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Dignité pour les MNA!

Occupation de la Maison des arts du Grütli. Une banderole sur laquelle on peut lire: "Dignité pour les MNA et on s'en va."
© Neil Labrador

Jeudi dernier, à la Maison des arts du Grütli, l’occupation des lieux se poursuivait pour que les mineurs non accompagnés puissent avoir accès à l’école, à une formation, ainsi qu’à des foyers à taille humaine.

A Genève, le Grütli est occupé depuis le 13 janvier pour forcer les autorités cantonales à offrir des conditions de vie dignes aux mineurs non accompagnés

Depuis le 13 janvier, le Collectif lutte des MNA (mineurs non accompagnés) occupe la Maison des arts du Grütli à Genève pour exiger des conditions de vie dignes pour les mineurs et les jeunes majeurs non accompagnés. Face au mutisme et à l’immobilisme des autorités cantonales depuis des mois, les militants ont décidé de frapper fort en s’emparant de ce lieu culturel emblématique, appartenant à la Ville. «Dignité pour les MNA, et on s’en va», tel est leur message. Le 16 janvier, L’Evénement syndical s’est rendu sur place dès le matin. Environ 18 personnes avaient dormi ici la veille, dont une douzaine de MNA. En bas, côté théâtre, c’est l’heure du petit-déjeuner. Le réveil est souvent difficile mais le sourire s’affiche. Ce jour-là, une permanence juridique se tiendra à midi, en présence d’avocats. «L’occupation se passe bien, confie l’une des membres du collectif, qui a souhaité conserver l’anonymat. On a des nouveaux jeunes chaque soir grâce au bouche à oreille. La solidarité a été extraordinaire: beaucoup de personnes sont passées nous apporter du matériel, de la nourriture ou encore des mots de soutien. Notre but n’est pas de rester, mais que les choses bougent.» Des activités sont proposées en journée, comme des cours de français ou encore des jeux. De son côté, le Grütli continue de vivre. Le Collectif a adressé une série de revendications urgentes au Conseil d’Etat. Il demande un rendez-vous avec la délégation du Conseil d’Etat aux migrations dans les plus brefs délais, mais aussi que plus aucun jeune ne dorme dans la rue, l’ouverture de nouveaux foyers à taille humaine pour les MNA et les jeunes majeurs jusqu’à 25 ans quel que soit leur statut légal, l’application de la présomption de minorité et une prise en charge en découlant, ainsi que l’arrêt immédiat de tous les tests de minorité. Enfin, les militants exigent la scolarisation pour tous les jeunes jusqu’à 18 ans, un accès à des formations professionnelles et à une aide financière. «Nous demandons qu’ils puissent avoir une vie normale de jeunes de leur âge, à savoir: pouvoir aller à l’école, apprendre un métier, faire du sport et sortir.»

Le Collectif a reçu le soutien de la Ville de Genève qui a bien voulu entrer en matière sur la possibilité de fournir des cartes de résident pour les personnes vivant sur le territoire de la commune, afin de pouvoir se légitimer auprès des institutions et de la police en cas de besoin. Elle a également accordé une aide financière de 3000 francs pour soutenir la logistique de l'occupation au Grütli et mettra en place rapidement l'accès à des cours de sports gratuits dans les infrastructures de la Ville. «C’est très réjouissant, réagit la militante. Maintenant, nous attendons que le Conseil d’Etat prenne ses responsabilités et nous propose une date de rencontre. Nous maintiendrons l'occupation tant qu'il le faudra, jusqu'à ce que le Canton donne des garanties suffisantes sur l'application de l'intégralité de nos revendications.»

Pour accentuer la pression, un rassemblement a eu lieu le 17 janvier devant le Grütli et une manifestation devait se tenir hier soir, à la place de Neuve à Genève.

Témoignage
«Ma vie est ici», Kader*, 17 ans.

«Je suis arrivé en Suisse le 10 août 2019. Avant, j’étais à Paris. Je viens d’Algérie, j’ai parcouru onze pays à pied pendant un an et trois mois avant d’arriver en Europe. Chez moi, ce n’est pas la guerre, mais même en faisant les meilleures études, à la fin il n’y a pas de travail, ou alors, c’est pour gagner 100 francs par mois. Ma famille est restée au bled. Je suis venu ici car on m’a dit: “Tu verras, en Suisse, il y a de l’argent partout, même par terre.” Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas vrai. A Genève, j’ai d’abord été logé à l’hôtel Aïda, c’était la galère… Il y avait la gale, des punaises de lit… Maintenant, je suis dans un foyer depuis trois semaines. Nous sommes 19 au total, deux par chambre, et il y a quatre douches. L’été dernier, j’ai fait deux demandes: l’accès à l’école et au sport, ainsi qu’une consultation médicale et je n’ai toujours rien eu. Je ne touche aucune aide financière. Je suis présent au Grütli parce que je demande qu’on soit traité dignement et qu’on ait tous les mêmes chances.

Ma vie est ici, je n’ai pas envie de partir, c’est ici que je veux être. Je veux parler un français parfait, comme les gens d’ici. Je veux faire partir d’un club de sport, travailler, me marier, avoir des enfants. Je veux m’intégrer, vivre avec les Suisses, comprendre leur culture. Rester dans ce foyer avec des gens comme moi ne me fera pas avancer, je veux découvrir des choses. Je m’intéresse à l’histoire de Genève et j’ai couru la Course de l’Escalade. J’aide aussi les autres jeunes qui dorment dans la rue, car je suis passé par là, je sais ce que c’est. Je pense que j’aimerais faire du social plus tard.»

*Prénom d’emprunt.

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