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La succession ou l’angoisse des grands capitalistes français

Deux journalistes se sont plongées dans les coulisses et les secrets de famille des fortunés du pays. Aperçu d’une enquête emplie de révélations

Les grands capitalistes français n’ont pas de problèmes d’argent. En revanche, ils ont un souci, celui de la cohésion de leur famille, de leur clan et, bien sûr, de leur succession. C’est ce que démontrent deux journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider dans un ouvrage intitulé Successions. L’argent, le sang et les larmes*.

Cette enquête riche en révélations plonge dans les coulisses et les secrets de famille du capitalisme français. Elle raconte les privilèges, les haines, les trahisons et les mœurs particulières du grand patronat français. Nous avons retenu quatre des douze cas recensés.

Bolloré préfère sa belle-sœur

Propriétaire de Paris-Match, de chaînes de télé et de réseaux de transport, Vincent Bolloré a longtemps affiché une vision traditionnelle de la famille. Jusqu’au moment où il a quitté sa femme pour épouser la sœur de celle-ci. «Quitter sa femme pour sa belle-sœur, commentent les deux auteures, cela ne s’est jamais vu parmi ces grands bourgeois qui vont à la messe tous les dimanches.» Pour ressouder le clan, il a fait construire à Saint-Tropez une maison à chacun de ses quatre enfants, lesquels deviendront tous des salariés du groupe. Donc ses futurs dirigeants? Pas tout à fait, car le 17 février 2022, jour où il avait prévu de lâcher les rênes, il n’a rien remis du tout. Un de ses conseillers dira: «C’est une vaste blague! Jamais il ne cèdera la place, même à ses enfants.»

Bernard Arnault ne fait pas dans la dentelle

A la tête du groupe LVMH (dont font partie Hublot, Zénith et TAG Heuer), Bernard Arnault a commencé à régler sa succession à Noël 2017, lorsqu’il a donné à chacun de ses cinq enfants et à leurs deux cousins plus de 73 millions d’euros en actions. Agé aujourd’hui de 73 ans, Bernard Arnault a toutefois de la peine à passer la main, comme l’expliquent Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider: «Levé chaque matin à 6h30, Bernard Arnault, à la tête de sa fortune de 149 milliards d’euros, continue à regarder scrupuleusement tous les dossiers, à inspecter chaque magasin, à enchaîner les voyages en Asie, en Russie et aux Etats-Unis.»

Gallimard: Mitterrand doit intervenir

Gallimard fait partie des maisons d’édition les plus prestigieuses de France, voire du monde. Cela n’est pas pour autant un gage de sérénité. En 1991, au décès de Claude Gallimard, qui avait lui-même succédé à Gaston, ses fils Christian et Antoine (qui dirige aujourd’hui la maison) sont entrés dans un violent conflit. De sorte que certains auteurs craignaient de voir les éditions disparaître. Cette situation préoccupa jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, à tel point que François Mitterrand, féru de littérature, s’en mêla directement! Le président aida au montage d’un pacte qui interdisait notamment aux nouveaux actionnaires de se racheter mutuellement leurs parts.

On bosse et on vote Peugeot

L’histoire des Peugeot se distingue de celles des autres grandes familles parce qu’elle a façonné toute une région durant un siècle. Dans les années 1970, à Sochaux, 40000 ouvriers travaillaient pour «la Peuge», contre moins de 9000 aujourd’hui, On bossait Peugeot, on roulait Peugeot, on se distrayait Peugeot et le club de foot était financé par la famille. Et comme le soulignent les deux journalistes: «On votait Peugeot, aussi.» Il est vrai que le RPR Louis Souvet, sénateur et maire de Montbéliard, imprimait ses tracts dans les usines, où il tenait ses meetings! Cette époque est révolue, d’autant plus que les Peugeot ne détiennent que 7% de Stellantis, issu de la fusion en 2021 de Peugeot-Citroën et de Fiat Chrysler. Mondialisation oblige.

* Raphaëlle Bacqué, Vanessa Schneider, Successions. L’argent, le sang et les larmes, octobre 2022, Editions Albin Michel.


Pot-pourri politique

Quelques autres ouvrages à caractère politique, social et écologique parus en 2022 méritent aussi notre attention:

• Dans La vie large. Manifeste écosocialiste, publié par les Editions La Découverte, Paul Magnette, politologue et président du Parti socialiste belge, synthétise le combat contre les inégalités sociales et la lutte pour la justice climatique. Pour lui, il faut s’attaquer frontalement aux déséquilibres socioéconomiques et à l’hyperconcentration des richesses, qui sont «le moteur de la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de la perte de biodiversité». C’est à ce prix que les classes populaires embrasseront la cause climatique.

• Enquête politique et policière, Autopsie du cadavre paru chez Fayard, d’Olivier Pérou, journaliste à L’Express, raconte la campagne présidentielle du PS français en 2022 (1,7% des suffrages), ainsi que la chute tragique et la mort d’une force politique qui a donné deux présidents (Mitterrand et Hollande) à la Ve République. Un livre qui se termine par cette affirmation aussi terrible que juste: «L’assassin du Parti socialiste s’appelle François Hollande.» En raison bien sûr d’une politique opposée aux aspirations des classes populaires.

• Enfin, dans Voyage au bout de la gauche sorti aux Editions Stock, Laurent Telo retrace les guerres fratricides de la gauche française, puis la création de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes). On y apprend que la Nupes n’est pas sortie de la tête de Jean-Luc Mélenchon, mais que l’idée originelle est née au bord du lac Titicaca, en Amérique du Sud, où séjournait Bruno Bernard, un Vert unitaire, par ailleurs président de la métropole de Lyon.

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