Des activistes du climat qui avaient occupé en mars 2019 les locaux des Retraites populaires à Lausanne ont fait opposition à leur ordonnance pénale
Nouveau procès en vue pour des défenseurs du climat. Après l’acquittement en première instance en janvier dernier des militants qui avaient improvisé une partie de tennis dans une succursale de Credit Suisse (voir L’ES du 22 janvier 2020) et du recours pendant du procureur général du canton de Vaud, certains de leurs camarades sont de nouveau confrontés à la justice. Lors d’une conférence de presse organisée le 30 juin dernier à Lausanne, des activistes ont annoncé que 14 d’entre eux avaient été condamnés par ordonnances pénales à 20 jours-amende à 30 francs, à une amende de 200 francs et au paiement des frais de procédure. Ils ont annoncé avoir fait opposition et rappelé les faits qui leur sont reprochés, tout en insistant sur l’importance de leur lutte. Pour mémoire, dans le cadre de la Grève du climat du 15 mars 2019, une cinquantaine de manifestants avaient occupé pacifiquement les locaux des Retraites populaires dans la capitale vaudoise pour dénoncer ses placements dans les énergies fossiles. Une quinzaine d’écologistes avaient refusé de quitter les lieux malgré les injonctions des forces de l’ordre qui avaient fini par procéder à leur évacuation. Ces derniers sont aujourd’hui poursuivis par le Ministère public pour ce motif, accusés «d’empêchement d’accomplir un acte officiel». Ils auraient aussi enfreint le droit de manifester. La société de prévoyance, qui gère notamment la Caisse de pension de l’Etat de Vaud (CPEV), n’a, en revanche, pas porté plainte. «Nous avions pu ouvrir le dialogue avec le directeur de l’établissement», a précisé Tobias Barblan, un des prévenus. A ses côtés, Loïc Bernet a insisté sur la nécessité de leur action, mentionnant une analyse de l’Office fédéral de l’environnement faisant état, en 2017 déjà, d’un réchauffement prévisible allant de 4 à 6 degrés via les investissements des caisses de pension. «Nous souhaitions mettre en lumière ces dysfonctionnements», a plaidé le jeune homme. Une démarche qui pourrait bien avoir eu un impact sur l’orientation prise depuis par les Retraites populaires.
Criminalisation des actions...
Cinq mois plus tard, ont noté les intervenants dans leur communiqué, ces dernières ont annoncé exclure de leur portefeuille des sociétés actives dans le secteur du charbon. «Le directeur ne pourra jamais dire que c’est notre action qui leur a fait prendre conscience de leur impact climatique, mais cela faisait plus d’une année que DIVEST CPEV (mouvement réclamant le désinvestissement des entreprises d’énergie fossile de la CPEV, ndlr) essayait de les rencontrer sans succès. Ils ont été invités en septembre. Pur hasard?» Quoi qu’il en soit, plus d’un an après, la justice a sanctionné les activistes. Me Irène Wettstein, qui défend pro bono les militants, s’est interrogée: «Quel est l’intérêt public, si important, qui justifie de condamner ces lanceurs d’alerte? Il s’agissait d’une occupation non violente, sans dommages matériels. D’un acte altruiste.» Et de s’étonner que le Ministère public n’ait pu attendre le verdict du procès en appel, le 22 septembre prochain, des militants qui ont investi Credit Suisse. Un des occupants des Retraites populaires, Zakaria Dridi a dénoncé pour sa part «une criminalisation des actions». Ce dernier a déjà comparu devant le Tribunal des mineurs en juin 2019 et fait recours contre sa condamnation. Son avocate, Me Loucy Weil, a regretté que la cause n’ait été «ni entendue ni comprise» et a annoncé que le débat climatique se poursuivrait le 28 septembre lors du second jugement. Et les écologistes de s’inquiéter encore, dans le contexte de la crise sanitaire liée au coronavirus, de la difficulté de porter leur combat dans l’espace public et d’une répression accrue. «Même dans le cadre de manifestations de petite envergure, on nous cherche des noises. C’est devenu aujourd’hui quasi systématique.» Pas de quoi toutefois les décourager... «Je continue la lutte mais je le fais en conscience. Il faut réfléchir à ce qui est le plus efficace, en fonction du risque», a indiqué Tobias Barblan, aussi rassuré par la caution de scientifiques et du soutien de personnalités publiques, «donnant encore davantage de crédit à nos actions». Même point de vue de Loïc Bernet qui, s’il a estimé que la situation le ralentissait, compte sur l’implication du plus grand nombre.