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Vers un vide conventionnel dans la construction fribourgeoise?

Un ouvrier boit de l'eau
© Thierry Porchet / Archives

Les syndicats ont demandé, sans succès, que le travail s’arrête à 13h15 lorsqu’il fait 34 degrés ou plus, mais aussi après deux jours consécutifs à plus de 32 degrés. 

Après le refus des patrons du secteur de signer un accord protégeant les travailleurs lors de canicules, les syndicats annoncent la fin du fonds paritaire

Gros coup de tonnerre dans le secteur de la construction à Fribourg. Les représentants des employeurs ayant refusé à deux reprises d'entrer en matière sur des solutions proposées par les syndicats pour protéger la santé des travailleurs en cas de grosses chaleurs, Unia et Syna ont annoncé hier la mort de Fribourgfonds, le fonds paritaire du secteur. «C'est un manque de respect total de la part de la Fédération fribourgeoise des entrepreneurs (FFE) qui se montre irresponsable», a commenté François Clément, secrétaire régional d'Unia Fribourg, lors d’une conférence de presse convoquée le 9 juillet. «Sans accord, il n'y a donc plus de Convention collective de travail (CCT) locale, et plus de fonds paritaire. Tout tombe.» Et son confrère Ernesto Suarez, d'ajouter.  «Ils jouent avec des vies! Travailler sur un chantier est dangereux et être exposé à de fortes chaleurs peut entraîner de graves accidents.»
Comment en est-on arrivés là? Pour rappel, dans le canton de Fribourg, les travailleurs de la construction bénéficient d'une CCT locale avec des paramètres supplémentaires à la Convention nationale (CN). Depuis 2020, des discussions ont cours entre les partenaires sociaux pour renégocier cette CCT, notamment l'annexe 5 qui règle la question de la protection des ouvriers en cas de canicule. Un accord semble être trouvé en août 2023: à 31 degrés, on se met à l’abri, le travail s'arrête l'après-midi et les heures en moins sont compensées par le Fribourgfonds (alimenté par des cotisations surtout salariales, et patronales). Mais la FFE crée la surprise en refusant de signer au dernier moment. De nouvelles négociations ont lieu en avril 2024. «Nous nous sommes montrés raisonnables, nous avons fait l'effort de reprendre la discussion», explique François Clément. La deuxième solution, proposée par les syndicats, revoyait leurs exigences à la baisse mais restait satisfaisante. Le travail devait s’arrêter à 13h15 lorsqu’il fait 34 degrés ou plus, mais aussi après deux jours consécutifs à plus de 32 degrés. La FFE balaie aussi cette suggestion et la situation se tend. «Nous avons laissé une ultime chance aux patrons de nous faire une proposition de leur côté. Fin juin, nous avons reçu une lettre hallucinante qui nous propose, en gros, de signer la CCT en l'état sans régler la question de la canicule et de voir si on trouve une solution un jour... c'est juste inacceptable!»

Des milliers de maçons en danger cet été

Jorge Casal est maçon et président du gros œuvre à Unia Fribourg. «Il y a eu un mort sur un chantier à Fribourg à cause de la chaleur il y a quelques années. Combien d'autres faudra-t-il encore pour que les employeurs agissent?» «Nous sommes face à un mur», ajoute François Clément. «Nous avons montré notre bonne volonté et on s'est fait avoir, à deux reprises. C'est insultant. Nous n'avons pas d'autre issue possible. La balle n'est plus dans notre camp.»
Ernesto Suarez se dit préoccupé pour cet été et les quelques 4000 travailleurs concernés. «Nous avions tout pour avancer et concrétiser un accord avant les grosses chaleurs. Maintenant c'est trop tard.»
Unia et Syna assurent qu'ils seront présents massivement sur les chantiers pour contrôler que les dispositions du Seco et de la Suva sont bien respectées. «C'est un échec du partenariat social. A présent il s'agit de le reconstruire.» Les syndicats espèrent que les patrons «reviendront à la raison» et que des avancées concrètes pourront être réalisées. Sans quoi, la dissolution du Fribourgfonds à la fin de l'année ne sera plus une option. 

La FFE réagit

Contacté, David Valterio, le directeur de la FFE nous a renvoyés à ses déclarations auprès des autres médias. Dans La Liberté, ce dernier dit regretter la manière de communiquer des syndicats. «Ils étaient au courant que nous allions nous réunir à deux reprises afin de discuter de leur courrier. Nous ne sommes pas d'accord uniquement sur un point de la CCT. Pour notre part, les discussions ne sont pas rompues.» David Valterio explique les raisons du rejet de la proposition syndicale, toujours dans les colonnes de la Liberté: «Il y a des discussions au Parlement, mais aussi à l’échelle cantonale pour les métiers du second œuvre. Il serait paradoxal de vouloir devancer ces démarches. Nous voulons une vision sur le long terme, et Fribourgfonds n’est pas sans plancher.» 

«C'est comme travailler dans un fourneau»

Jorge Casal raconte l'enfer des maçons en été. «Quand il fait 31 degrés et qu'on se trouve à côté d'un panneau de coffrage, le ressenti est de 35, voire 36 degrés. Le béton est tellement chaud qu'on ne peut pas le toucher. Le goudron c'est encore pire! Les UV sont très forts et donc très dangereux pour nous. De plus on marche énormément sur les chantiers, parfois jusqu'à 10 kilomètres par jour. C'est très dur. Nos gestes sont moins précis et donc l'accident de travail est toujours plus probable.
On ne demande pas la lune! On ne demande pas à ne pas travailler du tout, mais à commencer plus tôt et être au repos l'après-midi. Et puis, on ne parle pas de semaines entières, l'an dernier, nous avons eu 6 à 7 jours à 32 degrés et un jour à plus. C'est plus que faisable! La FFE nous a dit qu’il y avait encore trop d'inconnues pour s'entendre, mais je ne vois pas lesquelles... » 

 

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