Plus de 200 personnes ont manifesté à Lausanne pour un accueil digne des jeunes migrants dans les foyers du canton de Vaud
La grande majorité des éducateurs des foyers pour mineurs non accompagnés (MNA) du canton de Vaud, soit une quarantaine environ, ont fait grève mardi 24 avril. Leur demande principale: un accueil digne pour les enfants migrants arrivés en Suisse sans leur famille.
Sur la place du Château à Lausanne, quelque 200 personnes, dont une majorité de collègues de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (Evam), les ont rejoints pour manifester leur indignation. Leur revendication principale: une égalité de traitement entre les enfants migrants et les enfants placés dans les foyers par le Service de protection de la jeunesse (SPJ).
Le cortège, bruyant, s’est arrêté devant les bureaux de la conseillère d’Etat Cesla Amarelle, en charge de la Jeunesse, puis devant ceux de son homologue Philippe Leuba, en charge de l’Economie et de la politique migratoire et donc officiellement du dossier concernant les MNA. Si la première est venue écouter les témoignages poignants des travailleurs sociaux, le second a préféré éviter les huées des manifestants.
«Qui grandit avec un uniforme à la maison?» questionne une éducatrice, soulignant le manque d’éducateurs la journée, remplacés par des agents de sécurité, sprays au poivre dans la poche, la nuit.
«Il nous est arrivé d’être plus de 30 dans 26 m2 pour manger», dénonce une de ses collègues. Un espace vital insuffisant, source de bagarres et de tensions. D’autant plus que ces jeunes ont vécu des traumatismes, liés à la guerre et à leur route migratoire. «Ils ont tout laissé derrière eux, ils doivent tout réapprendre, sans relais familial. Leur prise en charge devrait être d’autant plus étroite. Surtout que la majorité va rester en Suisse. Nous devons nous donner les moyens. Or, on les traite non pas comme des enfants, mais comme des migrants. Lorsqu’un enfant a besoin d’un suivi psychologique, on le parque dans une chambre d’hôpital pour adulte!»
«M. Leuba et Mme Amarelle nous ont écoutés, mais ils continuent de mettre des pansements sur des plaies ouvertes», image un éducateur, banderole en main.
Fermeture d’un foyer
Si les problèmes sont récurrents depuis des années au sein de l’Evam, l’annonce de la fermeture d’un des quatre foyers de mineurs a accentué le malaise, même si le nombre d’arrivées a diminué (dû aux politiques européennes de plus en plus restrictives). En mars, lors d’une assemblée générale, les éducateurs ont dressé une liste de revendications dont l’annulation de cette fermeture, la mise en place d’un véritable accueil en intégrant notamment les foyers MNA aux politiques socioéducatives cantonales, l’arrêt de renvoi d’enfants vers des structures pour adultes. Au niveau du personnel, l’assemblée a demandé la transformation des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, une égalité de traitement entre employés de l’Evam et le personnel du secteur social parapublic vaudois.
Timothée Alder, assistant social à l’Evam et délégué syndical du SSP, relève: «Les foyers pour mineurs ont été créés sur le modèle des foyers pour adultes. On demande donc un changement de paradigme, un autre regard sur ces mineurs. Logiquement, le département de la jeunesse devrait prendre en charge ces jeunes. On a senti une bonne écoute de Mme Amarelle. Mais on a besoin de concret maintenant. Je pense que ces jeunes ont droit à un futur!» Des propos qui font écho à un autre témoignage d’une éducatrice qui met en avant la grande vulnérabilité de ces jeunes, des troubles du comportement, une difficulté d’intégration, un décrochage scolaire. «Dans les foyers, le besoin d’accompagnement est important. Jusqu’ici la présence éducative n’est pas suffisante. Réagissons maintenant! N’attendons pas qu’il soit trop tard!»
De nouvelles négociations devraient avoir lieu ces prochains mois et une résolution «Pour des conditions d’accueil dignes des mineurs non accompagnés» devrait être débattue lors de la prochaine séance du Grand Conseil. Jean-Michel Dolivo, député d’Ensemble à Gauche, assène: «M. Leuba a parlé de ces jeunes en termes de “clientsˮ. Ce qui est frappant et en dit long sur la manière dont il traite la question des jeunes mineurs non accompagnés.»