Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Quand le climat s’invite à l’usine

Différents moments de l'assemblée.
© Thierry Porchet

L’assemblée de l’industrie s’est déroulée dans une ambiance studieuse et créative. Les participants ont évoqué différentes pistes pour faire face au dérèglement climatique. Ils ont aussi discuté des réponses à apporter à la volonté patronale de flexibiliser le temps de travail en cas de pénurie d’électricité.

Le climat, les risques de pénurie d’électricité et les exigences patronales de flexibilisation étaient au cœur de l’assemblée de l’industrie d’Unia Neuchâtel. Echanges passionnants et constructifs

Tableau apocalyptique dressé par une docteure en sciences ce samedi 28 janvier au Locle. Dorota Retelska, enseignante et blogueuse au Temps, présente les conséquences du dérèglement climatique. Non pas les catastrophes qui auront lieu dans dix ou vingt ans. Mais aujourd’hui et maintenant. Devant les travailleuses et les travailleurs du secteur de l’industrie d’Unia Neuchâtel, réunis en assemblée générale, la scientifique égraine des faits et des chiffres: records de chaleur avec 46 °C en France en 2019, 48,8 °C en Italie en 2021, 40 °C en Angleterre et 39 °C en Suisse en 2022. Des vaches sans eau sur nos alpages, des récoltes affectées. «Ça a été la pire sécheresse en Europe depuis 500 ans. Elle a provoqué entre 20000 et 25000 décès», explique-t-elle. Au Canada, l’an passé, la température est montée à 49,7 °C à Lytton. «La commune a été évacuée. Après quelques jours, elle a pris feu.» Il y a aussi les inondations ayant touché l’Europe en 2021, et l’immense glissement de terrain survenu en Allemagne. Dorota Retelska rappelle que la Terre s’est réchauffée de 1,2 °C en 50 ans, et la Suisse de 2 °C. A l’échelle de la planète, une hausse de 2 °C provoquerait des inondations beaucoup plus fortes et fréquentes sur 94% du territoire européen. Et de donner quelques conseils pour sortir de sa voiture prise dans les flots… Science-fiction? Non, des recommandations publiées ce mois de janvier dans les médias californiens.

«Si rien n’est fait face à ces changements climatiques, on va vers des catastrophes globales. A Davos, António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a dit que le climat est la menace la plus importante pour l’économie mondiale», poursuit la scientifique, demandant s’il ne serait pas préférable de produire des pièces en Suisse plutôt qu’en Chine, l’absence d’une seule d’entre elles pouvant bloquer toute une usine. Et de présenter quelques solutions: les énergies renouvelables, solaire et éolien, la diminution des constructions en béton, la plantation d’arbres et la réduction de 40% du temps de travail, qui permettrait de produire les mêmes biens qu’aujourd’hui, ou même une baisse à 9 heures par semaine pour ne fabriquer que ce dont on a besoin.

Quelle position en tant que syndicat?

S’est ensuivie une discussion riche et animée, ancrée dans le quotidien des membres présents. «Quelles sont les règles pour la fermeture des chantiers en cas de fortes chaleurs? Dans nos ateliers, il arrive aussi que nous montions à 40 °C!» demande un travailleur. «Faut-il arrêter de croître?» s’inquiète un autre. «Peut-on récupérer le CO2?» «Le solaire et les éoliennes existaient déjà dans les années 1980. Pourquoi ne pas les avoir développés?» questionne un salarié. «Il y a le problème du lobby pétrolier et la courte vue des politiciens», répond un militant avant d’ajouter: «Guterres n’a aucune crédibilité. Nous sommes dans une société productiviste, elle va s’enrayer. A nous de réfléchir comment faire pour lutter contre le réchauffement.» Les craintes face aux 500 millions d’euros investis en Europe pour le nucléaire sont aussi exprimées. Un travailleur souligne: «Nous, membres d’Unia, ne devons pas nous extraire du monde où l’on vit. Comment, en tant que syndicat, se positionne-t-on par rapport à ça? C’est nos emplois.» Des réponses sont esquissées, telles que la réduction du temps de travail et la reconversion industrielle, par les salariés eux-mêmes, avec leurs compétences et leur savoir-faire.

Non à plus de flexibilisation

«Il y a une problématique centrale, c’est que les employeurs veulent des profits et, vous, des emplois. On produit dans d’autres pays plutôt qu’en Suisse. Rien n’a changé depuis des années, mais avec le Covid, qui a généré des arrêts de production, et la guerre en Ukraine qui a accéléré la crise énergétique, il y a une prise de conscience», indique Silvia Locatelli, secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel, lançant le débat sur de récentes attaques patronales en matière de temps de travail en lien avec les risques de pénurie.

Face à la possible imposition d’une baisse de 10% de la consommation d’électricité, plusieurs entreprises horlogères se sont approchées du syndicat pour discuter de la mise en place d’horaires fluctuants, avec notamment une hausse du travail le samedi. Répartis en trois ateliers, les membres discutent des lignes rouges à ne pas franchir sur la question, des aménagements et des alternatives possibles, et des moyens d’action si les échanges se durcissent avec les patrons. Des positions claires en ressortent: non à plus de flexibilisation du travail et au travail sur appel. Un problème déjà présent, qui révèle la vulnérabilité des frontaliers n’osant pas refuser de travailler les samedis si le patron le leur demande. D’autres solutions sont évoquées par les employés: doter les usines de groupes électrogènes et de panneaux solaires, ralentir le mouvement du personnel, avec les gains de santé qui suivront, et celui des machines qui sont très énergivores, et diminuer la durée du travail. Quant aux moyens d’action si le ton monte avec le patronat, les avis sont tranchés. «Notre force, c’est la grève», lance un ouvrier. Un collègue, plus dubitatif sur la possibilité d’organiser des arrêts de travail, propose de réduire les cadences. «Si tous jouent le jeu, le patron est cuit!» souligne-t-il. «Nous devons nous réorganiser collectivement au sein même des entreprises, ajoute un autre. Dans les usines, c’est de plus en plus impersonnel. Il faut qu’on y crée des lieux pour échanger sur nos conditions de travail et faire des propositions.» Face à la détermination des membres, Silvia Locatelli conclut: «Si vous recevez un préavis de modification du temps de travail, avertissez-nous. N’agissez pas tout seuls.»

Voir également: "C'est brutal, on veut travailler et on vous claque la porte".

Vers la grève des femmes

L’assemblée générale de l’industrie a aussi abordé les renouvellements des CCT de l’horlogerie et des machines, dont les négociations commencent en mars. Ainsi que les résultats obtenus au niveau des salaires. Autre point central: les préparatifs de la grève des femmes du 14 juin 2023. A Neuchâtel, Unia se focalisera sur trois branches phares: l’horlogerie, les soins et l’hôtellerie-restauration, et s’engagera pour de véritables grèves sur les lieux de travail, afin de faire pression sur l’économie et le pouvoir politique. La campagne débute déjà, avec un rendez-vous le 14 février pour la Saint-Valentin. Des tracts «Offrez-nous l’égalité!» seront distribués sur les lieux de travail.

Pour aller plus loin

Le Parlement vient au secours de la sidérurgie

Personnes défilant avec une banderole et des drapeaux Unia.

Le Conseil des Etats a suivi le National sur une réduction des taxes d'utilisation du réseau électrique pour l'industrie de l'acier et de l'aluminium. Les syndicats exigent un abandon définitif des licenciements prévus.

Timbrer pour aller aux toilettes est discriminatoire

manif

Unia dépose une requête de conciliation contre Singer SA afin de mettre fin à la pratique du timbrage des pauses pipi. Le syndicat invoque la Loi sur l’égalité.

Un licenciement collectif en guise de cadeau de Noël

L’entreprise Faulhaber SA a confirmé sa volonté de fermer le site de La Chaux-de-Fonds, supprimant ainsi une septantaine de postes de travail d’ici fin 2025.

Le Canton de Vaud au chevet du secteur industriel

élus vaudois et syndicat

Le Canton de Vaud a réactivé son fonds de soutien à l’industrie. Satisfaction d’Unia qui souligne aussi une meilleure prise en compte du respect des conditions de travail dans l’examen des dossiers.