l’existence d’un salaire minimal permettra de baisser le montant des PCFam, mais pas de tout couvrir…» Et ce dernier de lancer le débat. «Si les salaires ne permettent pas de vivre décemment, est-ce vraiment du ressort de l’Etat? Est-ce vraiment à la collectivité publique de combler des salaires trop bas?» Dans le canton de Vaud, pas question de décharger les patrons de cette responsabilité, les PCFam font l’objet d’un prélèvement paritaire (employé et employeur).  

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