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«Ma santé mentale passe par la lutte»

Nicolas Hejda
© Thierry Porchet

«Il faut absolument, aujourd’hui, tout mettre en œuvre, peser de tout notre poids, individuellement et collectivement, pour promouvoir des changements socialement justes et éviter, demain, l’apocalypse» alerte Nicolas Hejda.

Militant à la Grève du climat à Fribourg, membre du mouvement citoyen Ag!ssons, Nicolas Hejda croit à la force de l’engagement, rempart à l’écoanxiété.

Pas question de baisser les bras. Au lendemain du rejet massif de l’initiative des Jeunes Verts relative au respect des limites planétaires, Nicolas Hejda relativise. «Un peu plus de 30% des votants ont accepté le projet. Un score honorable. L’ensemble de la gauche a suivi», commente, posé, le jeune homme de 24 ans, bien décidé à poursuivre la lutte. Un combat que cet étudiant en géographie à l’Université de Lausanne mène depuis plusieurs années. Membre de la Grève du climat Fribourg, l’activiste a participé aux importantes manifestations qui ont mobilisé la jeunesse dans les rues avant la pandémie de Covid. «La vague verte est retombée, mais n’a pas été vaine», estime le Fribourgeois, même si elle n’a pas eu de «réels échos politiques». «Les revendications étaient claires mais le mouvement, horizontal, expérimental, véhiculant surtout des messages de désespoir, n’a pas généré la construction d’un rapport de force.» Quoi qu’il en soit, l’activiste estime qu’il faut se saisir de tous les outils susceptibles de faire bouger les lignes, des actions directes aux moyens institutionnels, tout en admettant aussi les limites de ces derniers. 

Grève utile

«Pas facile de dépasser les clivages gauche-droite. Avec d’autres partenaires, nous avons déjà déposé plusieurs motions populaires. Sans succès.» Actuellement, deux requêtes restent pendantes. L’une demande aux autorités d’organiser une sortie échelonnée des énergies fossiles, l’autre une évaluation externe de la politique environnementale fribourgeoise. Nicolas Hejda confie toutefois se faire peu d’illusions quant à leur issue. «Ce qui serait pertinent? Une grève reconductible qui paralyserait l’économie réelle», juge le jeune homme, aussi actif au sein du mouvement citoyen Ag!ssons. Ce groupe réclame notamment la gratuité des transports publics. Et entend impliquer les usagers dans ses démarches: «Tout le monde n’a pas envie de coller sa main sur le bitume. Et chacun est légitime, c’est mon intime conviction. Nous voulons remettre du sens commun. Recruter de nouveaux militants afin de former un véritable contre-pouvoir. Toutes les voix comptent.»

De la parole aux actes

L’engagement de Nicolas Hejda se traduit aussi dans son quotidien. Végétarien, ayant renoncé à prendre l’avion depuis plusieurs années, l’universitaire indique mener une vie simple. Il privilégie pour ses déplacements la marche ou les transports publics et évite les achats inutiles. «Je n’ai jamais trouvé d’attrait dans le shopping et n’achète de nouveaux habits que si c’est vraiment nécessaire.» La surconsommation de générations précédentes et les dégâts causés à la planète ne le fâchent pas pour autant. «Il y avait alors le dogme productivisme, la croissance à tout prix. Mais nous devons désormais passer à un système anticapitaliste. Et veiller à défendre la démocratie, en danger.» Déterminé, Nicolas Hejda ne se laisse pas gagner par l’écoanxiété. «Bien sûr, il y a des moments de frustration. S’aider, s’entourer est important. Mais de mon côté, dans tous les cas, ma santé mentale passe par la lutte», affirme le militant, qui refuse de se laisser atteindre par tous les malheurs du monde. 

Hypothèse terrifiante

«Il y a plein de choses révoltantes et inquiétantes, l’élection de Trump, le sort de la Palestine, la guerre en Ukraine... J’ai de la compassion et de l’empathie pour les victimes. Mais sur ces problèmes, je ne peux pas grand-chose. Je suis un stoïcien.» Une posture qui le pousse d’autant plus à agir où il croit l’impact possible. Et avec la certitude que le collectif va devenir de plus en plus puissant. Même s’il n’écarte par les scénarios les plus pessimistes, comme l’effondrement de la civilisation. Et les menaces liées à pareille issue. «Il faut absolument, aujourd’hui, tout mettre en œuvre, peser de tout notre poids, individuellement et collectivement, pour promouvoir des changements socialement justes et éviter, demain, l’apocalypse. A défaut, nous devrons nous battre. J’ai fait l’armée et participé à un groupe de jeunes tireurs. Je suis capable de me défendre, mais j’espère n’y être jamais contraint. Cette idée me terrifie.» Cette vision du pire explique peut-être la réponse donnée sur un animal qui le fascine: «Je dirais le loup, un animal local, souvent traqué, menacé, et vivant en meute afin d’assurer la protection de tous les individus qui la compose.»

Danse et escrime médiévale

Guère optimiste, Nicolas Hejda n’en est pas moins un bon vivant. Il confie aimer faire la fête et se ressourcer auprès de ses amis, dans la lecture et les jeux vidéo de stratégie. Ses loisirs, il les consacre également à la randonnée et aux arts martiaux historiques européens. «Je fais de l’escrime médiévale. On travaille à reconstituer les gestes de l’époque», s’enthousiasme le sportif, aussi actif dans un groupe de danse folklorique, La Farandole, valorisant us et coutumes du pays de Fribourg. «Où je me situerai dans une dizaine d’années? J’espère que nos projets environnementaux auront progressé», répond celui qui se destine à devenir géographe ou journaliste. D’un point de vue personnel, le jeune homme aux origines tchèques – ses grands-parents ont immigré en Suisse pour des raisons politiques – n’envisage pas l’avenir sans suffisamment de temps libre. «J’espère que j’en aurai toujours assez pour mes utopies et mes proches. Pour continuer à danser et à lancer le drapeau. Pour m’amuser et m’engager. Ma famille a toujours fait du bénévolat et a été très impliquée dans différentes associations locales», souligne le jeune homme, avant d’ajouter: «Dans ma génération, nous sommes nombreux à vouloir travailler moins et autrement, à exercer des métiers qui font du sens.» Questionné sur le mot de la fin, le militant revient inexorablement à la problématique écologique avec un appel: «Continuons la lutte. Rejoignez-nous! Nous avons besoin de tout le monde.» Plus qu’une invite. Un cri d’alarme avec, en jeu, notre survie. 

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