«Un geste insuffisant»
Amnesty International s’indigne de la peine infligée à Lisa Bosia Mirra, qui avait aidé des réfugiés à franchir la frontière italo-suisse, même si la sanction a été allégée
«La solidarité n’est pas un crime.» Dans un communiqué de presse publié le 31 octobre dernier, Amnesty International déplore le «geste insuffisant» de la justice effectué à l’égard de Lisa Bosia Mirra. La Cour d’appel de Locarno a allégé la peine infligée à la militante qui avait été condamnée en 2017 par le Tribunal de Bellinzone pour avoir aidé, l’été précédent, une vingtaine de migrants à franchir la frontière italo-suisse, pour la plupart des mineurs non accompagnés. Elle a ainsi acquitté la travailleuse sociale de l’accusation d’aide au séjour illégal, mais a maintenu celle relative à l’aide à l’entrée et à la sortie illégales. Elle a encore, précise toujours l’ONG, réduit la sanction pécuniaire de 8800 à 2200 francs et supprimé l’amende de 1000 francs. Ce verdict fait suite au procès en appel qui s’est tenu le 10 septembre dernier. Lisa Bosia Mirra a annoncé qu’elle allait saisir le Tribunal fédéral.
Selon sa conscience...
«La Cour de Locarno a confirmé que le fait d’accueillir un migrant clandestin en Suisse pour quelques jours n’est pas punissable», commente Pablo Cruchon, responsable de la campagne Migrations pour Amnesty International. Le collaborateur de l’organisation souligne aussi que l’instance n’a pas davantage jugé condamnable la sustentation d’un étranger en difficulté, l’offre d’une assistance médicale ou de conseils juridiques à un immigrant clandestin sur le point de franchir la frontière. «C’est un pas dans la bonne direction. Toutefois, la peine infligée à Lisa Bosia Mirra demeure inscrite dans un casier judiciaire. Or, elle n’est ni une passeuse ni une criminelle, elle n’aurait jamais dû être poursuivie et condamnée en première instance. Désemparée face au désespoir des jeunes rencontrés à la gare de Côme, et face aux violations de leurs droits de la part des autorités suisses et italiennes, l’ancienne élue tessinoise n’a eu d’autres choix que d’agir selon sa conscience, même si cela impliquait de violer la loi.» Pour l’ONG, les pouvoirs judiciaires des différents cantons devraient cesser toutes poursuites et toutes sanctions envers des personnes s’engageant en faveur des droits des migrants, indifféremment de leur statut. «L’article 18 du Code pénal prévoit une possibilité de supprimer la peine lorsque l’auteur d’un acte illicite l’a commis pour préserver autrui d’un grave danger. Pourtant, les autorités judiciaires se sont abstenues d’acquitter Lisa Bosia Mirra», déplore encore Pablo Cruchon.
En finir avec le délit de solidarité
Rappelons que l’ancienne députée socialiste avait, durant l’été 2016, porté secours aux réfugiés qui, refoulés à la frontière suisse, campaient dans un parc, devant la gare de Côme. Avec son association, Firdaus, elle avait organisé une distribution quotidienne de nourriture et de vêtements. Et mis en place une assistance légale minimale, en particulier pour les mineurs et les personnes les plus vulnérables. Des soutiens que l’Italie n’avait pu garantir et assumer en raison de structures surpeuplées. Amnesty International critique aussi la Suisse qui a régulièrement renvoyé les migrants quand bien même ils réclamaient sa protection. Les gardes-frontières n’ont pas davantage autorisé les mineurs à transiter par le territoire helvétique pour rejoindre leur famille dans d’autres pays d’Europe, «en violation du règlement sur le regroupement familial prévu par les accords de Dublin».
Dans ce contexte, Amnesty International et Solidarité sans frontières demandent, via une pétition, la révision des lois qui limitent et répriment la solidarité envers les migrants et les réfugiés. Les deux organisations invitent notamment les parlementaires à soutenir l’initiative déposée par la conseillère nationale Verte Lisa Mazzone allant dans ce sens. 134 avocats ont aussi manifesté leur soutien à la démarche dans une déclaration commune.