Certains le surnomment le «Trump tropical».On imagine facilement le tableau. Jair Bolsonaro, 63 ans, incarne une extrême droite brésilienne décomplexée, misogyne, raciste, homophobe, ultrasécuritaire et pro armes à feu. Malgré tout, le député fédéral a raflé 46% des votes au premier tour de l’élection présidentielle du 7 octobre dernier, semant la gauche et notamment le Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis douze ans. Un raz de marée. Les élections législatives, qui ont eu lieu en même temps, n’ont fait que confirmer cette ascension fulgurante du Parti social libéral, formation jusqu’ici minoritaire, qui est passée de 5 à 52 sièges en un claquement de doigts. Confortant, ou intronisant, au passage ses deux fils à la Chambre des députés et au Sénat…
L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro,qui ne serait, selon les observateurs du monde entier, qu’une formalité, est une menace pour le pays. A celui qui se défend d’être un homme «honnête et droit», on reconnaît au moins une franchise assumée. Les déclarations chocs s’enchaînent depuis quelques années. Grand nostalgique de la dictature militaire de 1964 à 1985, cet ancien officier pense que «l’erreur de la dictature a été de torturer sans tuer». Il se dit en faveur des mauvais traitements infligés aux enfants «si ceux-ci présentent des tendances homosexuelles» et préférerait que son fils «meurt dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu». Pour lui, être entrepreneur au Brésil est une «disgrâce» à cause de «toutes ces lois du travail», notamment «l’addition» à payer en cas de congé maternité. Enfin, cet évangélique récemment converti, largement soutenu par sa communauté, aime dire que «l’Etat laïc n’existe pas» et qu’il est profondément chrétien.
Ajoutez à cela un programme économique ultralibéralcomprenant des privatisations massives, un discours sécuritaire conservateur (libéralisation du port d’armes, amnistie des crimes de policiers et fin des aménagements de peine) et une politique de suprématie de l’agrobusiness au détriment de l’environnement et des communautés autochtones. Son rival Fernando Haddad (PT) a jusqu’au 28 octobre pour tenter d’inverser la tendance et de mobiliser un front républicain, mais ce sera difficile. Alors que le parti de Lula et de Dilma Rousseff est impliqué dans l’un des plus grands scandales de corruption de l’histoire et jugé responsable de la crise économique, l’insécurité et les inégalités n’ont jamais été aussi criantes. Ce vote de contestation exprime ni plus ni moins le ras-le-bol et la colère des Brésiliens. Une vague sur laquelle Jair Bolsonaro se donne un malin plaisir de surfer…