L’amiante a encore de beaux jours devant elle
Du 29 avril au 10 mai dernier se tenait la 9e Conférence des Parties à la Convention de Rotterdam (COP-9) à Genève. Un rendez-vous qui a lieu tous les deux ans, et une nouvelle opportunité de faire un pas vers l’interdiction de l’amiante blanc en l’inscrivant sur cette fameuse liste rouge.
Le 7 mai, une vingtaine de syndicalistes et de représentants d’ONG suisses et asiatiques se sont réunis le matin devant le Centre international de conférences, banderoles à la main, pour appeler les délégués gouvernementaux du monde entier à faire le bon choix. «L’amiante tue», «Stop à l’exportation de la mort», ou encore «Justice pour les victimes de l’amiante» faisaient partie des slogans scandés dehors. Au même moment, à l’intérieur, le lobby pro-amiante menait une action contre l’inscription de la poudre dans l’annexe III de la Convention. «Malgré toutes les preuves scientifiques, 2 millions de tonnes d’amiante sont mises en vente chaque année sans se soucier de la souffrance qu’il provoque, faisant de ce matériau le premier tueur industriel, s’indigne Fiona Murie, de l’IBB. C’est un danger pour le public et pour tous les travailleurs du bâtiment.»
Pour Bernhard Herold, responsable du programme Asie à Solidar Suisse, l’existence même de la Convention de Rotterdam est remise en question. «Inscrire l’amiante chrysotile dans la Convention n’est pas synonyme d’interdiction mais cela implique qu’il soit soumis à la “procédure de consentement préalable en connaissance de cause”. Mais les pays producteurs savent que cela suffirait à ce que leurs acheteurs le boycottent.» Une autre manifestation a eu lieu l’après-midi sur la place des Nations. Mais cela n’aura pas suffi.
Le débat sur l’entrée, ou non, de l’amiante chrysotile dans la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam a eu lieu le lendemain, une fois tous les autres objets passés en revue. Les délégués des différents pays ont pris la parole, exposant leurs arguments pour ou contre son inscription sur l’annexe III. Cela a ensuite été au tour des organisations internationales, à savoir l’OMS et l’OIT, puis aux ONG, notamment Solidar Suisse et au lobby pro-amiante.
Au final, au moment du vote, dix pays au total s’y sont opposés. Il s’agit, comme en 2017, de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Syrie, de l'Inde, du Venezuela et du Pakistan. Trois petits nouveaux font leur entrée, à savoir Cuba, le Zimbabwe et l’Iran. Le consensus n’ayant encore une fois pas été atteint, le sujet a été renvoyé à la prochaine COP, en 2021. Cela étant, pour la première fois dans l’histoire de la convention, la Suisse a forcé le vote sur la création d'une annexe VII qui introduit un mécanisme de compliance. Même s’il n'est pas directement lié à l'amiante, il va pouvoir rendre possible toute évolution de la convention. «L'action de la Suisse a permis de sauver cette Convention d'un désastre total et ouvre quelques pistes pour l'avenir, conclut Bernhard Herold. Elle est cependant encore loin d'avoir prouvé une efficacité véritable.»