Le projet pilote genevois a pris fin, mais 1757 dossiers sont encore en examen. Les demandes de régularisations restent ouvertes même si les critères se durcissent
L’opération Papyrus, lancée en février 2017, a officiellement pris fin le 31 décembre dernier. Elle aura permis de régulariser 1846 personnes, dont 365 familles (566 parents et 610 enfants), 14 couples sans enfants et 642 célibataires. Au total, 4 dossiers auront fait l’objet d’un refus et donc entraîné l’ouverture d’une procédure de renvoi. Des chiffres qui ne sont pas encore définitifs: en effet, les dossiers de quelque 1757 personnes sont encore en cours d’examen par l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM). D’après Mauro Poggia, conseiller d’Etat ayant repris le flambeau de Pierre Maudet sur ce projet, à terme, le nombre total de régularisations pourrait atteindre les 3500. Le bilan intermédiaire, qualifié par ce dernier de «positif» et présenté aux médias le 4 mars, sera donc complété par les chiffres définitifs à l’automne, période à laquelle le rapport final d’évaluation externe sera également rendu. «Nous pouvons aujourd’hui être satisfaits de ce projet qui a permis à ces personnes de sortir de la précarité, de retrouver une dignité et d’avoir de nouvelles perspectives, réagit l’élu MCG. Il s’agit également de sortir de cette hypocrisie et de faire apparaître au grand jour des gens dont tout le monde connaît l’existence.»
Mises en conformité
Dans le détail, les chiffres montrent que, parmi les dossiers déjà traités par l’OCPM, 1194 ont aussi été examinés par l’OCIRT; 74% d’entre eux concernent l’économie domestique, 6% l’hôtellerie-restauration, 5% le bâtiment, notamment le second œuvre, le solde se répartissant dans d’autres branches. Rappelons que l’un des objectifs de Papyrus était bel et bien d’assainir des secteurs de l’économie particulièrement touchés par le travail au noir par le biais de mesures d’accompagnement. La cible de l’économie domestique s’est donc confirmée. Sur l’ensemble des dossiers d’emplois domestiques reçus par l’OCIRT, 21% ont fait l’objet d’une infraction, soit au respect du salaire minimum imposé par le contrat type de travail en vigueur, soit aux assurances sociales. Parmi ceux-ci, soit 97 dossiers, 75% des employeurs se sont mis en conformité et 21% sont en train de le faire. «Seuls 4% des patrons ont refusé de se mettre en conformité et ont fait l’objet d’une sanction, commente le magistrat. Il s’agissait sans doute d’une méconnaissance de ces obligations auxquelles la majorité s’est pliée sans problème.»
Par ailleurs, le phénomène d’appel d’air, très craint par les détracteurs de Papyrus, n’a pas eu lieu. «Les personnes régularisées ont conservé leur activité professionnelle et n’ont pas émargé à l’aide sociale», confirme encore Mauro Poggia. Au contraire, le projet se montre bénéfique pour les finances de l’Etat, la masse salariale brute étant passée d’environ 52 millions de francs en 2016 à environ 73 millions en 2018. De même, le volume des charges sociales a gonflé de plus de 4,5 millions de francs en deux ans, passant approximativement de 10,9 à 15 millions de francs.
Critères maintenus
Et maintenant, que va-t-il se passer? La question est sur toutes les lèvres. «Depuis le 1er janvier 2019, d’entente avec les autorités fédérales et conformément au cadre légal en vigueur, les critères d’éligibilité à la régularisation des étrangers sans-papiers resteront pratiquement les mêmes, mais des efforts supplémentaires seront demandés», répond Mauro Poggia. Les candidats devront, comme sous Papyrus, justifier d’une durée de séjour de cinq à dix ans sans interruption, être indépendants financièrement, ne pas être endettés et ne pas avoir de condamnation pénale. Par contre, l’inscription à un cours de français ne sera plus suffisante: il faudra attester du niveau A2 à l’oral. Quant aux preuves justifiant de la durée de séjour, elles pourraient se durcir. Concernant la procédure, elle reste la même, c’est-à-dire que le canton préavise la demande, puis la transmet au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour approbation.
De leur côté, les mesures d’accompagnement perdurent, notamment les contrôles ciblés du marché du travail dans les cas de suspicion de situations abusives et le dispositif Ménage Emploi (lire ci-dessous). Le formulaire d’annonce OCIRT sera, lui aussi, maintenu et continuera de permettre aux personnes travaillant dans l’économie domestique d’entreprendre les démarches de régularisation même en l’absence de soutien de leur employeur.
«Nous n’avons pas de leçon à donner mais une expérience à capitaliser, souligne Thierry Apothéloz, conseiller d’Etat en charge de la cohésion sociale. Nous devons trouver une réponse pour ces gens.» Et son homologue de poursuivre: «Genève n’a pas toutes les cartes en main et ne peut pas continuer à faire cavalier seul. Une réflexion au niveau national doit être menée.»
La lutte continue
Ce qui est sûr, c’est que les associations d’aide aux sans-papiers et les syndicats, sur qui les candidats à la régularisation ont pu compter dans le cadre de l’opération Papyrus, vont continuer à mettre leur sérieux à disposition des étrangers éligibles. Pour Giulia Willig, qui a chapeauté le projet au sein d’Unia Genève, Papyrus est sans conteste un pas en avant. «Même si nous sommes encore loin de la régularisation de tous les sans-papiers à Genève, le résultat est positif. Et le fait que les critères restent quasiment les mêmes va permettre à l’OCPM mais aussi aux autres cantons de poursuivre le processus de régularisation.»
Permanences pour renseigner et aider à la constitution des dossiers de régularisation les mardis et jeudis de 17h à 19h au syndicat Unia, chemin Surinam 5, 1203 Genève