A Genève, le Conseil d’Etat annonce avoir encore besoin de temps pour se positionner sur le dossier Uber. Les syndicats exigent de la transparence et l’arrêt de l’application pendant le processus
La décision, ou plutôt la non-décision, du Département genevois de l’économie et de l’emploi (DEE) concernant Uber est tombée le 14 octobre. Alors que ce dernier devait trancher avant le 15 octobre sur le conflit qui oppose la multinationale et les chauffeurs, représentés par les syndicats Unia et Sit, il a décidé... de rendre sa décision dans les semaines à venir et de prolonger, une nouvelle fois, la suspension de l'interdiction d'Uber.
Pour rappel, début octobre, après de longues semaines de négociations tripartites, les chauffeurs rejetaient la proposition soumise par Uber pour régler la question des arriérés de salaires, la jugeant humiliante et largement insuffisante. «Le temps des discussions entre partenaires sociaux est désormais révolu et laisse place au contrôle administratif par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT)», souligne le DEE dans son communiqué de presse. Une nouvelle phase qui nécessite une analyse approfondie, et donc du temps: quelques semaines à en croire la communication officielle du département. «La proposition envoyée le 12 octobre par Uber ne peut être examinée par les services du DEE que du point de vue du droit public, soit la déclaration aux assurances sociales et le respect du salaire minimum légal durant la période concernée. En clair, il s’agit ici de calculer la différence entre les montants dus et les montants perçus, et de déterminer si les mesures annoncées par l’employeur permettent ou non de la couvrir. Ces calculs, très complexes, requièrent d’estimer notamment la durée du travail et les frais professionnels. Le remboursement des frais fait habituellement l’objet de convention entre les parties au contrat de travail. Convention ici manquante, par définition, puisque jusque-là les chauffeurs étaient considérés comme des indépendants, et devaient ainsi supporter eux-mêmes leurs frais professionnels.» C’est donc l’OCIRT qui rendra la décision finale de conformité au droit public, ou non, à l’encontre d’Uber sur la question des arriérés.
Transparence exigée
La réaction des syndicats ne s’est pas fait attendre. Unia et le Sit exigent que les modalités de mise en conformité annoncées par Uber soient communiquées immédiatement aux chauffeurs et que l’application soit suspendue en attendant le verdict. «Nous pouvons tout à fait entendre que le département veuille prendre le temps de contrôler la validité des éléments, mais nous demandons à en connaître la teneur», réclame Helena Verissimo de Freitas, secrétaire régionale adjointe d'Unia Genève. «De même, tant qu’Uber ne respectera pas ses obligations, nous continuerons à revendiquer l’arrêt de la plateforme. Tout cela commence à bien faire! Uber doit se mettre en conformité depuis le mois de juin. Il y a un énorme ras-le-bol des chauffeurs qui veulent pouvoir aller de l’avant.» Une manifestation des chauffeurs de taxi a justement eu lieu vendredi dernier, qui demandent, eux aussi, qu’Uber se mette urgemment en conformité afin que cesse la concurrence déloyale au bout du lac.
Les syndicats dénoncent, une fois de plus, la manière de procéder d’Uber. «Les chauffeurs sont les premiers concernés, et il n’est pas admissible que leur employeur réserve sa communication au département sans en informer ses employés et leurs représentants, démontrant ainsi une fois de plus son mépris du partenariat social», regrettent-ils dans un communiqué commun. Alors qu’aux dernières nouvelles, Uber refusait toujours de reconnaître le temps de connexion comme du temps de travail et de prendre en charge la totalité des frais professionnels des chauffeurs, les craintes sont légitimes.
Uber hors la loi
S’il faudra encore patienter plusieurs semaines pour régler le passé, le présent pose tout autant de problèmes. Unia insiste: le modèle proposé par Uber avec la société partenaire MITC Mobility n’est pas non plus conforme à la loi. «Si les chauffeurs sont engagés par une entreprise tierce et travaillent pour Uber, il s'agit de location de services, comme l'avait déjà constaté le Seco en 2018 alors qu'Uber collaborait déjà avec plusieurs sociétés partenaires», rappelle Unia dans un communiqué de presse national. Pour exercer dans les règles de l’art, l'entreprise de location de services doit disposer d'une autorisation, ce qui n'est pas le cas de MITC Mobility, et doit appliquer la Loi sur le service de l'emploi et la location de services (LSE) et la Convention collective de travail (CCT Location de services). Là encore, ce n’est pas le cas…