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Ma sourcière bien-aimée

Portrait de Marie-Claude Jeanneret.
© Thierry Porchet

Marie-Claude Jeanneret, avec une sculpture créée par l’un de ses fils: «J’aime beaucoup cette statue qui, pour moi, représente la féminité.»

Marie-Claude Jeanneret a plus d’une corde à son arc: sourcière et géobiologue, elle est aussi savonnière artisanale depuis plus de vingt ans

Entrer dans l’atelier de Marie-Claude Jeanneret, c’est plonger dans un univers d’odeurs enivrantes. Celles des fleurs d’oranger, du calendula, de l’eau de rose, de la bergamote, de l’ylang-ylang, entre autres plantes. A l’arrière, dans sa minuscule cuisine, la savonnière touche-à-tout pose une cruche sur une petite table bricolée par ses soins. Un panneau de signalisation – une flèche sur fond bleu – fait office de plateau, comme pour nous indiquer une direction. Peut-être celle de l’eau de source qu’elle va chercher chaque quinzaine du côté du Chalet-à-Gobet ou de Montreux, parfois à Evian. Un liquide aussi doux que la sourcière qui parle de ses passions avec délicatesse. «C’est une eau vivante et vibrante, car non traitée, non chlorée», souligne-t-elle.

Déjà adolescente, la Lausannoise munie de baguettes jouait à chercher l’or bleu. «Cela n’a jamais marché», sourit-elle. Marie-Claude Jeanneret mettra de côté cet intérêt particulier pour se plonger dans les bains chimiques des laboratoires de photo noir et blanc, avec bonheur, d’abord à l’école de photographie de Vevey, puis dans un magasin spécialisé. Un métier qu’elle quitte en devenant mère au foyer à temps plein. «J’ai adoré cette période avec mes deux fils. J’ai développé une certaine sensibilité et une éthique, tout en faisant mes confitures, mes sirops, mes bonbons moi-même…» se souvient-elle. Dès 1996, l’autodidacte expérimente aussi la création de savons et de crèmes, à une époque où internet n’est encore que balbutiant tout comme la mode du do-it-yourself.

Aimer le chemin

 «Ce n’est pas sorcier. L’industrie cosmétique nous a dépossédés d’un savoir très simple», précise Marie-Claude Jeanneret. Dans cette volonté de réappropriation, l’artisane vient de développer un kit pour que tout un chacun puisse faire ses produits lui-même. «Les gens sont émerveillés de voir qu’avec du jojoba, de la cire et de l’hydrolat, on crée des crèmes de haute qualité et très bon marché.»

Que ce soit pour une bergère aux mains gercées, une danseuse aux pieds endoloris ou un grimpeur meurtri par des cloques, Marie-Claude Jeanneret élabore des crèmes sur mesure, dont les résultats positifs l’étonnent elle-même. «Beaucoup de personnes ont des problèmes de peau, j’aime chercher ce qui pourrait les aider. J’aime le chemin», sourit-elle. Formée en spagyrie, elle utilise cette médecine naturelle ancestrale – développée par un médecin suisse, Paracelse, au XVIe siècle – pour apporter à ses crèmes, savons et shampoings, un caractère énergisant et réharmonisant. «Le procédé sépare les trois aspects de la plante, le corps (sels minéraux), le caractère (huiles essentielles) et son esprit (alcoolat)», explique l’alchimiste en bonne pédagogue.

Passionnée, la savonnière développe ses créations en fonction de ses rencontres ou de ses voyages. L’utilisation des drêches (résidus de bière) d’une brasserie artisanale, Les Fleurs du Malt, lui a permis de créer une gamme pour hommes; la Corse lui a ouvert toute une palette de senteurs. A chaque savon, à chaque crème, son histoire donc. Celui au karité, elle le voulait le plus simple et le plus proche de la terre possible comme une réminiscence de son voyage en Afrique.

«C’est très compliqué pour moi l’odeur. D’où, peut-être, ma quête. Je ne suis pas un nez, créer une harmonie de senteurs, c’est comme composer de la musique…» Une fragrance qu’elle aime particulièrement? «Le mélèze, tout en rondeur», précise celle qui tient à privilégier le local et le bio. Depuis plus de vingt ans, sa démarche s’étoffe et se simplifie à la fois: «J’utilise de moins en moins de produits. Je pense que c’est dans l’ère du temps, aller vers le dépouillement.» Au point de dégager une nouvelle tendance, radicale, celle du non-savon.

Tous sourciers

Son sens marchand étant peu développé, Marie-Claude Jeanneret travaille à mi-temps comme secrétaire pour s’en sortir financièrement. Elle propose aussi des ateliers pour la confection de crèmes et, depuis peu, des stages pour sourciers en herbe. «Chaque personne a cette capacité, comme celle de faire du vélo. Il y aura bien sûr des cyclistes meilleurs que d’autres.» Elle-même raconte n’avoir rien ressenti lors de ses premiers cours à l’école valaisanne de sourcellerie. «Peu à peu, on entre en résonance avec l’eau. Car notre corps est fait en grande partie de cet élément. Il s’agit de lâcher le mental, ce qui peut faire peur. Cette connexion nous permet de déterminer où se trouve la source. C’est magique.» La sourcière se forme aujourd’hui en géobiologie, ce qui lui permet non seulement de sentir le si précieux liquide, mais aussi les réseaux telluriques. Elle peut ainsi intervenir dans une maison lorsque le sommeil de ses habitants est perturbé (si le lit est installé sur un nœud tellurique par exemple) ou lorsque l’humidité remonte dans les murs (il arrive qu’un puits soit recouvert au fil des rénovations – «Il s’agit alors de le rouvrir pour lui laisser la possibilité de respirer»).

Marie-Claude Jeanneret peut être aussi appelée par un paysan, lorsque celui-ci voit sa source se tarir. «Cela arrive de plus en plus, lance-t-elle, inquiète. Sans source, les coûts de l’eau sont très élevés pour un éleveur de bétail. Parfois, on arrive à en trouver une autre, ou retrouver la même un peu plus haut. Chaque cas est particulier.» Une pratique qui rappelle l’importance centrale de l’or bleu. Et la sourcière de mentionner encore les travaux du chercheur japonais Emoto qui a montré les différences des cristaux d’eau selon d’où elle vient ou selon les messages qu’on lui donne. Un émerveillement pour celle qui, au fil des années de pratique, vibre de plus en plus.

Site de la savonnerie: saponis.ch