Cent cinquante travailleurs du transport aérien et de l’assistance au sol ont défilé vendredi passé à l’aéroport de Genève, soutenus par leurs syndicats, pour défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs conditions de travail. Simultanément, quelque 1500 salariés étaient rassemblés à Zurich-Kloten
Plus de 150 travailleurs du transport aérien et de l’assistance au sol ont manifesté vendredi dernier à l’aéroport de Genève-Cointrin, alors que 1500 salariés, selon les syndicats, se rassemblaient simultanément sur le site de Zurich-Kloten. Ils dénoncent des réductions de salaires, des dégradations des conditions de travail et des licenciements. «Pas contents, pas contents!» ont scandé à Genève les manifestants, en défilant du terminal du fret à la zone des départs à l’appel des syndicats SEV, SSP et Unia. Des mesures pour réduire les coûts de personnel sont en effet en cours dans des sociétés comme Air France-KLM, Canonica, Dnata, Gate Gourmet, ISS, Newrest ou Swissport.
Unia a ainsi été mandaté par le personnel de Newrest. Le syndicat dénonce dans cette entreprise de restauration des licenciements perlés visant à économiser une procédure pour licenciement collectif. «Nous avons été virés sans aucune indemnité, alors que certains travaillent là depuis trente ans», témoigne Olivier*, un cuisinier, qui, comme une trentaine de ses collègues, a perdu de cette façon son emploi. Seuls deux licenciés auraient pour l’heure retrouvé un travail. «En tout, nous demandons 155000 francs d’indemnités. Ce n’est rien du tout pour un groupe qui pèse près de 3,5 milliards, qui a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 13 millions à l’aéroport et un bénéfice de 800000 francs d’après un membre de la direction de Newrest Suisse.» Secrétaire syndicale d’Unia Genève, Camila Aros appelle la direction de Cointrin à prendre ses responsabilités: «S’il ne pouvait pas empêcher les licenciements, le directeur général de Genève Aéroport nous avait assurés que ceux-ci respecteraient la législation en vigueur. La balle est maintenant dans son camp.» Dans un courrier que nous avons consulté, le service juridique de l’Office cantonal de l’emploi a d’ailleurs reconnu que ces licenciements, répartis sur cinq mois, violaient plusieurs dispositions légales.
L’aide sociale, pas le choix
Autre cas de figure avec Kevin*. Cet agent de terminal travaillait pour Academic Work jusqu’à ce qu’ISS lui prenne sa concession le 1er septembre. «Depuis lors, nous n’avons plus de RHT, ils nous ont refait nos contrats et ne nous garantissent plus que 40 heures de travail par mois – j’en faisais personnellement 80 à 100 auparavant. En plus, l’ancienneté est supprimée, nous nous retrouvons en période d’essai, nous perdons l’indemnité pour les jours fériés et nous ne pouvons plus échanger entre collègues nos périodes de travail. Cette baisse brutale nous met tous dans une situation compliquée. Du coup, nous devons demander de l’aide sociale, on n’a pas le choix. J’ai commencé à chercher un autre emploi, mais il n’y a rien.»
Depuis mars, nombreux sont les travailleurs de Cointrin à traverser une passe difficile. «J’ai été en RHT à 100% durant trois mois et demi, ma perte de salaire atteignait 800 à 1000 francs mensuels. Beaucoup de personnes sont allées au social ou ont demandé des prêts à l’entreprise», témoigne Cristina, employée de Swissport. «Certains salariés ont dû aller chercher des sacs de commissions aux Vernets, c’est inacceptable», relève Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical du SSP Trafic aérien.
Et ce n’est pas terminé. Des réductions de coûts sont projetées dans plusieurs sociétés. Chez Gate Gourmet, 66 postes à Cointrin et 300 à Kloten sont dans le collimateur. «Alors que des bénéfices de 440 millions ont été annoncés en 2019. C’est honteux. C’est de l’abus», juge Edith, qui prépare les plateaux-repas depuis 42 ans et se lève chaque matin à cette fin entre 3h et 4h. Du côté de Swissport, ce ne sont pas moins que 20% à 25% d’économies sur le dos du personnel qui sont visées. «Dnata n’a plus de convention collective, ce qui met la pression sur Swissport, mais la problématique est systémique. Dans l’idée de développer l’aéroport et d’augmenter le nombre de passagers, les autorités ont laissé prospérer depuis des années la loi de la jungle et les compagnies se livrer une concurrence féroce. Pour l’emploi local, c’est juste une catastrophe», analyse Sébastien, coordinateur d’escale chez Swissport.
«Nous appelons à la résistance», lance au micro Jamshid Pouranpir devant le grand hall des départs. Kevin explique à l’assistance comment en mars le personnel d’Academic Work a réussi à réintégrer les temporaires congédiés un mois avant la fin de leur mandat. «Nous avons obtenu cette réembauche parce que nous sommes syndiqués. Il faut dire aux collègues qu’en étant unis et soudés, on arrive à obtenir des choses», plaide ce syndiqué Unia. Et un employé de Dnata de conclure: «Le combat que nous menons n’est pas seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants, qui sont appelés un jour à travailler. Les acquis dont nous bénéficions aujourd’hui ont été obtenus par nos prédécesseurs. Mobilisons-nous autour des syndicats et menons ce combat jusqu’au bout.»
*Prénoms d’emprunt.