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«Nous utilisons l’atmosphère comme une poubelle»

Manifestation à Lausanne.
© Thierry Porchet

La rencontre internationale s’est soldée le 9 août par une manifestation rassemblant quelque 2500 jeunes.

De nombreux spécialistes ont participé à la rencontre, dont le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, ancien président du GIEC

Portrait de Jean-Pascal van Ypersele.
Jean-Pascal van Ypersele. Photo NL

Jeudi matin, la salle de conférences est pleine d’une soixantaine de jeunes participants pour écouter le professeur Jean-Pascal van Ypersele, physicien spécialiste du climat, professeur de climatologie à l’Université de Louvain en Belgique et ancien vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). En introduction, il rappelle que nous n’avons pas de planète B, et montre une image prise depuis Saturne, d’un minuscule point bleu à l’horizon: la Terre, ce miracle, juste à la bonne distance du Soleil, notre étoile. Et pourtant que nous malmenons. «Nous utilisons l’atmosphère comme une poubelle, gratuitement. Ce qui a pour conséquence d’épaissir la couche de CO2 et d’autres gaz à effet de serre qui se trouvent dans l’atmosphère. C’est pourquoi il nous faut arriver à des émissions nulles de gaz à effet de serre le plus tôt possible», lance-t-il à l’assemblée devant des graphiques qui montrent l’incroyable capacité de la planète à trouver un équilibre. Du moins, jusqu’à l’ère industrielle. Grâce à la photosynthèse des arbres et à l’absorption du carbone par l’océan, le réchauffement est plus lent, sauf que plusieurs facteurs mettent en péril ce fantastique travail accompli par la nature. «Avec la déforestation, nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis. Et avec l’augmentation de la température des océans, la capacité d’absorption du CO2 par l’océan est réduite. De surcroît, cela induit une acidification qui le fragilise. Bref l’écosystème sature», explique Jean-Pascal van Ypersele, avant d’asséner: «15 à 40% du CO2 émis aujourd’hui sera encore présent dans un millier d’années dans l’atmosphère. Et environ 65% de notre budget carbone, si nous voulons limiter le réchauffement à 2 °C, est déjà utilisé.»

Le GIEC en direct

Le professeur interrompt son exposé pour se brancher sur la conférence de presse du GIEC qui se déroule au même moment à Genève (ici). Un rapport de plus qui se fonde sur des milliers de publications scientifiques et qui rejoint les faits exposés par son ancien vice-président. Projetant un graphique, il montre que, jusqu’à l’ère industrielle, le CO2 dans l’atmosphère était stable. «Depuis 200 ans, cela explose. Résultat, nous avons davantage de jours très chauds, davantage de précipitations très fortes. La pollution de l’air tue 7 millions de gens par an. Et les plus pauvres sont les plus vulnérables face à ce qu’on peut appeler la sixième extinction. Une augmentation de 2 degrés ou de 1,5 degré est très différente. Il n’y a pas de linéarité.» Les conséquences sont exponentielles. Dans la salle, une participante propose d’ouvrir toutes les fenêtres. «Il commence à faire chaud», dit-elle. Et le professeur de rebondir: «Une trop grande densité de CO2 peut affecter les capacités mentales de raisonner, les prises de décision…»

Malgré les attaques des lobbies industriels qui remettent régulièrement en cause le réchauffement climatique, et «dépensent 1 milliard de dollars par année rien qu’aux Etats-Unis» pour contrer les faits, et malgré l’achat – «1 milliard d’euros par jour!» – de l’Union européenne «de combustibles fossiles en-dehors de ses frontières», Jean-Pascal van Ypersele ne perd pas espoir: «Je veux continuer de croire qu’on peut arriver à zéro émissions nettes, soit ne pas émettre plus que ce que la Terre peut assimiler, et pas davantage. Nous avons déjà les solutions. Le GIEC a déjà produit 3000 pages de solutions.» Il en résume quelques-unes ainsi: la survie de l’humanité et des écosystèmes doivent devenir la priorité politique; les acteurs économiques doivent être confrontés à leurs responsabilités: le prix de la destruction doit augmenter de plus en plus et les fonds collectés être utilisés pour la décarbonation et pour soutenir les plus pauvres, premières victimes du réchauffement; les reconversions doivent être socialement justes (les travailleurs de mines de charbon doivent être aidés dans leur reconversion par exemple); il s’agit aussi de réduire notre consommation d’énergie et produire l’énergie encore nécessaire de manière verte; dans ce sens, le secteur de la construction offre beaucoup de possibilités de limiter le recours aux énergies fossiles; les piétons, les cyclistes et les transports publics doivent être prioritaires, au contraire de la voiture; ou encore manger moins de viande et de fromage, davantage de produits et de légumes locaux. 

Dans la salle de cours, s’est ensuivie une série de questions notamment sur le rôle du GIEC. «Je pense que son rôle n’est pas d’être dans l’action, mais comment faire pour que ses informations soient plus utiles? Je pense que le monde scientifique doit produire des documents de manière plus interdisciplinaire afin de faciliter l’application de ces informations.» Et de conclure: «Nous avons le choix. Notre futur est dans nos mains. Et votre mouvement est primordial pour pousser les politiques à agir!»

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