Les conventions collectives, ultimes garde-fous
Un récent rapport de l’Organisation internationale du travail souligne l’importance des CCT pour lutter contre les inégalités, spécialement en temps de pandémie
La pandémie a exacerbé les inégalités. Le chômage mondial devrait toucher 207 millions de personnes en 2022 contre 186 millions en 2019, selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT). Toutefois, sans les conventions collectives de travail (CCT), la situation serait bien pire à en croire les conclusions du Rapport sur le dialogue social 2022: la négociation collective pour une reprise inclusive, durable et résiliente de l’OIT. Cette dernière souligne l’importance des conventions collectives pour lutter contre les disparités, que ce soit dans une entreprise, un secteur ou entre les femmes et les hommes. Plus la couverture des employés par les CCT est élevée, plus les différences de salaires sont faibles. Cette étude se fonde sur un examen des conventions et sur les cadres juridiques et réglementaires d’une centaine de pays aux situations très diverses. Pour ne signaler qu’un exemple: moins de 1% des travailleurs et des travailleuses à Oman sont syndiqués contre 91% en Islande. A noter aussi qu’en Suisse, le taux de syndicalisation est de 18%, 34% en Italie, 9% en France...
Rôle prépondérant des syndicats
Selon l’OIT, «la négociation collective a joué un rôle important dans l’atténuation de l’impact de la crise Covid-19 sur l’emploi et les revenus». Les syndicats qui, en plus de négocier des salaires équitables et des conditions de travail décentes, ont eu un rôle essentiel «dans leurs fonctions de représentation, d’encadrement et de plaidoyer» dans la gestion de la pandémie. Cette crise sanitaire a, toujours selon le rapport, changé les priorités lors des négociations syndicales. La sécurité, la santé, la flexibilité du temps de travail et les aménagements permettant de concilier vie professionnelle et vie de famille, le télétravail, ainsi que la sécurité de l’emploi sont devenus des axes plus importants.
L’OIT indique également le rôle prépondérant, à l’avenir, des CCT pour faire face aux bouleversements des modalités de travail (temporaire, temps partiel, sur appel, plateforme, télétravail…). Elle s’inquiète des effets disproportionnés de la crise dans les secteurs féminins et de la charge accrue du travail de soin non rémunéré qui repose sur les femmes. Deux facteurs qui «menacent d’inverser les progrès récents vers l’égalité des sexes». Reste que, pour la première fois, au niveau international, «le taux de syndicalisation des femmes est supérieur à celui des hommes».
Plus de 251 millions de personnes sont syndiquées dans le monde, ce qui représente une augmentation de 3,6% au cours des dix dernières années. Une hausse attribuable aux indépendants, «notamment les ramasseurs de déchets, les traducteurs, les journalistes, les acteurs, les musiciens, les interprètes». Car le nombre de salariés affiliés à un syndicat, lui, stagne, voire diminue en pourcentage.
Preuve pour l’OIT que «les syndicats doivent renforcer leur capacité à analyser et à comprendre les mutations en cours dans le monde du travail. Ils doivent également être en mesure d’influencer les politiques économiques, sociales et de développement durable, de consolider leurs propres processus institutionnels et organisationnels et de s’engager dans des stratégies innovantes.»