Paolino Casanova donnait de la voix à la gauche genevoise
Le syndicaliste du SSP, qui assurait la sonorisation de nombre de manifestations au bout du lac, nous a quittés
Depuis une quarantaine d’années, il assurait la sonorisation des manifestations genevoises. Paolino Casanova nous a quittés le 13 mars dernier dans sa 74e année, après une maladie affrontée durant plusieurs mois.
«La première fois que je l’ai vu, c’était en 1978, lors d’une grosse manifestation du Cartel intersyndical sur la plaine de Plainpalais qui réunissait deux à trois mille personnes. Il organisait la sono avec de grosses baffles», se souvient Claude Reymond, l’ancien secrétaire de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS). «Dans les années 1970, les syndicats étaient tenus par des sociaux-démocrates, mais un courant syndical différent se développait dans les services publics, l’imprimerie et dans des groupes de base de la métallurgie et du bâtiment. En mettant à disposition sa sono en dehors de son syndicat, le SSP, Paolino participait d’un intersyndicalisme solidaire, c’était sa façon à lui de faire de la politique.» Le technicien du son s’est ainsi investi dans les grèves de la métallurgie et de l’imprimerie. «Lorsqu’il y a eu l’arrêt de travail chez Gay Frères contre sept licenciements, c’est Paolino qui a amené la sono, pas la FTMH, se remémore Claude Reymond. Pour le câblage des haut-parleurs, le réglage des puissances, il faisait équipe avec Luis Blanco, ils étaient très camarades.»
«On s’est beaucoup côtoyés, on a participé ensemble à de nombreuses luttes», confirme cet ancien secrétaire syndical d’Unia/FTMH, qui a rencontré Paolino Casanova en 1974 à l’ATEES, l’Association des travailleurs espagnols émigrés en Suisse. «Il était doublement migrant puisque, avant de venir en Suisse, il était passé par l’Argentine. Il venait d’une famille républicaine des Asturies; dans les années 1950, à l’âge de 11 ans, il était parti s’établir avec un parent dans la province de Buenos Aires.»
«Il était très réservé, terriblement discret, il passait souvent inaperçu», mais, paradoxalement, selon Luis Blanco, «pas une feuille ne bougeait à Genève sans lui». «Il se mettait à la disposition des collectifs qui le sollicitaient sans jamais porter un jugement sur leur cause. Je l’ai rarement entendu dire non», ajoute Claude Reymond.
A la fin des années 1980, le comité d’organisation du 1er Mai avait acquis de nouveaux équipements sonores, que Paolino Casanova stockait au Théâtre de Saint-Gervais, où il travaillait comme technicien. Il y représentait aussi le personnel. Cet engagement provoqua en 2012 une mise à pied, antisyndicale et un peu crasse dans la mesure où l’intéressé n’était plus qu’à six mois de la retraite. Le matériel fut déménagé à quelques mètres de là dans les caves de la CGAS.
Un vrai communiste, un exemple
Retraité, Paolino Casanova avait encore plus de temps à donner au mouvement syndical. «C’était un secrétaire administratif, mais qui n’était pas payé», indique José Ramon Gonzalez, syndicaliste de Syndicom. «Il n’a jamais voulu être rémunéré, j’ai proposé de lui acheter un ordinateur et un téléphone portable, mais il a refusé, il disait vouloir éviter les fils à la patte», explique Claude Reymond. «C’était un vrai communiste. Un exemple. Il donnait tout. Il va beaucoup nous manquer. Des militants comme lui, qui viennent à tous les coups, il n’y en a pas beaucoup», regrette, des sanglots dans la voix, José Ramon Gonzalez. «Pour moi, c’est une référence idéologique. Son école nous a rendus meilleurs et audibles en bien des circonstances pendant plus de 40 ans», souligne Claude Reymond.
«C’est une grande perte», conclut Luis Blanco, en confiant qu’il endossera à l’avenir la tâche assumée par le disparu. «Je suis un des seuls qui est allé dans les locaux où il gardait très jalousement la sono. Je vais reprendre, mais pour le moment, malheureusement, nous ne pouvons pas faire de manif ni même nous rassembler en son souvenir. Nous lui rendrons hommage dans quelques mois.»