A Fribourg, une large coalition syndicale et de gauche s’engage contre le texte soumis au vote le 17 mai
A Fribourg, un comité cantonal syndical et de gauche s’est formé pour sonner la charge contre l’initiative de l’UDC soumise en votation le 17 mai prochain. «L’UDC parle de limitation de l’immigration, mais il s’agit bien dans les faits de résilier l’accord sur la libre circulation des personnes», a exposé le secrétaire régional d’Unia Fribourg, Armand Jaquier, au cours d’une conférence de presse donnée jeudi dernier pour présenter la campagne du comité. Dite de limitation, l’initiative «Pour une immigration modérée» propose en effet ni plus ni moins que d’abroger, dans les douze mois suivant le vote, l’accord de libre circulation entre la Suisse et l’Union européenne, en vigueur depuis 2002. Et, à l’avenir, aucun nouveau traité accordant un régime de libre circulation ne pourrait être conclu.
Pour le monde du travail, la première conséquence d’une approbation du projet UDC serait certainement un retour au statut de saisonnier ou un règlement proche. Ce statut, rappelons-le, interdisait le regroupement familial. «Les enfants vivaient au galetas. Ils devaient rester cachés, s’ils étaient découverts, ils risquaient l’expulsion. Ma sœur a été amenée à accoucher à l’hôpital et, en sortant, elle a été expulsée pour dix ans», a témoigné Adamo Nicolo durant la conférence de presse. Président de la Colonie libre italienne de Fribourg, ce retraité a travaillé 42 ans chez Antiglio, d’abord comme manœuvre saisonnier avant de finir contremaître maçon. Aujourd’hui naturalisé, il glissera un «non» décidé dans l’urne. Comme l’a souligné Armand Jaquier, le retour à ce régime cruel et honteux constituerait une atteinte aux droits humains: «La libre circulation est un droit fondamental de tous les êtres humains.»
Volonté de diviser les salariés
«La fin de la libre circulation signerait aussi celle des mesures d’accompagnement», a poursuivi le responsable syndical. En 2018, 42000 entreprises et 173000 personnes ont ainsi été contrôlées en Suisse dans le cadre de ce dispositif. Dans 24% des cas, les employeurs ont été reconnus responsables de dumping salarial. Sur le canton de Fribourg, plusieurs entreprises ont été prises la main dans le sac, certaines ont été obligées d’augmenter les salaires de leurs employés de plusieurs centaines de francs par mois, a expliqué Armand Jaquier. En outre, les mesures d’accompagnement facilitent l’extension des conventions collectives. «Ce serait la fin d’une certaine protection et une augmentation très forte du dumping. Tout simplement parce que l’économie fait venir les bras indépendamment des permis. Avec ou sans limitation, la migration suit la demande économique.» Et l’absence de cadre protecteur laisse la voie libre à l’exploitation et au travail au noir. «Il y a une volonté de diviser les salariés. Casser les droits, c’est pour avoir une concurrence qui se fasse sur le dos des salariés. Cette mécanique existe déjà, mais elle serait encore amplifiée.» Pour le secrétaire syndical, il faut, au contraire, «défendre les salaires suisses en Suisse et renforcer les mesures d’accompagnement». «On appartient à la classe ouvrière non pas parce qu’on a un passeport ou une nationalité, mais parce qu’on travaille. L’UDC, elle, n’est pas un allié de la classe ouvrière, bien au contraire. Et si elle s’empare des enjeux écologiques et climatiques, c’est pour mieux cacher sa xénophobie», appuie Maxence Kolly, militant de Solidarités.
Enfin, Grégoire Kubski, coprésident de la section gruérienne du Parti socialiste, fait le lien avec le Brexit: «Le même schéma se répète, on nous fait miroiter la possibilité de négocier à la carte, c’est un mensonge quand on voit la difficulté de conclure l’accord-cadre avec l’UE. Ce serait grave de rejoindre les rangs des isolationnistes européens. Nous avons besoin de main-d’œuvre et de recruter à l’étranger. L’initiative créerait un appauvrissement général et tout le monde serait perdant.»
Le comité, auquel participent également l’Union syndicale fribourgeoise, le SEV, Syndicom, le Centre Gauche PCS et Syna, a prévu de mener campagne en distribuant des tracts, notamment dans les entreprises, et en diffusant des informations sur les réseaux sociaux.