Recettes contre la pauvreté
Unia réagit au Rapport social jurassien sur la pauvreté en suggérant plusieurs mesures pour améliorer le niveau de vie des salariés
La publication du Rapport social jurassien suscite les réactions des militants d’Unia Transjurane. Le comité régional fait le «constat amer» que ce document, présenté à mi-février par le Département de l’intérieur, «ne restitue pas une image réjouissante du canton du Jura». «Les indicateurs décrivent une région à bas revenu, où un salarié sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté, l’inégalité salariale hommes-femmes reste forte (18%), les chômeurs peinent à retrouver un emploi et dans laquelle une bonne partie de la population (40%) est à risque d’endettement, faute de moyens d’épargne», constate le syndicat dans un communiqué de presse envoyé à l’issue de la dernière séance du comité.
En 2010, le Parlement jurassien avait accepté une motion invitant le gouvernement à réaliser un état des lieux de la pauvreté comme il en existe dans d’autres cantons. Pas pressé, celui-ci a mis plus de huit ans pour réaliser cette enquête. «En considération du temps pris pour l’élaboration de l’étude, des chiffres plus récents et moins lacunaires seraient le minimum syndical», relève le syndicat, qui pointe l’absence de données cruciales ou l’imprécision de certaines.
Reste que le rapport montre une inquiétante progression de la précarité. La population bénéficiant de l’aide sociale est ainsi passée, entre 2014 et 2016, de 2,6 à 3% et la portion ayant recours aux prestations d’aide sociale de 6 à 6,9%; le risque de pauvreté, soit la proportion de ménages présentant un revenu disponible inférieur à 60% du revenu médian, est monté, lui, de 20,8 à 22,54%, entre 2013 et 2016; quant au niveau de chômage, il a, entre 2015 et 2017, grimpé de 4 à 4,6% et celui des chômeurs de longue durée de 21,9 à 26,3%. Selon l’indicateur de pauvreté de la Confédération, le Jura se place en vingtième position des cantons (sur 26) et à l’avant-dernière place, juste devant le Valais, sur le plan du salaire médian, inférieur de 13,3% à la moyenne suisse.
«La pauvreté dans le Jura est un problème endémique. Mais on n’ose guère en parler. Dans un pays riche, on n’a pas le droit d’être pauvre. Il y a tout de même chez nous des ouvriers qui sont pauvres, le phénomène des working poors existe bel et bien», explique Dominique Gassmann, président d’Unia Transjurane.
Revenu minimum...
Le syndicat suggère plusieurs mesures à court terme pour une amélioration concrète du niveau de vie des travailleurs jurassiens. «Il faut impérativement que le Parlement et le gouvernement s’attellent au problème. Nous ne sommes pas d’accord que quelqu’un qui travaille se retrouve au social. Il existe heureusement des associations comme Caritas et les Cartons du cœur pour les gens qui se retrouvent dans une situation difficile, mais ce que nous voulons, c’est que chaque travailleur puisse vivre de son salaire. Le salaire minimum cantonal doit être rapidement mis en place», estime le président. De manière sibylline, le Département de l’intérieur reconnaît que le salaire minimum «entre certainement dans le cadre des mesures permettant d’améliorer certains des indicateurs» de son rapport… Si le Parlement a bien voté la loi d’application sur le salaire minimum cantonal, fixant à 20 francs de l’heure la rémunération minimum, il a toutefois laissé deux ans aux employeurs pour s’adapter à la nouvelle législation et ce n’est qu’à partir de février 2020 qu’ils seront tenus de s’y conformer.
«On est dans une région sinistrée au niveau salarial, un canton frontalier avec des salaires nets de 3000 francs. Ce n’est pas la faute des travailleurs frontaliers, dont on a besoin, mais des patrons qui ne sont pas corrects et qui abusent avec des niveaux de salaires qui ne permettent pas de vivre», souligne le militant. Face à cette situation, Unia propose aussi de renforcer les conventions collectives de travail et les mesures d’accompagnement, ainsi que d’étendre celles-ci aux secteurs les plus précarisés, tels que le commerce de détail.
... et égalité salariale
Pour répondre au chômage des travailleurs âgés, le syndicat aimerait des investissements dans la formation et l’institution d’un fonds de retraite anticipée à l’image de la rente-pont vaudoise. «A partir de 50 ans, quand on est au chômage, on est dans la m… Un ouvrier de cet âge-là, les patrons estiment que ça coûte trop cher et n’en veulent plus», rappelle le mécanicien de précision.
Enfin, Unia demande l’application effective de l’égalité salariale. Le syndicat a d’ailleurs déposé l’année dernière une initiative cantonale en ce sens. «L’égalité salariale est primordiale, ça tombe tellement sous le sens, on ne devrait pas à avoir à en parler. Je ne vois malheureusement guère d’amélioration, je pense même qu’on est en train de régresser, soupire Dominique Gassmann. Il n’y a pourtant pas de différence à faire entre les humains, dès le moment où l’on fait le même travail, on doit être payé au même tarif. Je soutiens donc à fond le combat des femmes et j’espère que le 14 juin, à l’occasion de leur grève, la majorité des hommes seront comme moi aux côtés de leurs compagnes.»