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Matisa piétine la convention des machines!

Procès Coulon-Matisa: le président de commission d'entreprise a été licencié pour ses activités syndicales

Une tentative de conciliation, en mai, puis quatre audiences pour entendre 14 témoins, et une dernière consacrée aux plaidoiries le 27 novembre ont été nécessaires. Le procès pour licenciement abusif de l'ancien président de la commission d'entreprise Jean-Marc Coulon contre Matisa arrive bientôt à son terme. Le jugement devrait tomber à la mi-décembre.

Ce lundi 27 novembre, de nombreux membres des commissions d'entreprises vaudoises et des syndicalistes s'étaient à nouveau réunis sur les marches du palais de Montbenon pour soutenir Jean-Marc Coulon, licencié en octobre 2005 durant son mandat de président de la commission d'entreprise de Matisa. Parmi ces personnes, le conseiller d'état et ancien syndicaliste Pierre-Yves Maillard, venu à titre privé. «Coulon est un type droit, honnête et sincère» dit-il, en ajoutant qu'il est victime d'une «pure manœuvre d'intimidation». Ce sentiment sera confirmé pendant l'audience par les attaques de l'avocat de Matisa contre Coulon et contre Unia.
Après avoir entendu Jean-Marc Coulon, qui a pu dire la douleur d'être chassé du jour au lendemain de son entreprise, «comme si j'avais été un brigand», et les difficultés rencontrées pour retrouver du travail, le juge a tenté une nouvelle conciliation, refusée par l'avocat de Matisa, Me Mathey: «Ce n'est pas une transaction. C'est tellement sensible, il n'y a pas beaucoup d'audiences suivies par 30 personnes. Ce n'est pas le procès Coulon-Matisa, c'est le procès Unia-Matisa»...

Licenciement abusif
Me Jean-Michel Dolivo a ensuite plaidé pour Jean-Marc Coulon, en rappelant des faits, incontestés et incontestables, la chronologie des événements, son engagement dans la commission d'entreprise depuis 1993. Il a souligné notamment qu'aucun de ses supérieurs ne lui avait donné l'ordre de reprendre son poste, alors que tous savaient qu'il travaillait pour la commission les trois premiers jours d'octobre 2005 qui ont précédé son licenciement. Celui-ci lui a été signifié le jeudi 6 octobre, en violation de la procédure prévue par la CCT. Selon Me Dolivo, la lettre «d'intention de licencier», datée du 10 octobre, ne visait en fait qu'à «tenter de couvrir la violation de la CCT et le caractère abusif du licenciement».
«Matisa a piétiné la Convention de l'industrie des machines. La libération de l'obligation de travailler, ordonnée immédiatement à partir du 10 octobre, est la conséquence évidente du licenciement prononcé. Matisa cherche par tous les moyens à masquer une manière de faire particulièrement brutale, le licenciement de Coulon au moment où il était toujours président de la commission. Il est évident que c'est Jean-Marc Coulon, comme président, qui était visé: preuve en est que la direction va se hâter de mettre en place une nouvelle commission d'entreprise, en violation absolue du Règlement.» «Ce licenciement est abusif au sens de l'art. 336 al.2 litt.b CO», ajoute-t-il, ce d'autant que «l'employeur ne peut prouver qu'il existe un motif justifié de résiliation». En conclusion, Me Dolivo exige une indemnité de 6 mois de salaire, le maximum prévu par la loi. «C'est une sanction bien modeste et légère pour avoir licencié cet homme de 52 ans alors qu'il était président de la commission d'entreprise!» Et de souligner la «faiblesse de la protection des droits syndicaux en Suisse face à un employeur qui ne respecte pas la parole donnée par l'adhésion à la CCT, ni les droits syndicaux pourtant reconnus par plusieurs conventions de l'OIT».

Procès Unia-Matisa?
Dans sa plaidoirie, Me Mathey, avocat de Matisa, s'est d'abord étonné de ne pas avoir «les mêmes dossiers» que la partie adverse. Pour lui, ce procès est une «defferrarisation des conflits de travail», évoquant là le nom de Yves Defferrard, responsable de l'industrie à Unia Vaud... Il s'est ensuite employé à justifier le transfert de Jean-Marc Coulon à la serrurerie, et surtout à attaquer sa personne, en brossant un portrait machiavélique d'un homme qui utilisait la commission «pour sa propre maison», d'où la rupture de confiance que cela a occasionnée. Il tente aussi de justifier «l'oubli» des motifs de licenciement dans la lettre «d'intention» du 10 octobre, car les motifs avaient été donnés oralement le 6 octobre et la CCT ne prévoit aucune sanction dans ce cas... Quant à la libération de l'obligation de travailler, elle ne constitue en rien un indice de licenciement, surtout quand «ça calme l'entreprise d'évacuer M. Coulon»!
Finalement, il s'en prend à Unia qu'il accuse de désinformation. «Ce n'est pas le procès Jean-Marc Coulon contre Matisa, répète-t-il, c'est un procès Unia contre Matisa. Pour preuve: d'abord un public fidèle au poste, ensuite des articles dans L'Evénement syndical dignes de la Pravda.» Estimant que cette affaire a fait du tort à Matisa, il demande au juge un dommage financier de 1000 francs, qui seront versés à une œuvre choisie par Coulon...

Offusqués
A la sortie du tribunal, les réactions offusquées étaient nombreuses. Tout particulièrement chez les membres des commissions d'entreprises qui connaissent bien Jean-Marc Coulon, choqués notamment par la manière odieuse dont l'avocat de Matisa en a brossé le portrait, totalement à l'inverse de la réalité.

Sylviane Herranz



Sortie d'audience...

Didier Barraud, président d'une commission d'entreprise vaudoise:
«Coulon est un homme intègre, nous le défendrons jusqu'au bout. Certains ont même pris congé pour venir. Nous pouvons vivre la même situation que lui.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de Matisa montre qu'à nouveau c'est l'ouvrier qui prend dans la figure. Et malgré la réalité des faits, le patronat invente des choses pour écraser une personne, et surtout un président de commission. Il est important de dire la vérité, d'avoir un réel partenariat et une attitude de dialogue avec le syndicat, sinon la confiance va être rompue entre les commissions et le patronat.
Ce procès montre aussi que l'on veut nous enlever la possibilité de défendre nos acquis dans les entreprises. Mais où je travaille, les choses ne se seraient pas passées comme ça, il y aurait eu un dialogue. Beaucoup d'entreprises discutent correctement avec leurs employés et le syndicat.
On fait trop le procès d'Unia. Je pense surtout à notre collègue Coulon qui vit une période difficile. Il a toujours défendu son entreprise, et plus que la défendre, il en a toujours vanté les mérites.»

Mike Nista, président de la commission d'entreprise de Sapal:
«C'est vrai que c'est un peu le procès d'Unia parce qu'on voit très clairement que certains patrons ont décidé par tous les moyens de casser notre syndicat. Mais en réalité, c'est le procès des commissions d'entreprises. Je ne connais pas un seul président, ou membre de commission, qui n'a pas subi de pressions voire même été averti ces dernières années en raison de ses activités syndicales, sauf peut-être dans les entreprises où tout va très bien.
C'est malheureusement assez symptomatique de voir que l'on jette dehors une personne comme Jean-Marc Coulon, qui était non seulement président de la commission mais aussi délégué aux Assises cantonales de la place industrielle vaudoise depuis 5 ans. On l'a traité comme un délinquant en le licenciant et en le libérant de suite de son obligation de travailler, sans lui permettre de se défendre, au sein de l'entreprise, comme le prévoit la CCT.
Finalement, peu importe qu'il s'agisse d'un licenciement abusif ou non, ce qui est dramatique, c'est qu'il s'agit d'une personne de 52 ans, qui a perdu son emploi sans que l'on puisse lui reprocher le moindre couac dans son travail, mais uniquement parce qu'il défendait trop bien ses collègues.»

Propos recueillis par SH