En apprenant qu’un livre allait être publié sur la vie de Vevey au tournant du XXe siècle, assez chauvin pour ma ville, je l’ai immédiatement commandé pour l’ajouter à tous les documents déjà lus sur ce thème et entassés dans ma bibliothèque. Son titre: Vevey 1860-1914, une belle époque. Je n’ai pas repéré que l’auteur, Daniel Reymond, y avait ajouté un point d’interrogation…
Si l’énergie entrepreneuriale de cette période est décrite avec enthousiasme, si ceux qui installent le gaz, l’électricité, la distribution de l’eau sous pression sont bien mis en évidence, si le fait que Vevey est considérée, à cette époque, comme la deuxième ville du canton, est souligné avec forces statistiques, si son cadre géographique privilégié et son climat expliquent la construction de nombreux hôtels de grand confort vingt ans avant Montreux, l’auteur consacre de nombreuses pages à la misère ouvrière qui caractérise cette belle époque. Et cela est assez rare pour être souligné.
Dans sa préface, Françoise Lambert, directrice du Musée historique de Vevey, son ancienne étudiante, ne s’étonne pas de retrouver Daniel Reymond avec ses convictions humanistes, sa révolte contre les injustices sociales, son intérêt pour les mouvements populaires, notamment les révolutions. S’il n’y a pas eu de révolution à Vevey au tournant du siècle, les grèves et les manifestations très nombreuses et brutales n’ont pas manqué. L’auteur s’attarde sur le temps de travail, sur les salaires de misère, sur les conditions d’habitat et d’hygiène déplorables des ouvriers qui ont réalisé cette formidable expansion de l’économie veveysanne et régionale.
Pour établir cette large fresque sur ce tout petit territoire, l’auteur a l’humilité de citer ses sources en reprenant les chiffres et les commentaires des témoins, des acteurs et enfin des historiens auxquels il se réfère. Il note leurs noms et copie leurs textes présentés en italique. Cela m’a donné le plaisir supplémentaire de rencontrer de nombreux amis. Il faut dire notre reconnaissance à un historien qui sait, à côté des faits historiques, des succès industriels, des réalisations spectaculaires, décrire avec force les conditions de travail et d’habitat de la classe laborieuse, celle qui a souffert pour réaliser de grandes choses.
Ce livre a été publié par les Editions de la Thièle à Yverdon-les-Bains (editions-thiele.com). Il est d’une facture remarquable, rempli de photos plus originales les unes que les autres. Il mérite un large coup de chapeau.