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Pour des conditions de travail dignes dans les médias

Différents titres de la presse écrite étalés sur une table.
© Olivier Vogelsang

Selon l’enquête, la totalité des employés, quelle que soit leur position professionnelle, déclare travailler en moyenne 2,4 heures de plus par semaine qu’ils ne sont payés. Cette différence est plus marquée dans la presse écrite et ses produits en ligne, avec 3,6 heures de plus.

Une enquête menée notamment par l’USS et Syndicom met en lumière l’importance d’un partenariat social dans le secteur afin d’améliorer les salaires et le quotidien des journalistes

Salaires qui stagnent ou qui baissent, inégalités salariales, insécurité de l’emploi ou encore augmentation de la pression des délais: depuis quelques années, les professionnels des médias voient leurs conditions de travail se dégrader. C’est ce que révèle une très récente enquête sur les conditions de travail des journalistes, conduite par l’Union syndicale suisse (USS), Syndicom, le Syndicat suisse des mass média (SSM) et l’Association des journalistes spécialisés (AJS) et qui s’appuie sur 1600 participations. La dernière de ce genre avait été publiée en 2006.

Dégradations

La branche des médias souffre d’un changement structurel depuis quelques années. Des titres disparaissent, d’autres fusionnent et des milliers d’emplois ont été supprimés. La faute notamment aux pertes de recettes publicitaires qui poussent les entreprises de médias privées à imposer des mesures d’économies...

Entre 2006 et 2020, il apparaît que le salaire des journalistes a stagné, voire baissé pour les indépendants, avec un revenu médian diminué de plus de 1000 francs (6978 francs contre 5600 francs). En outre, plus de la moitié d’entre eux déclare exercer une activité lucrative à côté du travail dans les médias.

L’insécurité de l’emploi est également une inquiétude majeure dans la branche. Selon le rapport, 60% des indépendants et un quart des salariés déclarent ne pas avoir suffisamment de mandats et craignent de perdre leur emploi. De même, ils sont entre 80% et 90% à estimer «difficile à très difficile» la chance de retrouver une activité équivalente en cas de perte d’emploi.

Enfin, plus généralement, ce sont les conditions de travail qui se détériorent, avec notamment une pression des délais élevée pour environ la moitié des personnes interrogées et la contrainte de travailler de plus en plus sur son temps libre. «La totalité des employés, quelle que soit leur position professionnelle, déclare travailler en moyenne 2,4 heures de plus par semaine qu’ils ne sont payés. Cette différence est la plus marquée dans la presse écrite et ses produits en ligne, avec 3,6 heures de plus», révèle l’enquête.

Femmes discriminées

Le sondage montre par ailleurs que les inégalités salariales entre hommes et femmes n’épargnent pas les médias, notamment aux postes les mieux rémunérés.

De fait, le salaire médian des journalistes est actuellement de 7444 francs chez les hommes et de 7200 francs chez les femmes. En 2006, il était de 7400 francs chez les hommes et de 7000 francs chez les femmes. Dans les salaires inférieurs, l’écart constaté en 2020 est de 150 francs alors qu’il était de 400 francs en 2006. Et dans les salaires supérieurs, la différence est aujourd’hui de 260 francs, contre 400 francs en 2006. «A première vue, l’écart s’est réduit, même si, extrapolé sur un salaire annuel, il représente toujours entre 1900 et 3100 francs», observent les auteurs de l’enquête.

Les inégalités sont encore plus marquées si l’on ne prend en compte que les rémunérations des journalistes employés (400 francs de différence par mois), ou encore ceux qui travaillent dans la presse écrite (différence de salaire médian de 800 francs). Sans surprise, les postes de direction ou à responsabilité sont plus souvent occupés par des hommes.

«Le domaine des médias a absolument besoin que ses salaires soient analysés et que, sur cette base, des mesures de lutte contre l’inégalité salariale entre les sexes soient prises», déclare Mélanie Berner, secrétaire spécialisée au SSM.

La nécessité d’une CCT

L’enquête démontre toutefois que la présence d’une convention collective de travail (CCT) fait toute la différence en matière de conditions d’emploi. En effet, on retrouve de meilleurs salaires (revenu médian de 7756 francs contre 6947 francs dans les médias sans CCT), des temps de travail mieux définis et des inégalités salariales hommes-femmes moins nombreuses. «Il n’y a qu’une bonne CCT qui garantisse des salaires corrects, en particulier au bas de l’échelle des rémunérations et pour les femmes. Cela vaut autant pour les salariés que pour les indépendants», souligne Stephanie Vonarburg, vice-présidente de Syndicom. C’est pourquoi les auteurs de l’enquête revendiquent l’urgence de conclure davantage de CCT dans les médias, rappelant qu’aucune convention n’a été signée en Suisse alémanique et au Tessin depuis seize ans pour la presse écrite et que seuls 6,9% des indépendants sont couverts par un tel outil.

Pour un journalisme attractif

Une offre médiatique de qualité et une diversité de la presse sont capitales dans une démocratie comme la nôtre, et la crise sanitaire actuelle nous l’a démontré encore plus clairement.

Pour la garantir, les auteurs de l’enquête appellent les acteurs médiatiques à investir d’urgence dans les conditions de travail pour assurer l’attractivité du secteur, et ainsi attirer des personnes bien formées et motivées à faire carrière dans le journalisme, et ce en leur offrant une perspective à long terme. «Bonnes conditions de travail et formation continue permanente sont la clé, affirme Pete Mijnssen, président de l’AJS. Ce sont les bases incontournables d’un journalisme spécialisé solide et fondé.»

De même, le rapport salue l’aide aux médias prévue par le Conseil fédéral, mais exige qu’on aille plus loin. «Ce soutien doit aller de pair avec de vraies améliorations pour les professionnels; employés et indépendants, qui font les médias au quotidien, avec un renforcement du partenariat social, et avec une meilleure couverture par des CCT, insiste Mélanie Berner, secrétaire spécialisée au SSM. Un soutien financier public ne doit être possible que si ces conditions sont respectées.»

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