Le projet minier d’importance d’un consortium russo-canadien (Nordgold et Colombus Gold), la compagnie Montagne d’Or, fait débat en Guyane, département français d’Amérique du Sud. Une mine de la surface d’une trentaine de stades de football et de 400 mètres de profondeur entre deux réserves à la très grande biodiversité au cœur du poumon de la planète, l’Amazonie. Un projet qui cristallise des visions du monde opposées: l’appât du gain et le pouvoir des multinationales contre l’écologie et le respect des peuples autochtones. En Guyane, l’orpaillage illégal (177 sites dénombrés en août 2017) fait déjà des ravages: pollution au mercure des cours d’eau et, par conséquent, des poissons, base alimentaire des populations amérindiennes… qui tombent malades. Et qui se voient obligées d’acheter des poulets aux hormones importés de l’Hexagone. Sans compter la violence, le trafic de drogue et la prostitution accompagnant l’exploitation aurifère.
Les partisans de Montagne d’Or estiment pourtant que cette mine est éco-responsable. Les procédés d’extraction se feront en circuit fermé, de manière sécurisée, avancent-ils. Reste qu’ils impliqueraient quotidiennement l’utilisation de 10 tonnes de cyanure et produiraient 66 000 tonnes de rejets stériles stockés dans des cuves de rétention, selon les calculs du collectif «Or de Question» qui regroupe plus d’une centaine d’associations nationales et internationales opposées au projet (dont Ingénieurs sans frontières, Greenpeace, Sauvons la forêt…). Sans compter les risques de catastrophes. Un exemple parmi d’autres: au Brésil voisin, en 2015, la rupture de digues des bassins à résidus miniers de Fundão, près de Mariana, a tué 19 personnes et ravagé 800 km des rives du fleuve Rio Doce, le «Fukushima brésilien». Partout, et même en France hexagonale, les mines fermées continuent de polluer la terre et les corps (cancer, leucémie, déficience cognitive…).
La promesse de quelques centaines d’emplois – temporaires de surcroît, car l’exploitation est prévue sur douze ans – pourrait coûter très cher. Un rapport du WWF parle même de mirage économique, tant les subventions publiques sont importantes en regard du nombre de postes. En outre, les besoins énergétiques de la mine équivaudraient à 20% de la consommation actuelle d’électricité de la Guyane. Reste que, sans surprise, le président Emmanuel Macron soutient ce projet, contre l’avis de son ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Alors que le débat public, organisé tardivement, vient de commencer en Guyane, les fronts se durcissent déjà. Car la région est peut-être à la croisée de son destin, déchirée entre les sirènes de l’industrie minière et la sagesse amérindienne anti-extractiviste. Un jeune autochtone écrit dans Libération: «Ce qui est sous la terre, ce sont les problèmes qui ont déjà été réglés par les anciens. En fouillant le sol, on va réveiller ce que les anciens avaient déjà réussi à résoudre au prix d’énormes sacrifices (…). En Guyane comme partout ailleurs, l’or rend fou. C’est une maladie. Dès que vous mettez de l’or quelque part, les hommes deviennent violents et avides.» L’or dont les filières opaques transitent à 70% par la Suisse. De quoi nous sentir concernés.