Le congé paternité devrait, enfin, voir le jour
Deux tiers des sondés pensent glisser un oui dans l’urne le 27 septembre, mais les jeux ne sont pas encore faits
Après le «aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire» d’Alain Berset au sujet du Covid-19, c’est le congé paternité qui se joue en «hâte-toi lentement». La Suisse figure au dernier rang des 31 pays de l’OCDE en la matière, avec zéro jour de congé légal pour les pères. Ces derniers n’ont droit qu’à un congé «usuel», d’une journée, voire deux selon l’employeur. Des congés plus généreux existent néanmoins dans certaines conventions collectives de travail ou des entreprises. Reste que Dame Helvétie peine à avancer dans une politique familiale qui offrirait la possibilité aux papas de tisser des liens forts avec leur enfant, ainsi qu’une meilleure conciliation entre famille et travail.
Le projet de congé paternité de deux semaines, adopté l’automne passé par les Chambres, sera soumis au vote le 27 septembre. Une proposition minimaliste par rapport à l’initiative qui en est à l’origine et qui demandait quatre semaines. Déposée en 2017 par Travail.Suisse, männer.ch, Alliance F et Pro Familia, elle avait été rejetée par le Parlement. Les élus lui ont préféré le contre-projet de deux semaines. Ce dernier a été contesté par référendum par des entrepreneurs et des politiciens UDC de Suisse alémanique, remontés à l’idée d’une hausse des cotisations sociales... Les sections romandes et tessinoises du parti populiste s’en sont désolidarisés et soutiennent les deux semaines de congé.
Les sondages donnent le contre-projet gagnant, avec 66% de oui. S’il est accepté, le congé paternité pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2021.
91000 pères concernés
Le texte prévoit, pour les salariés et les indépendants, un arrêt de deux semaines, à prendre en bloc (14 jours week-ends compris) ou par journée (10 jours de travail), dans un délai de six mois après la naissance. Comme pour le congé maternité, les pères toucheront 80% de leur revenu, mais au maximum 196 francs par jour, pour autant qu’ils aient travaillé un certain nombre de mois avant la naissance.
Le congé paternité sera financé par une très légère hausse des cotisations pour les allocations pertes de gain (APG), de 0,05%, payée pour moitié par les salariés et pour l’autre par l’employeur. Selon la Confédération, près de 91000 pères pourraient en bénéficier chaque année. Le coût est estimé à 230 millions par an. En comparaison, en 2019, les APG ont versé au total 847 millions de francs à 82890 femmes en congé maternité de 14 semaines, et 819 millions aux 215850 personnes ayant effectué de l’armée, du service civil ou de la protection civile.
En cas d’échec dans les urnes, peu probable, l’initiative pour les quatre semaines pourrait être réactivée. Mais d’autres projets, notamment de congé parental, se dessinent. Pour sa part, l’Union syndicale suisse, qui avait appelé à un congé pour les pères de huit semaines lors du débat aux Chambres, invite aussi à la création d’un congé parental.