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Liliane Valceschini, l’adieu à une grande militante

Portrait de Liliane Valceschini.
© Thierry Porchet

Liliane Valceschini, ouvrière horlogère et femme de cœur et de conviction, a partagé à plusieurs reprises son enthousiasme avec les lecteurs de L’Evénement syndical. Ici, il y a huit ans, à l’occasion des 20 ans de la grève des femmes de 1991.

C’est une foule dense et émue qui, la semaine dernière à Yverdon, a rendu un dernier hommage à Liliane Valceschini, une grande dame du syndicalisme suisse.

Pour le grand public, Liliane Valceschini, décédée à l’aube de ses 82 ans, était surtout connue comme celle qui avait eu l'idée de la grève des femmes du 14 juin 1991. Idée dont elle avait alors fait part à Christiane Brunner, cette dernière réussissant à convaincre l’Union syndicale suisse (USS) du bien-fondé de ce combat. A juste titre, Liliane est mentionnée dans l'ouvrage collectif, Mieux qu'un rêve, une grève! La grève des femmes du 14 juin 1991 en Suisse. Elle est notamment l’auteure d’un texte intitulé Si maman faisait grève.

Le 14 juin 1991, Liliane Valceschini et ses collègues de L’Orient, à la vallée de Joux, avaient levé le pied, suivies par près de 500000 femmes dans tout le pays. Vingt-huit ans après, quelques semaines avant la grève des femmes de cette année, Liliane avait expliqué comme suit ses motivations de l’époque, dans une interview accordée à Caroline Gebhard, de La Région: «C’était en 1990. J’étais bien engagée syndicalement parlant et nous avions eu une discussion à propos d’une entreprise qui prétéritait énormément les femmes. En rentrant, il m’est revenu en mémoire que le droit à un salaire égal pour un travail égal était inscrit depuis 1981 dans la Constitution fédérale et que, l’année suivante, cela ferait dix ans. J’ai pensé qu’on devait marquer le coup et, pourquoi pas, faire une grève.» Fin de citation.

Evoquant plus loin la future grève des femmes de 2019, Liliane ajoutait encore ceci: «Je suis heureuse que les femmes d’aujourd’hui se remobilisent. J’espère qu’au lieu de 500000, comme en 1991, elles seront un million! Il ne faut jamais baisser les bras!» Cet optimisme intarissable était l’un des éléments clés de la personnalité de Liliane.

Horlogère à la Lemania, comme ses parents, membre de la FTMH dès l’âge de 17 ans, Liliane était aussi une militante de pointe du syndicalisme horloger. Et c’est très tôt qu’elle prit conscience des inégalités entre hommes et femmes, en particulier lorsque sa mère était allée demander une augmentation. Le patron lui avait alors répondu que son mari et sa fille étaient dans la même usine, et que son salaire devait lui suffire!

Liliane fut notamment membre de la commission de négociation horlogère du syndicat FTMH (aujourd’hui Unia). A ce titre, elle participait aux négociations annuelles sur les salaires et à celles relatives au renouvellement de la Convention collective de travail de la branche. Une convention qu’elle connaissait comme sa poche, aussi bien et parfois mieux que certains permanents syndicaux. Mais le grand mérite de Liliane, c’était d’être un véritable pivot entre la base ouvrière et l’appareil syndical. Il est vrai que plus ces relais sont nombreux, plus le syndicat est efficace.

L’auteur de ces lignes n’a participé qu’à un seul renouvellement de la convention horlogère avec Liliane, celle qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1997. A cette occasion, nous avions obtenu satisfaction sur au moins deux points importants:

• Tout d’abord l’augmentation du droit aux vacances, qui était alors passé de 4 semaines et demie à 5 semaines pour toutes et tous, et de 5 semaines et demie à 6 semaines pour les travailleuses et les travailleurs de 50 ans et plus.

• Ensuite, l’introduction, pour la première fois dans une convention collective de travail, d’un dispositif de prévention et de règlement des cas de harcèlement sexuel et de harcèlement moral, appelé aussi mobbing. Dispositif nommé «Protection de la personnalité».

Ce dernier élément s’inscrivait particulièrement bien dans les préoccupations de Liliane, dans son combat permanent pour l’égalité entre hommes et femmes, de sorte qu’elle était très fière de ce résultat. Comme nous tous d’ailleurs.

On me permettra ici une note plus personnelle. Ce printemps, j’ai publié un livre ayant pour titre Socialiste un jour, socialiste toujours. J’en avais envoyé un exemplaire à Liliane, en signe de reconnaissance de son immense engagement syndical. Quelques jours plus tard, elle m’a envoyé ce petit mot, non sans malice: «Syndicaliste un jour, syndicaliste toujours!» Au-delà de l’anecdote, ces propos montrent que, pour Liliane, certaines valeurs ont un caractère permanent, voire éternel. Oui, ce qui fait la force d’une femme ou d’un homme, c’est la croyance et la mise en œuvre des valeurs auxquelles on tient. On comprend aussi pourquoi Christiane Brunner a déclaré, lors de la cérémonie d’adieu: «J’ai connu Liliane et la vallée de Joux en même temps. Deux coups de cœur d’un coup, quelle chance!»