S’enrichir avant tout
Occupation. Le 31 janvier, au nord des îles Canaries, des militants de Greenpeace ont périlleusement réussi à grimper sur le pont du White Marlin afin d’occuper le cargo de 51000 tonnes transportant la plateforme de forage Shell. A bord de ce monstre des mers, la banderole semble toute petite, mais le slogan est limpide: «Stop Drilling. Start Paying.» En français, «Arrêtez de forer. Commencez à payer.» A travers cette action, les militants protestent contre la poursuite de l’extraction de combustibles fossiles malgré la crise climatique. En effet, la plateforme se dirige actuellement vers la mer du Nord pour exploiter huit nouveaux puits dans le champ pétrolier Penguins. Par ailleurs, ils exigent de Shell – mais aussi de toutes les autres entreprises actives dans le secteur – qu’elles contribuent au fonds pour les pertes et dommages liés au réchauffement de la planète décidé lors de la COP 27. «Il est inacceptable que des entreprises comme Shell gagnent des milliards de dollars en détruisant notre avenir sans être inquiétées, s’indigne Georg Klingler, expert de Greenpeace Suisse sur les questions énergétiques et climatiques. Cela doit cesser! Shell doit payer pour les dommages causés par son activité.»
Profits historiques. Selon Greenpeace, d'ici à 2044, le britannique Shell pourrait extraire 45000 barils de pétrole par jour, dont la combustion produirait jusqu'à 45 millions de tonnes de CO2, soit plus que les émissions annuelles de la Norvège. L’ONG promet de ne rien lâcher, jusqu’à l’obtention de la justice climatique. «Nous ferons payer les pollueurs», assure Yeb Saño, militant philippin qui n’a pas pu monter sur la plateforme. Payer, on se doute que l’idée ne séduira pas Shell et ses confrères, pourtant ils en ont clairement les moyens. En effet, car le timing est parfait, Shell a publié ses résultats alors même que l’occupation était en cours et, sans surprise, les bénéfices battent tous les records. La multinationale a empoché 40 milliards de dollars en 2022. Le double par rapport à 2021.
Bénéfices triplés. Alors que la Banque mondiale estime qu’environ 95 millions de personnes sont passées sous le seuil de la pauvreté absolue à cause de la pandémie et de la guerre en Ukraine, et que les autres voient leur pouvoir d’achat diminuer comme peau de chagrin face aux prix qui flambent, il semblerait que ce ne soit pas la crise pour tout le monde. Comme toujours, quelques-uns tirent leur épingle du jeu. Souvent les mêmes. Et l’augmentation des prix du pétrole et du gaz à la suite du conflit en Ukraine aura grassement profité aux leaders du secteur… TotalEnergies, BP, ExxonMobil: ils ont tous doublé, voire triplé, leurs profits. La bonne nouvelle, enfin, c’est que l’Union européenne a voté un accord historique cet automne pour taxer ces superprofits. Une idée qui doit inspirer les autres Etats. L’heure est venue de passer à la caisse!