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L’industrie MEM mise au défi

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© Thierry Porchet

La conférence de branche de l’industrie MEM a réuni une septantaine de travailleurs, malgré une météo enneigée à Berne. 

Entre les récentes annonces de licenciements et l’urgence de renforcer les délégations du personnel, la conférence de l’industrie MEM est revenue sur les challenges dans la branche.

A l’occasion de la conférence de branche de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) d’Unia, qui a eu lieu le 22 novembre à Berne, une place toute particulière a été donnée aux travailleurs de Stahl Gerlafingen, présents pour témoigner de leur lutte. «Si ces derniers ne s’étaient pas mobilisés comme ils l’ont fait, ils n’auraient pas pu atteindre leur objectif, à savoir suspendre les 120 licenciements annoncés», a introduit Matteo Pronzini, responsable de la branche MEM pour Unia, qui orchestrait cette conférence.

Vania Alleva est revenue sur une semaine de mobilisation «extraordinaire». «Cette victoire revient aux travailleurs et aux commissions du personnel (Cope). On aurait pu échouer et voir les licenciements se confirmer. Un travail incroyable a été fait lors des assemblées générales, il y a aussi eu cette action sur la place Fédérale qui a rassemblé 500 personnes, sans oublier la pétition qui a réuni plus de 10000 signatures en très peu de temps.» La présidente d’Unia a souligné l’importance du soutien de l’opinion publique mais aussi d’autres acteurs comme le Grève pour le climat. «Nous avons travaillé tous ensemble et réussi à faire bouger les lignes. Même s’il n’est pas encore définitif, c’est un important succès d’étape qu’il faut célébrer, et il ne faut surtout rien lâcher!»

Si les fêtes de fin d’année approchent, il reste encore du pain sur la planche, a prévenu Vania Alleva, que ce soit chez Stahl Gerlafingen ou dans les négociations salariales. «L’essentiel est de ne pas lâcher sur nos revendications de hausse générale des salaires. Dans l’industrie, les moyens et bas revenus ont vu leurs salaires réels baisser avec l’inflation. Cette année, nous voulons plus que la compensation du renchérissement!»

Quand la lutte paie

Matteo Pronzini a insisté sur l’importance de maintenir des sites industriels comme ceux de Stahl Gerlafingen ou de Swiss Steel, qui ne sont pas les seuls à produire de l’acier, mais qui le font en émettant le moins d’émissions de CO2, via des processus de recyclage. «Nous avons obtenu l’arrêt des licenciements et la mise en place du chômage partiel pour 2025, c’est une grande réussite. Il y aura aussi des propositions soumises au Parlement au printemps sur la baisse du prix de l’acier.»

Quatre travailleurs actifs dans la lutte chez Stahl Gerlafingen étaient présents et ont pris la parole à tour de rôle, sous les applaudissements des quelque 70 personnes réunies lors de cette conférence. 

«Je suis très heureux qu’on ait pu atteindre notre objectif, s’est exprimé le vice-président de la commission du personnel, employé depuis 24 ans chez Stahl Gerlafingen. C’est notre deuxième maison, ce travail. On ne savait pas si on allait y arriver, mais l’annonce de la direction nous a fait bouger. Il y a eu un élan de solidarité et beaucoup d’énergies positives: une motivation qui est allée au-delà de l’entreprise. C’est un gros poids enlevé de nos épaules, même si tout n’est pas fini. La lutte continue.» A côté de lui, le président de la Cope a souligné qu’il y avait eu beaucoup de travail pour arriver à ce résultat. «Sans Unia, nous n’aurions jamais atteint cette victoire!» Un constat partagé par un autre camarade et collègue. «Cette deuxième vague de licenciements nous a tous déprimés. Puis, on a mis les bouchées doubles. L’équipe était déjà bien rodée. Unia a été d’un grand soutien et est capable d’organiser des mobilisations massives à très court terme. Stahl Gerlafingen paie des consultants hors de prix depuis quatre ans: nous, en quelques semaines, nous avons réussi à mener des actions et à faire plier la direction. Cela prouve que l’union fait vraiment la force.»

Un employé de Swiss Steel a aussi tenu à témoigner: «Cent trente postes sont menacés chez nous. Nous avons déjà mené des discussions et des assemblées. Les collègues de Stahl Gerlafingen nous servent de modèle, ils ont ouvert la voie et nous allons bouger nous aussi. Swiss Steel fait partie d’un groupe international, donc le combat s’annonce rude, mais on a décidé de lutter, et nous ne nous laisserons pas faire!» 

Renforcer les commissions du personnel

La construction syndicale dans l’industrie MEM est l’un des objectifs de la branche. Les défis des Cope de la branche sont importants, en termes de responsabilités, de nombre d’employés, de compétences (hausse des salaires, horaires de travail, restructuration, égalité salariale) mais aussi à cause de caisses de pension autonomes. «Après un premier bilan, il s’avère que les membres des Cope ressentent souvent une peur qui accompagne leur travail et leur fonction de délégué syndical, a exposé Matteo Pronzini, responsable de la branche chez Unia. Nous devons les protéger et notre campagne va être très importante dans ce sens.»

Des représentants du personnel ont pris la parole pour témoigner de la réalité de leur fonction. Rosa, employée chez Schindler dans le Tessin depuis 21 ans et présidente de la Cope, est motivée par la mission de protéger les collègues les plus vulnérables. «Nous avons aussi l’enjeu des frontaliers, qui sont prêts à faire davantage de concessions, car ils ne veulent pas s’exposer et risquer de perdre leur emploi. Ils sont moins prêts à se battre pour leurs droits et c’est difficile pour nous parfois de faire bouger les choses.»

Le Valaisan Stéphane, salarié chez Constellium, a vu la Cope faire peau neuve l’an dernier. «Il a fallu tout réapprendre, tout réorganiser. C’est une grosse implication, le soir, le week-end, alors que nous avons peu de temps à disposition. Il faudrait que le personnel nous soutienne davantage!»

Enfin, chez Stahl Gerlafingen, l’un des délégués s’est dit très motivé et sûr de lui à son entrée en fonction. «Quand la direction a annoncé les licenciements, nous avons reçu un fort soutien d’Unia, et c’était très rassurant.»

Cap vers un accord sur la protection des délégués syndicaux

Pour rester dans le thème des commissions du personnel, et de l’importance de s’y engager pour défendre les intérêts des travailleurs, Luca Cirigliano, secrétaire central à l’Union syndicale suisse (USS) est venu faire le point sur la reprise de la médiation au niveau fédéral.

«Aujourd’hui, quand on arrive à faire reconnaître un licenciement comme abusif, le salarié lésé reçoit généralement entre deux et quatre mois de salaire comme indemnité. Un pansement pour ainsi dire, qui ne représente pas grand-chose à verser pour les grandes entreprises. Mais les juges ne peuvent pas contraindre l’employeur à reprendre le salarié, qui se retrouve sans emploi.»

Le syndicaliste a rappelé que la Suisse a signé des conventions édictées par l’OIT et qu’elle est donc tenue de respecter certaines normes, notamment la protection efficace des personnes actives dans les syndicats et les Cope. «Or, ce n’est pas le cas: le droit est très faible en Suisse et prévoit au maximum une indemnité de six mois de salaire.» Sans oublier que ce genre de procédure est coûteuse en temps et en énergie: tout ça pour obtenir au mieux quelques mois de salaire...

Plusieurs plaintes ont été déposées contre la Suisse auprès de l’OIT, depuis 2003, dont le cas de salariés grévistes licenciés à La Providence à Neuchâtel, toujours en suspens auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Face à un dispositif légal insuffisant, des négociations tripartites entre syndicats, patrons et le Conseil fédéral avaient été amorcées, puis avortées l’année dernière.

«La reprise de la médiation a été demandée par le Conseil fédéral, a précisé Luca Cirigliano. L’USS n’a jamais rien lâché et tient aux engagements de la Suisse en matière de droit international.» L’objectif des syndicats est d’empêcher les licenciements des délégués syndicaux et d’obtenir leur réintégration. «Si l’issue de cette médiation n’est pas satisfaisante, nous lancerons une initiative populaire. Mais nous restons optimistes sur la première option: beaucoup d’acteurs entrent en jeu, il est donc difficile de faire un pronostic, mais nous avons pu reprendre le dialogue et nous sommes confiants sur le fait qu’un accord sera trouvé en 2025.»

Entre-temps, que fait-on? On essaie de mettre en place des meilleures pratiques dans les CCT, comme des délais de congé plus longs, des indemnités plus importantes ou encore la possibilité de rendre le licenciement nul. «Ils s’engagent pour nous, pour l’entreprise, donc pour l’employeur: ils trouvent des solutions, des bonnes conditions-cadres. C’est leur mission et tout le monde en profite. Ils ne peuvent pas être faiblement protégés.»

Un travailleur tessinois a témoigné: «Il y a trois semaines, nous avons mené une grève pendant trois jours dans l’entreprise, car le président de la Cope a été licencié pour des raisons syndicales. Nous sommes une petite entreprise, mais sommes très réactifs. Nous avons réussi à suspendre le licenciement et attendons qu’il soit vraiment annulé pour crier victoire.»

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