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L’humour comme arme militante

Portrait d'Olivier de Marcellus dans sa cuisine.
© Thierry Porchet

Pour Olivier de Marcellus, l’activisme donne un sens à la vie.

Après plus de 42 ans d’activisme, Olivier de Marcellus continue de s’engager dans des actions de désobéissance civile pour le climat

L’altermondialiste est connu comme le loup blanc à Genève. Du moins dans les sphères de gauche, mais aussi depuis quelques années dans les banques. Cofondateur du collectif Breakfree Suisse, Olivier de Marcellus, du haut de ses 78 ans, multiplie les actions pour dénoncer les investissements climaticides. Il a notamment participé à une partie de tennis parodique dans les locaux de Credit Suisse à Genève en 2018 (qui au contraire de l’action simultanée à Lausanne n’a pas écopé de sanctions). Il a été aussi l’une des personnes à avoir distribué dans les rues de la Cité de Calvin des «bons pour changer de planète» déguisé en Père Noël, ou encore à déverser du charbon devant l’ambassade d’Allemagne pour protester contre la destruction d’une forêt. A la suite de la première action, il a été blanchi. Lors de la deuxième, il a fait appel de sa condamnation. «Si nécessaire, nous irons jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme plaider l’état de nécessité. Je pense qu’elle nous donnera raison», souligne-t-il confiant.

Ses coups d’éclat ne datent pas d’hier. Déjà en 1997, Olivier de Marcellus participait avec l’une de ses deux filles et d’autres jeunes du groupe Néo-libération à une action improbable à feu la Bourse de Genève en soutien à la rébellion zapatiste. «Nous voulions accrocher des abats dans la salle comme métaphore des crimes de la finance. Finalement cela a dégénéré en une bagarre rocambolesque avec deux Securitas. Je me souviens de cet agent qui brandissait un os de vache!» raconte-t-il en riant. Dans sa vieille cuisine, le décor paraît tout aussi surréaliste: baignoire, autocollants et affiches de luttes sociales et écologiques sur le frigo et les murs, sans compter quelques jouets pour ses petits-enfants…

Enfance américaine

Olivier de Marcellus revient de loin. Né d’un père français plutôt de droite et d’une mère anglaise expatriés aux Etats-Unis, il grandit en Floride. «Je ne recommande ce lieu à personne, dit-il narquois. J’avais tous les privilèges conférés au mâle blanc, occidental et bourgeois. Heureusement, j’ai toutefois fait l’expérience de la discrimination à l’école. J’étais l’étranger… à cause de mon accent anglais!»

Durant la guerre du Vietnam, et alors que le président Johnson décide d’enrôler massivement, Olivier décide de quitter le pays. A 23 ans, il est hors de question pour lui de participer à ce conflit. Son père lui propose d’aller étudier en Europe. Ayant lu quelques livres de Piaget, le jeune homme choisit la Faculté de psychologie de Genève. Quelques années plus tard, Mai 68 change sa vie et le politise à jamais. «A l’époque, les pavés volaient et les gens se tapaient dessus gaiement. Pour ma part, j’ai toujours été trop pacifique, ou peut-être pas assez courageux, pour me battre avec quelqu’un, même un flic. En 1977, à Malville, nous étions plus de 80000 manifestants, dont 2000 de Genève, pour protester contre le projet de centrale nucléaire Superphénix.» Ensuite, quand les mobilisations de masse ont été réprimées, les antinucléaires se sont mis aux sabotages. Mais personne ne nous traitait de terroristes.»

A l’époque, il travaille quelques mois par année, notamment sur des chantiers, pour pouvoir militer le reste du temps. «On vivait avec pas grand-chose, et le chômage n’était pas une menace.»

Dans les années 1990, Olivier de Marcellus participe à la première Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme, organisée par les zapatistes au Mexique, puis dans l’Action mondiale des peuples qui en découlera. Il voyage en Amérique latine et en Inde, son pays de cœur.

Le pouvoir au peuple

Franco-américain, la nationalité suisse lui a été refusée à plusieurs reprises. «Ils ont toujours douté de mon respect pour les institutions suisses. La première fois, c’était en sortant de trois mois de prison, en 1995, inculpé sans preuve dans l’histoire du lance-roquette ayant tiré sur le chantier de Malville.» S’ensuit son implication dans la manifestation contre le G8 en 2003, puis un sit-in devant la centrale de Mühleberg. «La décision tombait toujours à un moment où j’étais en procès! La dernière fois, les policiers bernois m’ont demandé: “Vous ne trouvez pas que c’est contradictoire de vouloir devenir Suisse tout en désobéissant aux lois?” Je leur ai répondu que cela montrait justement mon engagement pour ce pays.» Son militantisme ne l’a d’ailleurs pas empêché de travailler de nombreuses années comme psychologue pour le Département de l’instruction publique à Genève.

Chantre de la désobéissance civile non violente, Olivier de Marcellus n’a jamais été membre d’un parti, jusqu’à peu. Il vient de rejoindre Solidarités après le départ d’une partie de ses membres. «Je veux donner un petit coup de pouce. Mais, en définitive, c’est l’opinion publique qui fait évoluer la société. D’où l’importance de convaincre par des actions qui sensibilisent, en utilisant des modes différents. L’humour, par exemple, est une arme incroyable. Depuis 15 ans, au moment où je suis devenu grand-père, j’ai focalisé mon engagement sur le climat. Nous sommes vraiment à un moment charnière, et nous n’allons pas du tout assez vite pour éviter des catastrophes.» Mais Olivier de Marcellus ne perd pas espoir et invite déjà à manifester le 22 octobre*. Avant de dévaler les escaliers de son immeuble pour retrouver sa petite-fille à la sortie de l’école. «Je veux lui montrer Amal, la marionnette représentant une jeune réfugiée syrienne, qui traverse l’Europe...» La relève est en marche.

* Grève du climat internationale: vendredi 22 octobre, à 16h, manifestation de la place Lise-Girardin (anciennement place des 22-Cantons) à la place des Nations-Unies à Genève.