Solidarity Network, un syndicalisme de lutte pour faire bouger les lignes
«Aucun mouvement politique ou syndical n'a de réelle base militante. Nous essayons de la construire, mais c'est très dur», affirme Sopo Japaridzé, présidente de Solidarity Network (Réseau solidaire), un collectif de jeunes socialistes et anarchistes, formé en 2015, qui est officiellement enregistré comme syndicat depuis 2017. Prenant en compte les évolutions socioéconomiques du pays, l'organisation entend d'abord se concentrer sur le secteur des services. En rupture avec l'institutionnalisme et l'inertie de la GTUC, Réseau solidaire défend un syndicalisme plus combatif, plus réactif et plus politisé. Avec le syndicat indépendant des employés de l'audiovisuel public et celui des conducteurs du métro de Tbilissi, il incarne une forme de renouveau du paysage syndical.
La jeune organisation fonctionne avec un budget limité et grâce à l'engagement d'un noyau dur d'environ huit permanents qui doivent souvent combiner le travail syndical avec des jobs alimentaires. «Comme en Géorgie nous avons une main-d'œuvre très précaire, nous avons choisi une stratégie flexible qui combine l'action directe, les recours juridiques et la construction de collectifs», explique Sopo Japaridzé.
C'est surtout sur ce dernier axe que les syndicalistes de Réseau solidaire concentrent leur énergie. «Nous disons aux travailleurs qui ont des problèmes et qui viennent nous voir de revenir avec quatre ou cinq collègues. La lutte syndicale ne peut être que collective, le combat individuel ne construit pas de rapport de force et n'apporte pas de changement», souligne la présidente. En l'absence de culture syndicale ou militante, il faut souvent repartir de zéro. Mais en quelques années, Réseau solidaire a réussi à faire émerger et à fédérer une petite dizaine de syndicats: traducteurs, employés de commerce, professeurs de l'enseignement technique, ouvriers des boulangeries industrielles...
52 heures par semaine
Après le licenciement de 87 infirmières et docteurs d'une clinique privée de Tbilissi en 2017, les activistes se sont intéressés de plus près au secteur de la santé. «Plus de 90% des centres médicaux et des hôpitaux ont été privatisés, mais cela n'a ni amélioré les salaires ni la charge de travail du personnel», affirme Revaz Karanadzé, un membre de Réseau solidaire qui vient d'effectuer une enquête approfondie sur les conditions de travail des infirmières.
Cette étude a révélé qu'elles travaillent en moyenne 52 heures par semaine pour un salaire mensuel allant de 300 à 500 laris. «Recueillir des témoignages n'a pas été facile, car elles sont très suspicieuses, elles ne font pas confiance aux personnes extérieures et pensent qu'on veut les manipuler, note Sopo Japaridzé. Avec ce rapport, nous essayons de sensibiliser l'opinion publique à la situation des infirmières. C'est une première étape avant de pouvoir les aider à s'organiser collectivement.»
Remobiliser, resyndiquer, réorganiser petit à petit les travailleurs de différents secteurs est une tâche colossale et périlleuse, qui prendra de longues années. Mais les membres de Réseau solidaire voient des signes d'espoir dans le succès de la grève inédite des conducteurs du métro de Tbilissi en juin dernier: «Ils ont obtenu une augmentation salariale de 30% pour eux et aussi de 15% pour tous les autres employés de l'entreprise des transports publics!» se réjouit Revaz Karanadzé.