Le chantier Serono bloqué suite à trop d'abus
Mardi 14 novembre 2006
Quelque 150 infractions ont été dénombrées cette année sur le chantier genevois
En pointant du doigt la construction du nouveau bâtiment de Serono, à Sécheron (Genève), Unia dénonce les possibilités de détournement des conventions collectives «offertes» par la Loi sur la libre circulation des personnes. Suite aux infractions répétées, le syndicat a invité les travailleurs, vendredi dernier, à se regrouper une demi-heure avant la pause de midi. Tous ont suivi.
Serono se targue d'un développement durable, mais le volet social indissociable d'un tel développement n'est pas toujours pris en compte par les entreprises qui construisent son nouveau site dans le quartier de Sécheron, à Genève. Si le futur bâtiment doit ménager l'environnement (avec l'objectif affiché d'utiliser 70% d'énergies renouvelables, par exemple), «la réalisation du projet ne s'embarrasse pas du respect des conditions de travail des ouvriers du bâtiment, constate Unia. Chaque visite des contrôleurs de chantiers ou des syndicalistes amène son lot de constats d'infractions.»
7 euros de l'heure
Le total des manquements relevés (gros œuvre, second œuvre et métallurgie du bâtiment confondus) atteint 150 cas depuis le début de l'année, à tel point que «les contrôleurs ne sont jamais repartis les mains vides», souligne Murad Akincilar, secrétaire syndical. Des défauts d'annonce de travailleurs détachés, du travail au noir, des dépassements des horaires conventionnels et enfin des salaires de 7 euros de l'heure ont été constatés, alors que le salaire minimum d'un manœuvre du second œuvre est de 24,90 francs de l'heure à Genève. Pour le syndicat, c'est le Far-West. Unia a donc organisé, vendredi dernier, une opération préparée comme s'ils partaient prendre Fort Alamo.
Les secrétaires syndicaux de Genève, rejoints par des collègues de Nyon et Lausanne ainsi que par des militants, se sont en effet retrouvés à 9h30 dans les locaux du syndicat. Projetée à l'écran, une carte, commentée par Murad Akincilar, qui a repéré les lieux. Les agents de sécurité qui «protègent» le chantier inquiètent les syndicalistes, mais pas longtemps. Forts de leur bon droit d'aller à la rencontre de leurs membres, ils se partagent vite les lieux pour toucher tout le monde en très peu de temps.
Renseignez-vous!
Arrivés sur place à 11h, plus de vingt syndicalistes entrent sur le chantier, comme dans un moulin. Dans l'immeuble bientôt terminé, l'accueil est excellent: «On arrête le travail et on se retrouve devant le chantier à 11h30? D'accord!» Quelques chefs s'offusquent, se précipitent sur leur téléphone pour informer leur supérieur, invoquent des délais à respecter pour la fin des travaux. D'autres comprennent la démarche, tout comme certains patrons genevois soutiendraient la position syndicale, selon Unia, puisqu'ils sont directement soumis à la concurrence déloyale qui résulte du dumping. A 11h30, près de 200 ouvriers se retrouvent à l'entrée du chantier pour recevoir une information sur leurs droits. Certains se renseignent sur l'existence de minima salariaux et d'une réglementation stricte, notamment en matière d'heures supplémentaires. Chacun est invité à faire contrôler sa fiche de salaire, en passant au syndicat. Plus personne ne travaillera jusqu'à l'après-midi.
Laurent Sommer
Les sous-traitants bouffent les marges
Les ouvriers sont au bout d'une chaîne où chaque intermédiaire se sucre
Je te mandate, tu le mandates, ils se mandatent. La sous-traitance peut coûter cher... à l'ouvrier. En août dernier, deux travailleurs ont indiqué être employés par la société Strähle Raum System AG, pour 8,50 euros de l'heure, plus un forfait de 30 euros par jour. La société, dont le siège se trouve en Allemagne, est mandatée par la société Reissberger pour poser des cloisons vitrées. Mais Strähle sous-traite également à la société autrichienne Bemo. Les ouvriers de cette dernière toucheraient 8,40 euros de l'heure. Ils ont pour instruction d'indiquer un salaire de 17 euros de l'heure.
Unia dénonce l'absurdité de cette sous-traitance en cascade, quand les patrons genevois refusent des augmentations de salaires, sous prétexte que les marges bénéficiaires sont limitées. Pour Unia, une seule explication à la «fonte» des marges, alors que les carnets de commande sont pleins: la sous-traitance, qui «institue la sous-enchère salariale en modèle de gestion».
Retards stressants
Face à ce phénomène, Franco Scolari, responsable du second œuvre à Unia Genève, regrette le caractère trop peu dissuasif des amendes, de 500 à quelques milliers de francs. Elles ne font pas le poids, quand pour le retard d'un chantier comme celui-ci, «les pénalités se chiffrent en millions», précise Jean-Paul Dubrulle, ingénieur responsable de la sécurité sur le chantier.
A Sécheron, les travaux devraient déjà être terminés. Le 20 novembre, les premiers collaborateurs de Serono doivent emménager sur le site. A la fin de l'année, ils devraient être un millier. Pour assumer un tel agenda, tout le monde fait pression sur son subalterne. A la fin, on retrouve l'ouvrier qui travaille jusqu'à 60 heures par semaine, sans qu'aucun dérogation n'ait été demandée.
LS
Serono se targue d'un développement durable, mais le volet social indissociable d'un tel développement n'est pas toujours pris en compte par les entreprises qui construisent son nouveau site dans le quartier de Sécheron, à Genève. Si le futur bâtiment doit ménager l'environnement (avec l'objectif affiché d'utiliser 70% d'énergies renouvelables, par exemple), «la réalisation du projet ne s'embarrasse pas du respect des conditions de travail des ouvriers du bâtiment, constate Unia. Chaque visite des contrôleurs de chantiers ou des syndicalistes amène son lot de constats d'infractions.»
7 euros de l'heure
Le total des manquements relevés (gros œuvre, second œuvre et métallurgie du bâtiment confondus) atteint 150 cas depuis le début de l'année, à tel point que «les contrôleurs ne sont jamais repartis les mains vides», souligne Murad Akincilar, secrétaire syndical. Des défauts d'annonce de travailleurs détachés, du travail au noir, des dépassements des horaires conventionnels et enfin des salaires de 7 euros de l'heure ont été constatés, alors que le salaire minimum d'un manœuvre du second œuvre est de 24,90 francs de l'heure à Genève. Pour le syndicat, c'est le Far-West. Unia a donc organisé, vendredi dernier, une opération préparée comme s'ils partaient prendre Fort Alamo.
Les secrétaires syndicaux de Genève, rejoints par des collègues de Nyon et Lausanne ainsi que par des militants, se sont en effet retrouvés à 9h30 dans les locaux du syndicat. Projetée à l'écran, une carte, commentée par Murad Akincilar, qui a repéré les lieux. Les agents de sécurité qui «protègent» le chantier inquiètent les syndicalistes, mais pas longtemps. Forts de leur bon droit d'aller à la rencontre de leurs membres, ils se partagent vite les lieux pour toucher tout le monde en très peu de temps.
Renseignez-vous!
Arrivés sur place à 11h, plus de vingt syndicalistes entrent sur le chantier, comme dans un moulin. Dans l'immeuble bientôt terminé, l'accueil est excellent: «On arrête le travail et on se retrouve devant le chantier à 11h30? D'accord!» Quelques chefs s'offusquent, se précipitent sur leur téléphone pour informer leur supérieur, invoquent des délais à respecter pour la fin des travaux. D'autres comprennent la démarche, tout comme certains patrons genevois soutiendraient la position syndicale, selon Unia, puisqu'ils sont directement soumis à la concurrence déloyale qui résulte du dumping. A 11h30, près de 200 ouvriers se retrouvent à l'entrée du chantier pour recevoir une information sur leurs droits. Certains se renseignent sur l'existence de minima salariaux et d'une réglementation stricte, notamment en matière d'heures supplémentaires. Chacun est invité à faire contrôler sa fiche de salaire, en passant au syndicat. Plus personne ne travaillera jusqu'à l'après-midi.
Laurent Sommer
Les sous-traitants bouffent les marges
Les ouvriers sont au bout d'une chaîne où chaque intermédiaire se sucre
Je te mandate, tu le mandates, ils se mandatent. La sous-traitance peut coûter cher... à l'ouvrier. En août dernier, deux travailleurs ont indiqué être employés par la société Strähle Raum System AG, pour 8,50 euros de l'heure, plus un forfait de 30 euros par jour. La société, dont le siège se trouve en Allemagne, est mandatée par la société Reissberger pour poser des cloisons vitrées. Mais Strähle sous-traite également à la société autrichienne Bemo. Les ouvriers de cette dernière toucheraient 8,40 euros de l'heure. Ils ont pour instruction d'indiquer un salaire de 17 euros de l'heure.
Unia dénonce l'absurdité de cette sous-traitance en cascade, quand les patrons genevois refusent des augmentations de salaires, sous prétexte que les marges bénéficiaires sont limitées. Pour Unia, une seule explication à la «fonte» des marges, alors que les carnets de commande sont pleins: la sous-traitance, qui «institue la sous-enchère salariale en modèle de gestion».
Retards stressants
Face à ce phénomène, Franco Scolari, responsable du second œuvre à Unia Genève, regrette le caractère trop peu dissuasif des amendes, de 500 à quelques milliers de francs. Elles ne font pas le poids, quand pour le retard d'un chantier comme celui-ci, «les pénalités se chiffrent en millions», précise Jean-Paul Dubrulle, ingénieur responsable de la sécurité sur le chantier.
A Sécheron, les travaux devraient déjà être terminés. Le 20 novembre, les premiers collaborateurs de Serono doivent emménager sur le site. A la fin de l'année, ils devraient être un millier. Pour assumer un tel agenda, tout le monde fait pression sur son subalterne. A la fin, on retrouve l'ouvrier qui travaille jusqu'à 60 heures par semaine, sans qu'aucun dérogation n'ait été demandée.
LS