L’activiste pour le climat a été acquitté
La justice genevoise a reconnu l’état de nécessité poussant Nicolas à participer à l’action «mains rouges» contre Credit Suisse. Le jeune et son avocate se sentent soulagés et enfin écoutés
Le 12 octobre 2020 sera un jour à marquer d’une pierre blanche pour les militants de la cause climatique. Alors qu’il avait été condamné en début d’année pour dommages à la propriété lors de l’action «mains rouges» visant à dénoncer les investissements de Credit Suisse dans les énergies fossiles, Nicolas, cet activiste de 23 ans membre du collectif Breakfree, a été blanchi par la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève. Une décision historique. Pour rappel, il avait été condamné en première instance à une peine de 10 jours-amende à 30 francs avec sursis ainsi qu’au paiement des frais de procédure, pour un montant d’environ 1600 francs. Il devait en outre régler la facture correspondant aux frais de nettoyage et de changement de plaques de la banque, à savoir 2252,03 francs.
Réputation entachée
La présidente du tribunal, Gaëlle Van Hove, a rappelé que le réchauffement climatique était non pas une théorie mais une «réalité factuelle» qui menaçait notamment la vie, l’intégrité corporelle et la biodiversité. Partant, elle a reconnu dans son jugement «l’état de nécessité putatif» ayant motivé le jeune homme à apposer des mains rouges à l’aide de peinture lavable sur la façade de la banque à l’occasion de la première Grève pour le climat en octobre 2018.
La juge a rappelé que Nicolas a reconnu son geste, ne se soustrayant pas à sa responsabilité, et qu’il n’avait pas agi dans le but de détruire. Comme il l’a plusieurs fois répété devant la Cour, son but et celui de ses camarades ce jour-là était de nuire à la réputation de Credit Suisse, cette dernière n’ayant jamais répondu aux sollicitations de Breakfree depuis 2016. Et la juge de rappeler que Nicolas n’ayant pas de fortune, il ne pouvait pas agir en tant que client ou actionnaire.
Pour la magistrate, cette action, à l’image de la partie de tennis jouée dans les locaux de Credit Suisse à Lausanne, aura sans doute permis de faire bouger les choses, à en croire la banque qui, depuis 2019, a stoppé ses investissements dans les centrales à charbon…
Soulagement
Gaëlle Van Hove a toutefois prévenu Nicolas: «Ce verdict ne constitue pas un blanc-seing pour commettre d’autres dommages. Il ne doit pas non plus être source de réjouissance, car il est le constat d’un échec collectif et imminent qui ne devrait réjouir personne.»
Soulagés, le militant et son avocate Laïla Batou ont réagi devant les médias. «Tout d’un coup, on semble écouter la jeunesse qui se bat pour l’avenir et l’écologie», remarque Nicolas, ajoutant que «la justice reconnaît que les manifestations et les pétitions ne suffisent pas contre les géants financiers et qu’il faut, malheureusement, aller plus loin».
«Le troisième pouvoir commence à prendre ses responsabilités», a commenté son avocate au micro de la RTS, qui salue la cour d’appel d’avoir instruit la cause de fond en comble, en examinant méticuleusement toutes les pièces fournies. «C’est peut-être le premier pas vers une réponse collective politique d’envergure au réchauffement climatique.»
Justice courageuse
Du côté du collectif Breakfree, la joie est au rendez-vous. «Nous sommes ravis, réagit Olivier de Marcellus. Un petit peu surpris aussi, car les choses étaient très mal parties avec la première juge. Pour nous, c’est un signe que nos efforts commencent à payer et que la justice commence à se montrer critique envers l’exécutif sur ces questions, tout comme la presse d’ailleurs. La juge Van Hove s’est montrée courageuse et a admis presque tous les arguments développés par notre avocate. On a l’impression d’avancer grâce à ce verdict.»
A l’issue de l’audience, la procureure n’a pas souhaité réagir. Credit Suisse a, de son côté, informé avoir pris note du verdict qui sera analysé. Le Ministère public et Credit Suisse ont trente jours pour déposer un recours auprès du Tribunal fédéral.
«C’est très probable qu’un recours soit déposé, pense Olivier de Marcellus. On sera au rendez-vous, jusqu’à Strasbourg s’il le faut, car c’est une cause qui en vaut la peine.»