Enseignante à mi-temps, libre penseuse et artisane de la transition, Véronique Gollut milite sur plusieurs fronts. La révolte pour moteur de la durabilité
C’est une véritable tornade. Une personne hyperactive qui va au bout de ses idées et de ses combats. Sans peur. Sans craindre de questionner le système, de défier la norme. Et tout en respectant le libre arbitre de chacun, avançant, comme elle le précise, sur le chemin du non-jugement. Véronique Gollut, 38 ans, vit comme elle pense. Et ses réflexions l’ont notamment amenée à opter pour la décroissance. A se contenter d’un revenu modeste. Enseignant à Lausanne les arts visuels, l’allemand et les langues étrangères à des élèves de 10 à 16 ans, la jeune femme travaille à mi-temps par choix. Car même si elle adore son métier et croit au changement par l’éducation – celle qui conduit les élèves à penser par eux-mêmes – la Valaisanne d’origine n’entend pas y consacrer toute son énergie. Nombre d’autres engagements remplissent les journées de cette sympathique maman d’un petit Lucien de 5 ans dont elle partage la garde avec son ex-compagnon. Son implication pour la justice sociale et la question environnementale par exemple. Membre entre autres d’Extinction Rebellion, la militante – qui, pour l’anecdote, a grandi à Collombey-Muraz près de la raffinerie Tamoil – ancre les paroles dans des actes.
Voyages entre parenthèses
Depuis six ans, Véronique Gollut a mis une croix sur les transports en avion. Elle aime pourtant les voyages, elle qui a notamment roulé plusieurs fois sa bosse en Iran et aiguisé son intérêt pour d’autres cultures à la découverte du Pakistan et de l’Afghanistan. Une dernière destination sélectionnée avec une certaine dose d’inconscience plutôt que de courage, rectifiera-t-elle face à l’étonnement suscité. La baroudeuse d’alors note toutefois qu’en tant que femme blanche, occidentale, elle n’a pas été limitée dans ses interactions avec la population. «Ce n’était clairement pas toujours facile, mais ces pays m’ont appris des sagesses. Je ne faisais pas du tourisme», affirme la trentenaire, estimant néanmoins que le bonheur ne se trouve pas ailleurs. «Le bonheur, c’est se montrer intègre avec ses valeurs. Les miennes portent sur l’intelligence du cœur, la justice, l’esprit critique, la nécessité de penser ses mots et ses gestes, la sincérité et le respect de la liberté d’autrui.» Une liste que Véronique Gollut complète encore par la contemplation, la gratitude et la possibilité d’appuyer sur le bouton stop au besoin... «Je suis heureuse», lance, sans l’ombre d’un doute, celle qui attribue aussi sa félicité aux personnes qu’elle côtoie, le collectif jouant une importance primordiale dans son existence.
Cercle vertueux
Plusieurs expériences de vie communautaires ont en effet convaincu la jeune femme de la richesse de cette approche qu’elle continue à privilégier. «Ce qui me plaît? La solidarité, la complémentarité qui relient les gens. On réalise des activités communes. On se soutient. On apprend à lâcher prise. On participe à un cercle vertueux particulièrement inspirant. Nous sommes tous coresponsables du bien vivre ensemble», s’enthousiasme Véronique Gollut, notant encore les bénéfices pour les enfants grandissant aux côtés d’autres gosses et de «mères universelles». Soucieuse d’accompagner les changements de société qui se profilent, la libre penseuse, qui se définit aussi comme une artisane de la transition, réfléchit encore à d’autres styles d’habitation. Avec une coopérative impliquée dans ces questions, elle a remporté un concours de l’Unil pour la création d’un «hameau d’habitat léger», soit la mise en place de tiny houses, cabanes, yourtes, etc., avec de l’agriculture de proximité et des infrastructures partagées. «Nous sommes actuellement à la recherche d’un terrain. Nous avons contacté les communes et tracté dans nombre de fermes. Nous proposons de prêter nos mains, notre tête et notre cœur. Pas simple de trouver des agriculteurs qui, sous l’eau et sans tuba, esclaves du système, se démènent dans le flot des requêtes de subventions et de tâches administratives alors qu’ils ont une mission nourricière et doivent prendre soin de la Terre», indique Véronique Gollut qui, après avoir vécu quinze ans à Zurich, s’est installée dans le canton de Vaud, rentrant avec... 300 litres de terre, sa banque de semis. A côté de ces nombreuses activités, l’enseignante effectue encore un certificat (CAS) d’éducation à l’environnement par la nature. De quoi compléter le cursus de cette titulaire d’un bachelor de scénographie, diplômée de la HEP, et avant du Centre professionnel de Vevey, section déco et arts appliqués.
Des moments magiques
Radicale dans ses choix, armée de son bon sens, d’un esprit critique aiguisé et de sa créativité, Véronique Gollut s’est tracé une voie sur mesure. Un chemin qui compte peu de distractions pour cette adepte du chamanisme qui se réjouit dès lors de disposer du temps pour le dialogue, l’écoute, le partage et l’action. Hyperfâchée par un système sociétal «qui va droit dans le mur» – la militante croit à la théorie de l’effondrement – elle n’en cultive pas moins un certain optimisme et puise sa force dans sa révolte. Une rébellion constructive aussi bouclier à une sensibilité à fleur de peau. «Je peux pleurer plusieurs fois par semaine, mes émotions sont mes guides intérieurs... Mais pas question de me morfondre. La crise a un côté génial qui nous oblige à sortir de notre égocentrisme. Il faut saisir cette opportunité plutôt que de se laisser écraser, accepter la mort, tout comme notre vulnérabilité qui nous rend vivants.» Pour se ressourcer, Véronique Gollut s’offre des immersions dans la nature, seule, en mode survie. «J’aime alors ressentir cette fragilité, sans coquille autour de moi. Etre bien avec rien. Sortir de la temporalité. Se vider pour se remplir de l’essentiel. Des moments magiques qui nous rappellent notre petitesse dans le vaste cosmos auquel nous appartenons...»