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Le droit à l’information en jeu

Révocation de l’asile diplomatique accordé par Quito à Julian Assange, héros pour d’aucuns, personnage sulfureux pour d’autres, figure emblématique dans tous les cas de la transparence et de l’information sans filtre. Le 11 avril dernier, le fondateur de WikiLeaks a été délogé de l’ambassade équatorienne à Londres où il avait trouvé refuge depuis 7 ans. Son arrestation, filmée, en aura choqué plus d’un. Extirpé sans ménagement de sa retraite par des policiers britanniques, l’homme, barbe hirsute et cheveux blancs en bataille, est apparu affaibli, plus vieux que ses 47 ans. Sa dignité malmenée, il portait les signes tangibles de longues années de réclusion. Le cybermilitant australien, qui avait édité plusieurs dizaines de milliers de documents américains classés secret défense, a ainsi été lâché par le président équatorien, Lenín Moreno. Motif évoqué: il aurait violé les conditions liées à son accueil. Plus vraisemblablement, l’expression du rapprochement opéré par Quito avec Washington qui réclamait son extradition, l’homme fort du pays s’étant clairement distancé de la ligne politique de gauche suivie par son prédécesseur. Quoi qu’il en soit, le journaliste a été remis aux mains de la justice britannique.

Rappelons que Julian Assange s’était réfugié à l’ambassade équatorienne de peur d’être livré à la Suède où il était poursuivi pour viol et agression sexuelle présumés de deux femmes. Dossiers qui, depuis, ont été classés. Même si une plaignante, par la voix de son avocate, a d’ores et déjà annoncé vouloir demander une réouverture d’enquête... L’Australien avait botté en touche les accusations. Et exprimé ses craintes d’être livré par Stockholm aux Etats-Unis. Washington poursuit aujourd’hui Julian Assange pour piratage informatique. Un acte d’inculpation en trompe-l’œil. Pas question pour les Etats-Unis d’apparaître comme les pourfendeurs de la liberté de la presse. Même s’ils entendent bien faire payer au patron de WikiLeaks la révélation de vérités pour le moins embarrassantes. Lui qui avait notamment rendu public des crimes et bavures commis par les Américains durant les guerres en Irak et en Afghanistan... Des informations et nombre d’autres encore qui ont aussi servi de matériaux de base aux enquêtes de journalistes du monde entier. Reste que le rôle trouble joué par WikiLeaks durant la campagne des présidentielles américaines, les accointances supposées de son fondateur avec Moscou et la divulgation de courriels piratés de la candidate démocrate Hillary Clinton auront terni l’image du site et le rôle de sentinelle d’Assange... Mais bien qu’ambigu et controversé, l’homme a le mérite d’avoir dévoilé au monde des dérives et actions pour le moins coupables de la première puissance mondiale. Un courage qu’il a payé de sa personne, condamné à vivre terré entre quatre murs. Pire, il risque aujourd’hui de purger plusieurs années de prison aux Etats-Unis. Voire la perpétuité, selon son conseiller juridique interviewé par la RTS.

Dans ce contexte, Londres serait bien inspiré de ne pas remettre Julian Assange à son allié de toujours. Plus encore que le seul sort d’un homme – même si s’en désintéresser serait tout aussi condamnable – il s’agit de défendre le droit intangible d’informer, socle de toute démocratie. Tout en évitant, comme le relève Reporters sans frontières, de créer «un dangereux précédent pour les journalistes, les lanceurs d’alerte et d’autres sources journalistiques qui peuvent être potentiellement poursuivis par les Etats-Unis».