* L’exposition «Refugees» est ouverte jusqu’au 28 avril, les vendredis et samedis de 20h30 à 23h, ou sur demande auprès des Citrons Masqués: info [at] citronsmasques.ch (info[at]citronsmasques[dot]ch) ou de l’artiste: suryamaderi [at] gmail.comou Facebook: Suryasartistic. Citrons Masqués, rue des Pêcheurs 4, 1400 Yverdon-les-Bains.
Surya Diez Maderi, peintre hispano-suisse, expose sa série «Refugees» aux Citrons Masqués à Yverdon-les-Bains
Des regards, des visages, des scènes, dures, empreintes de douleur. Les tableaux de Surya Diez Maderi, artiste suisse et espagnole, sont chargés d’une émotion si forte que l’on imagine la jeune femme de 25 ans yeux dans les yeux des personnes qu’elle représente, là, sur ses toiles. Et pourtant, elle n’est jamais allée en Syrie, en Afghanistan ou en Palestine. Les réfugiés, elle les côtoie ici, ou à Barcelone où elle a vécu. Sa peinture émane d’un travail de fond, à partir d’images de presse et de recherches, sur le Net notamment, pour comprendre, savoir, connaître les raisons et les chemins de l’exil.
«Depuis pas mal d’années, on parle des réfugiés comme s’ils n’étaient qu’un mot, et pas des personnes, en chair et en os. Nous sommes souvent confrontés dans notre pays à une idéologie raciste. Les gens ne voient pas que ces personnes ont vécu des choses que l’on ne vivra jamais. Je trouvais inhumain d’oublier leur histoire. Je voulais redonner à ces personnes leur statut d’être humain.»
Des yeux vides, des regards voilés
Il y a trois ans que Surya Diez Maderi s’est lancée dans ce projet, s’inspirant de photos d’actualité. «Je m’imprègne des images, des impressions, des émotions qu’elles transmettent. J’ai vu par exemple un reportage sur des Erythréens, tous au bout du rouleau, vidés de leurs forces. Malgré tout, ils s’entraidaient. Il y avait une douceur malgré leur situation et leurs regards de dépit, et de révolte aussi. Chez les Syriens, ce qui m’a frappée, ce sont des yeux vides, sans émotion, tellement ils ont vu d’atrocités. Une ombre, un voile, s’étaient posés sur leur regard.» Dans sa nouvelle exposition, inaugurée le 6 avril aux Citrons Masqués* à Yverdon-les-Bains, l’artiste s’approche d’un tableau de deux fillettes yazidis, qui avaient été enlevées et transformées en esclaves sexuelles. Leur regard est perdu, porteur d’une profonde résignation. Une image forte, déstabilisante. «J’ai besoin d’honorer ces personnes, dit Surya. Si elles étaient là, je leur offrirais ces tableaux.»
Son message, sa volonté de casser les préjugés, Surya Diez Maderi l’exprime dans un style prégnant inspiré d’un mélange inattendu entre le street art, l’art de la rue, et l’impressionnisme. Et avec une technique mixte, mêlant l’acrylique, le posca, gros feutre de grapheur, et le crayon. Un art décalé et culturel. «Décalé? C’est parce que je ne respecte aucune technique, aucune tradition, et je le revendique clairement.»
Le besoin de témoigner
Surya Diez Maderi vient aussi de remporter le 1erPrix du Festival de la culture à Berne, organisé en mars dans le cadre de la Semaine contre le racisme. Elle souhaiterait davantage collaborer avec des associations soutenant les réfugiés pour présenter son travail. Et s’attelle déjà à son prochain projet, celui de créer des miniséries, sur les Rohingyas par exemple.
«J’ai aussi réalisé une série plus “trashˮ, de photos qui m’ont marquée. C’était un besoin de peindre ces images, de parents hurlant dans les ruines, le corps de leur enfant dans les bras, ou cette barque pleine de réfugiés morts déshydratés. Ces œuvres, je les revendique, même si je n’ose pas les montrer...» Elles sont pourtant là, posées discrètement sur une petite table, dans un classeur à l’abri des regards des personnes sensibles.