Solidaires dans les grèves à venir
Le 21 mai dernier, plusieurs milliers de manifestants ont défilé dans toute la Suisse pour dénoncer l’urgence climatique. Le point avec quatre personnes impliquées à Lausanne
La Grève pour l’avenir a sonné, le vendredi 21 mai, l’alarme climatique. Malgré un temps pluvieux, diverses activités et marches étaient planifiées tout au long de la journée aux quatre coins de la Suisse. La mobilisation avait pour objectifs de dénoncer la crise environnementale, les inégalités sociales ainsi que les violences faites aux femmes. Organisé par une large coalition comprenant des associations, syndicats et ONG rassemblés autour de la Grève du climat (Gdc) et de la Grève féministe, le mouvement a chiffré à quelque 30000 le nombre de personnes réunies pour l’occasion en Suisse. Selon la police, plus de 8000 participants ont manifesté à Lausanne. Ils étaient quelque 2500 à Genève, 800 à Neuchâtel et un millier à Fribourg.
Témoignages
Un mouvement en constante évolution
«Cette journée rend la Grève du climat légitime. Elle montre que notre organisation est capable de programmer un événement d’une telle envergure», explique Gary, 22 ans, chargé de communication pour la Gdc et effectuant un master en biologie moléculaire. Le jeune homme, à l’abri de la pluie sous une tonnelle, raconte l’évolution de la Gdc: «Nous avons fondamentalement transformé notre structure et nos modes de fonctionnement internes. Nous ne sommes plus simplement un groupe de jeunes organisant des grèves ou des manifestations. Aujourd’hui, nous nous coordonnons et collaborons avec plusieurs entités intermédiaires comme les syndicats, les jeunesses de partis ou encore les ONG.» Et de souligner qu’à travers cet élargissement, la population des manifestations change et les revendications se concrétisent. Avec, notamment, le Manifeste de la Grève pour l’avenir, un texte articulé autour de 14 thèmes et diverses revendications. «L’objectif de la Gdc serait, dans le futur, d’unifier les forces progressistes de gauche dans un mouvement social de masse», conclut Gary en souriant.
Le climat comme enjeu de santé publique
Engagée dans la Grève pour l’avenir comme secrétaire syndicale du Syndicat des services publics, Vanessa Monney, 33 ans, a rédigé, avec des militants syndicaux de la santé, plusieurs revendications concrètes pour diminuer le bilan carbone de ce secteur: adaptation du cahier des charges pour prendre en compte la question environnementale, arrêt des investissements des caisses de pension dans les énergies fossiles, réduction du temps de travail ou encore lancement de campagnes de sensibilisation pour alerter employés et patients. Autant de buts à atteindre, pour faire face, selon la syndicaliste, à l’urgence de la crise climatique. «Le secteur de la santé est responsable de 4,4% des émissions nettes mondiales de gaz à effet de serre! Cela montre que le domaine des soins consomme énormément d’énergie et crée beaucoup de gaspillage notamment en termes de matériel médical.» Vanessa Monney ajoute, avec conviction, que la transition écologique n’est aujourd’hui plus un choix: «Le climat est un enjeu de santé publique. Le but de la Grève d’aujourd’hui est d’impliquer les secteurs professionnels de tout le pays. Nous devons faire converger les luttes afin de renverser ce système qui détruit la planète, exploite les salariés et domine les femmes. Pour ce faire, il est crucial que les gens s’organisent collectivement, car ce n’est qu’avec le soutien du plus grand nombre que l’on changera les choses.»
Justice sociale et reconversion
«Solidarités Vaud a réalisé un tract pour la Grève pour l’avenir dans lequel il s’aligne sur une transition juste et écologiquement durable», explique Noémie, 25 ans, secrétaire à Solidarités Vaud et militante à la Grève féministe. Elle ajoute, en désignant une banderole «Pour des emplois durables pour toutes et tous», qu’on ne peut pas aujourd’hui parler de lutte écologique sans prendre en compte les questions de justice sociale et de reconversion professionnelle. «C’est d’ailleurs pour ces raisons que Solidarités s’oppose à la Loi CO2 le 13 juin prochain.» La militante précise que, pour renverser les politiques bourgeoises et néolibérales actuelles, il faut une véritable mobilisation sociale et la mise en place de rapports de force. «Les gens doivent agir en s’informant et en rejoignant des mouvements comme la Grève pour l’avenir afin d’aboutir à des revendications communes.» Noémie, heureuse quant à l’organisation collective de la journée, se réjouit du travail accompli. «Cette force d’articulation entre les luttes est positive pour un pays comme la Suisse qui n’est, à la base, pas le paradis de la mobilisation syndicale et sociale.»
Enseigner le climat
Cora Antonioli, 44 ans, enseignante dans un gymnase et vice-présidente du Syndicat des services publics, a adressé, avec plus de la moitié de ses collègues, dans le cadre de la Grève pour l’avenir, une résolution à Nuria Gorrite, présidente du Conseil d’Etat, et Cesla Amarelle, cheffe du Département de la formation et de la jeunesse. «Nous demandons, notamment, une adaptation des programmes scolaires actuels en concertation avec les enseignantes et enseignants qui nous permette d’informer et de mener nos élèves à réfléchir à la question climatique. Pour y arriver il faut, par exemple, nous donner les moyens et le temps de suivre des formations sur le sujet. Cette thématique doit encourager les collaborations entre disciplines», rapporte la professeure qui ajoute qu’une autre des revendications stipule la mise en place, dès la rentrée 2021, du Plan Climat vaudois. Ce dernier, selon les enseignants, contiendrait des «mesures timides et des investissements beaucoup trop modestes». Cora Antonioli se réjouit, en conséquence, de cette journée d’action qui sonne pour elle le départ d’une mobilisation de grande envergure. «Notre objectif serait, dans le futur, de mener une grève en tant que travailleur avec des revendications sur nos conditions de travail!»