Résister et militer
Engagé activement dans la Grève du climat, Steven Tamburini a mis ses études sur pause et plaide en faveur d’une convergence des luttes
Pas d’engagement pris à la légère pour Steven Tamburini. Entier, sociable, communicatif, prêt à discuter avec des représentants de tous les partis, le Vaudois de 26 ans a suspendu temporairement ses études pour consacrer davantage de temps aux causes qu’il défend. Son master en sciences de l’Antiquité mis sur pause en mars dernier, il s’investit notamment largement dans la Grève du climat. Un cap franchi à la suite d’une question qui le tarabustait, question répercutée lors des différentes manifestations des jeunes qui ont émaillé cette année: «A quoi bon étudier si nous n’avons pas d’avenir?» De quoi ébranler le sympathique universitaire. «J’ai été confronté à une perte de sens totale, entre peur et incompréhension. Pas seulement en raison de la menace climatique, bien qu’elle ait été la pierre angulaire de cette décision, mais aussi face à la montée de régimes autoritaires», explique le jeune homme, membre également de Solidarités, qui décide alors de prendre du recul pour mieux «résister et militer». «J’ai estimé qu’il fallait réagir urgemment, que mon cursus n’était pour le moment plus prioritaire. Je voulais aussi prendre activement part au mouvement sans risquer un burn-out», explique Steven Tamburini enroulant pensivement une mèche de cheveu autour de son index. Le Vaudois continue toutefois à travailler partiellement pour le Service culture et médiation scientifique de l’Université et conserve sa casquette «d’artiste» dans le monde du jeu de rôles. «Je crée des univers imaginaires, des scénarios et anime des événements pour le compte d’institutions comme des musées, des bibliothèques, etc.» Une activité aussi pédagogique que ludique qui le passionne depuis toujours.
Jeux de rôles et pétanque
«J’ai toujours aimé les jeux de société et de rôles. Dans ce dernier domaine, je m’intéresse en particulier à l’histoire – que ce soit celle des Romains, du XIXe siècle ou de l’ère de la piraterie – et au transhumanisme.» Une passion propre à étoffer ses connaissances, qui lui permet de remonter le temps, ou de se projeter dans un futur qualifié d’inquiétant, tout en abordant des sujets difficiles, voire tabous: la sexualité, les animaux, l’anthropocentrisme, le militantisme... «J’aime les situations qui prêtent à réfléchir. Les jeux de rôles servent de support à l’imaginaire, l’exploration, la transgression de frontières. Ils ont aussi été à l’origine d’amitiés très fortes», s’enthousiasme Steven Tamburini qui adore aussi... la pétanque, initié à cette pratique par ses parents et ses grands-parents. Un sport nécessitant «concentration, stratégie, sociabilité et réunissant toutes les générations et classes sociales». «J’ai été licencié à l’âge de 8-9 ans», sourit le joueur qui a participé à nombre de championnats nationaux et internationaux quand bien même il a aujourd’hui aussi mis ce loisir un peu en veilleuse.
Confiance en la rue
Le déclic de son engagement pour l’environnement et la cause sociale, le Lausannois aux racines espagnoles et italiennes, l’attribue à un séminaire... sur l’effondrement de l’Age du bronze méditerranéen. Une période obscure qui remonte aux environs de 1200 av. J.-C., marquée par un chaos général entre guerres, famines, pillages, migrations, dégradation de microclimats... Cette lointaine page de l’histoire angoisse l’universitaire cherchant à mieux comprendre les facteurs à l’origine de cette fin de civilisation et fait écho aux périls actuels. «J’ai ainsi rejoint naturellement la Grève du climat... magique... et Solidarités. Je participe également à des interventions du groupe Extinction Rebellion», note Steven Tamburini qui prône la convergence des luttes. Et reste sceptique quant aux effets concrets de la vague verte électorale. «Les changements se feront essentiellement sous la pression de la rue. C’est là où je place ma confiance. Et dans la pluralité des actions. Toutes se révèlent essentielles et porteuses de germes révolutionnaires. Bon, on est en Suisse», temporise toutefois celui qui estime légitime la désobéissance civile non violente. Un thème qui fera probablement l’objet de son mémoire. Adepte de la décroissance immédiate, le militant lui oppose, de manière positive, une «croissance des liens humains, de la culture, du social, de la citoyenneté, des métiers à revaloriser comme ceux de l’enseignement, des soins aux personnes âgées, etc.» Une posture intégrée dans son mode de vie.
Oublier en marchant
Renoncement à la voiture, consommation de produits locaux, partage de biens... Steven Tamburini vit comme il pense. Son avenir professionnel, il l’imagine dans la poursuite de son travail de médiateur culturel, la formation ou peut-être les médias – il fait déjà partie de la rédaction du journal Moins!. Pas de plan définitif à ce stade pour cet optimiste pragmatique et idéaliste comme il se définit lui-même. «Rien de contradictoire à mon sens. Je suis un partisan de la pensée complexe. Et privilégie les approches holistiques.» Pour se ressourcer, l’homme opte pour la lecture, qu’elle soit de nature divertissante ou très sérieuse, et des ralentissements qui se traduisent par de longues marches méditatives. «J’ai parfois besoin de tout oublier», confie cet intellectuel inquiet face à l’état du monde et les dérives fascistes, qui associe le bonheur à la «capacité de poursuivre ses buts». Des objectifs où il est question de sérénité, de collectif, d’amour, d’évolution et de rencontres. Au chapitre de ses utopies, l’homme rêve d’assister à la fin du capitalisme et du patriarcat. Et, sur une note plus légère, questionné sur un animal qui le fascine, choisit un stégosaure. Une sorte de grand dinosaure éteint depuis belle lurette, au dos cuirassé de plaques osseuses, qui servaient probablement à réguler sa température corporelle. Des attributs enviables, réchauffement en ligne de mire...