*Les aurores boréales et australes, Editions de l’Escargot Savant, en librairie.
«Les aurores boréales: l’histoire de ma vie»
Chasseur d’aurores boréales, le Lausannois d’adoption Christophe Pérez a écrit un livre sur ce phénomène. Une passion aujourd’hui mise à mal par son engagement pour le climat
Tout commence par la découverte de photos d’aurores boréales prises par un ami rentré d’Alaska. Sous le charme, Christophe Pérez décide, en 1998, de partir en Finlande avec l’espoir d’assister, lui aussi, à ce phénomène. Ce physicien de formation, qui a toujours été attiré par le Nord, connaît déjà ce pays et se rapproche le plus possible du cercle polaire. La chance l’accompagne. Le spectacle est au rendez-vous même s’il ramènera de cette aventure des images illisibles. «Complètement ratées. Elles étaient toutes noires. Un problème de réglages. Je ne disposais pas des bonnes informations techniques. Mais j’avais une conviction: je retournerai», se souvient Christophe Pérez qui, depuis, multipliera les séjours dans ces étonnantes contrées. Et sans répéter les erreurs fatales des premiers clichés. «Les aurores boréales, c’est l’histoire de ma vie», affirme ce Lausannois d’adoption, originaire de France, qui, depuis, a effectué une bonne trentaine de voyages dans le but d’en observer. Des virées menées seul, avec ses proches ou dans un cadre professionnel. Devenu spécialiste en la matière et auteur d’un livre sur le sujet*, le passionné accompagne en effet une fois par an des groupes en Laponie finlandaise pour traquer cette curiosité de la nature «d’une beauté extraordinaire».
De l’émotion pure
«C’est comme une draperie colorée qui reluit dans le ciel, se développe, évolue. La voûte céleste s’embrase.... Puis des flammes de lumière rose se déploient, se meuvent très vite sur une toile verte, couleur dominante. Parfois le spectacle dure cinq minutes, d’autres fois jusqu’à quatre heures. Grandiose. De l’émotion pure. Et aussi une peur ancestrale qui se réveille.» Les «feux du renard», nom que donnent les Finlandais aux aurores polaires, ont inspiré nombre de mythes et de légendes. «C’est en balayant la neige avec sa queue que l’animal projette dans l’air des cristaux de glace qui scintillent, selon le peuple Sami. Le renard, trait d’union entre la nature et l’humanité, délivre un message. Nous devons prendre soin de notre habitat», affirme encore le guide et conférencier de bientôt 50 ans qui intègre aussi, dans ses exposés aux touristes, des informations sur les autochtones. «Je leur parle de la culture très vivante des Samis et de leurs traditions mais aussi des menaces qui pèsent sur leur survie en raison du changement climatique.» Et l’homme, en première ligne, d’illustrer ces propos: «Au début de mes escapades, je partais en février, il faisait alors entre moins 30 ou 40 degrés. Aujourd’hui, à cette époque, il peut pleuvoir, le thermomètre monte jusqu’à 5 degrés.» Ses observations et sa sensibilité à la question environnementale le poussent à mettre un terme à ses voyages devenus incompatibles avec son engagement militant.
Réaction disproportionnée
«J’envisage d’accompagner encore un groupe l’an prochain puis d’arrêter. C’est une décision difficile, car on ne se lasse jamais des aurores boréales. Et que s’extasier fait du bien au moral. Mais comment continuer dans ce contexte?» interroge celui qui, depuis quelque temps, a rejoint le mouvement pacifique Extinction Rebellion. Et a pris part à la dernière manifestation non autorisée du groupe à Lausanne, le 25 juillet dernier. «La police est intervenue pour troubles à l’ordre public. Des personnes ont été arrêtées, amendées, soumises à des fouilles corporelles. Une réaction totalement disproportionnée, d’une grande injustice», s’insurge le militant rappelant que des milliers de scientifiques ont demandé l’an dernier d’instaurer l’état d’urgence climatique. «Nous ne pourrons plus conserver notre mode de vie actuelle. Mais je reste optimiste. Des solutions existent. Aux élus de prendre leurs responsabilités. Et à chacun de nous d’amener sa pierre», réclame l’activiste qui, après une adolescence militante de «punk gothique», s’est formé au département universitaire de technologie en mesures physiques à Reims. «Je voulais devenir laborant. Moins par vocation que parce qu’il y avait alors du travail dans ce secteur. C’était un peu la filière des indécis», explique Christophe Pérez qui sera employé près de douze ans comme médiateur scientifique au Palais de la découverte à Paris avant de gagner la Suisse, en 2008.
Rebellez-vous!
«La raison? Je suis tombé amoureux d’une Lausannoise, maman d’une fillette de 8 ans.» De ce «coup de foudre» naîtra un garçon aujourd’hui âgé de 9 ans. Installé dans la capitale vaudoise, Christophe Pérez décroche un contrat à durée déterminée à l’EPFL qui se termine en 2013. Depuis, il forme des enseignants à l’usage de kits pédagogiques scientifiques et anime également un atelier dans une école privée. «La curiosité, l’enthousiasme des élèves agit comme un moteur. Ils posent énormément de questions. Ressourçant», note le professeur dont les deux activités et parfois d’autres mandats ponctuels représentent un temps partiel. «Cette situation ne serait pas viable sans le salaire de ma compagne. Mais c’est notre choix de vie, pour passer davantage de temps avec mes enfants.» Une famille qui s’est aussi laissé contaminer par son amour des aurores boréales... et des virées désormais compromises, titillant par trop leur conscience écologiste. «Il faudrait par exemple une mesure politique exigeant des employeurs qu’ils prennent en compte la problématique climatique et donnent plus de jours de congé. Nous pourrions ainsi voyager de manière durable», rêve Christophe Pérez qui, estimant que la Terre appartient à tous, voudrait aussi voir les frontières abolies. Questionné sur le mot de la fin, le militant lancera un: «Rebellez-vous. Pacifiquement. Nous pouvons changer la société.» Du travail en perspective avant l’hypothétique aurore d’un nouveau monde...